Les Manic Street Preachers auront vraiment eu une carrière bizarre, pleine de rebondissements et de coups durs qui auraient anéanti la plupart des groupes actuels. Tout a commencé avec un album énorme (18 morceaux, 75 minutes et la promesse – non tenue – de splitter s’il ne se vendait pas à 20 millions d’exemplaires, ce qui ne fut évidemment pas le cas). Deux albums plus tard sortait l’extraordinaire The Holy Bible, un des albums les plus puissants de l’histoire, et aussi un des plus bruts. Il restera connu à jamais comme le chef d’oeuvre du groupe, mais contre toute attente, le succès commercial viendra juste après, avec Everything Must Go.
Avant toute chose, il faut souligner l’atmosphère particulière qui précéda la sortie du disque : en effet, le designer/lyriciste du groupe, Richey James Edwards (responsable en grande partie de l’ambiance morbide/intense de The Holy Bible) disparut le 1er février 1995, à la veille d’une tournée promotionnelle. Il n’a toujours pas été retrouvé à ce jour. Après quelques mois de réflexion, le groupe décidé de poursuivre en tant que trio, en conservant quelques morceaux co-écrits par Edwards, pour leur nouvel album.
Et c’est sur des bruits de marée (évoquant un possible suicide d’Edwards, profondément dépressif) que l’album commence, et on sent dès le début que le groupe a voulu marquer la différence : les ambiances sombres sont ici remplacées par des morceaux amples, des instrumentations variées et un son puissant, aux antipodes du huis-clos de THB. Tout cela est évidemment parfaitement démontré dans le moceaux suivant, peut-être le plus grand single de rock anglais des années 90 : A Design For Life. Hymne puissant basé sur leurs origines prolétaires, le morceau propulsa le groupe au faîte du rock indie anglais, et fit de l’album un classique.
Les autres morceaux n’abaissent pas le niveau, au contraire : Kevin Carter, construit autour des vers non linéaires d’Edwards prend des tours et détours inattendus (comme un solo de trompette), Everything Must Go et Australia montre un groupe confiant malgré tout, et qui veut maintenant se faire entendre du plus grand nombre.
Ceci dit, Everything Must Go, même si beaucoup plus aisé à écouter que son prédécesseur, comporte quelques passages moins faciles, comme la magnifique ballade Small Black Flowers That Grow In The Sky aux paroles très noires, ou le magnifique dernier morceau, No Surface All Feeling, qui exemplifie au maximum le style de l’album, tout en puissance et en guitares multipliées. Qui d’ailleurs sont parfois trop mises en avant, la production trop « produite » étant sans doute le défaut de l’album.
Everything Must Go n’arrive pas au niveau de The Holy Bible, mais de toute façon, ce n’était pas le but. L’album montre un nouveau départ, une renaissance pour le groupe, même si l’avenir peu glorieux (les trois albums suivants se révéleront assez pâles, malgré quelques bons passages) ne le confirma pas. Á l’époque, les Manic Street Preachers venaient de sortir un des meilleurs albums de 1996, semblaient enfin tenir leurs promesses de domination globale, mais resteront à jamais connus dans l’histoire du rock pour avoir crée deux excellents albums, pour des raisons totalement différentes.