Huitième album pour les Manics, qui est, comme d’habitude, qualifié de retour en forme, ou un truc du genre. Il faut dire que depuis Everything Must Go en 1996, les sorties de groupes ont été inégales (This Is My Truth Tell Me Yours), ennuyeuses (Lifeblood), voire carrément inécoutables (Know Your Enemy). Cette fois, ils ont ressorti les guitares et les hymnes rock, et même si on n’espère plus grand chose, pourquoi pas?
Même si le morceau-titre, qui ouvre l’album, débute par un clavier, la suite nous ramène clairement vers leur période Everything Must Go, où le groupe sortait des hymnes expansivs à tour de bras, portés par la voix puissante de James Dean Bradfield, qui renoue ici avec ses solos de guitare hard rock dont il a piqué le secret à Slash. La suite donne le ton : ce sera un album en dents de scie. Underdogs, sorte d’hommage aux fans fidèles du groupe, renoue avec une sensibilité punk inédite depuis leurs tout débuts : très bien, mais quel dommage que les paroles pitoyables gâchent tout. Nicky Wire écrit vraiment n’importe quoi, et c’est de pire en pire.
Your Love Alone Is Not Enough remonte le niveau : un duo avec Nina Persson (The Cardigans), c’est carrément leur meilleur single depuis, oh, A Design For Life, peut-être (si l’on ne compte pas Masses Against The Classes). Un vrai duo, pas lourdingue pour un sou, et la voix de Nina offre un excellent contrepoint. En parlant de Design For Life, l’intro du morceau suivant (Indian Summer) y fait penser assez fort, même si les excès se retrouvent petit à petit, cette fois c’est un solo de guitare assez inutile. Un peu plus loin, Rendition fait exploser les amplis, comme avant, et le superbe Autumn Song (mais aïe, les paroles…) nous montre que parfois, les Manics ont toujours la flamme. Même si la reprise de Working Class Hero (en piste cachée) ne marquera pas les esprits, si ce n’est par une certaine ironie : Motown Junk, un de leurs premiers singles, clamait « I laughed when Lennon got shot ».
Les points forts de l’album sont sa densité et sa variété, on reprochera juste des paroles généralement très peu inspirées et quelques mauvaises habitudes d’un goût douteux. Le bon est nettement plus présent que le mauvais, et on n’a plus pu dire cela d’un album des Manics depuis bien longtemps. rien que pour cela, je m’excuse d’avoir demandé leur séparation dans un précédent article. Il n’empêche que le groupe ne semble plus capable de produire un album consistant, du calibre de The Holy Bible ou de son successeur. Le rôle du groupe dans la sphère rock contemporaine est donc ambivalente : tant qu’ils sont là, ils continueront à produire quelques bons moments, mais le monde ne s’arrêtera pas de tourner lors de leur séparation. Les Manic Street Preachers sont donc proche du pire sentiment possible que l’on puisse inspirer dans le rock : l’indifférence.