Lors de la première vie de Blur, avant le récent et sensationnel retour de Graham Coxon, un Best Of était sorti, en 2000. Il avait été sévèrement critiqué, voire ridiculisé, car il ne comprenait que les gros succès du groupe, étant ainsi plus proche d’un Greatest Hits, et omettant ainsi énormément d’excellents morceaux d’album. Midlife (évidemment une opportunité d’encaisser du pognon sur le dos de leur tournée estivale, mais c’est comme ça que le business fonctionne, maintenant) corrige le tir, en modifiant drastiquement la liste des chansons.
Non seulement Midlife ajoute une quinzaine de morceaux, mais il en retire aussi sept, ce qui peut sembler étonnant. Néanmoins, malgré leur succès commercial, Country House et Charmless Man ne constituent pas vraiment des morceaux de choix, contrairement à To The End ou No Distance Left To Run, mais il fallait faire des choix. De même, pas d’inédits. On aurait sans doute pu racler les fonds de tiroirs, mais non, on a ici simplement 25 extraits déjà connus (et quelques versions alternatives). Enfin, les modifications ont sans doute aussi un but commercial, le pauvre gars qui avait déjà The Best Of a quelques bonnes raisons d’acquérir celui-ci. Même s’il est probable qu’il a depuis chopé d’une manière ou d’une autre la discographie du meilleur groupe anglais des années 90. L’album valant totalement la peine qu’on s’arrête à chaque morceau, voici donc le premier track-by-track de l’histoire de Music Box.
Beetlebum entame les affaires, avec un riff étonnant, même après 30 000 écoutes. Graham Coxon, je l’ai déjà dit maintes fois, est un guitariste absolument exceptionnel, et le prouve d’entrée, avec donc ce riff mais aussi un anti-solo époustouflant. Il est ici juxtaposé au premier gros succès du groupe, Girls and Boys, qui n’est finalement qu’un fantastique tube ironique qui explicite très bien un des thèmes dominants de Blur (même si cela concerne surtout leurs quatre premiers albums), une observation de la société qui n’a sans doute d’équivalent que chez Morrissey. For Tomorrow tombe d’ailleurs exactement dans le thème, on regrettera juste qu’il est présent dans une version alternative un peu traînaillante.
Retour au Royaume de Saint Coxon, avec Coffee + TV, single qu’il chante lui-même. C’est non seulement un moment important dans sa carrière (ses albums solo le prouvaient, et le prouveront encore ensuite) mais aussi le morceau le plus catchy et accessible de 13. Est-ce la peine de dire que son solo de guitare, qui rappelle J Mascis et Thurston Moore, est impeccable? Le final a maintenant un goût particulier : « We can start all over again ». Ensuite, Out of Time est justement un des deux morceaux sans Coxon, extrait de Think Tank. Coxon avait quitté (avec fracas) le groupe pendant l’enregistrement de celui-ci, avant de revenir au bercail cette année. Influencé par les expériences africaines de Damon Albarn, Out of Time a totalement sa place sur l’album.
Un des grands intérêts de Midlife, c’est d’inclure des extraits d’albums, et pas seulement des singles. Premier exemple, Blue Jeans, un des meilleurs extraits de Modern Life Is Rubbish, dont le refrain est exactement parfait. Désolé de remettre de l’huile sur ce vieux truc, mais le jour où un Gallagher fera ça… Song 2. Gimmick, mais tellement efficace. Bon exemple du jeu de basse d’Alex James, parce qu’aussi étrangement que cela puisse paraître, le boom du refrain vient principalement de la « lead bass ». Pas leur plus grand morceau mais peut-être leur plus connu, surtout aux USA. Ben oui, 2 minutes d’attention,et tout ça, ça marchait super bien aux matches de hockey. L’album est vraiment bien compilé, car après Song 2 arrive Bugman, aux paroles tout aussi obliques et à la disto puissante, cette fois sur la guitare. Excellente illustration de l’expérimentation de 13, je ne m’attendais pas à le trouver ici, surtout qu’après trois minutes, le morceau part dans tous les sens sans jamais revenir à la mélodie de départ.
Autre surprise, He Thought of Cars. The Great Escape, malgré son succès, est le mal aimé dans la disco de Blur. Trop cohérent (!), trop proche de Parklife (leur précédent, et premier gros succès), et sans doute pas assez mémorable. La compile réussit pourtant à extraire trois morceaux excellents, dont celui-ci, parfait représentant du ton tragico-mélancolique de l’album. Gros choc sur le morceau suivant. Death of a Party montrait le début de la phase expérience de Blur, qui allait connaître son paroxysme avec 13. Le morceau est non seulement compris ici (autre surprise) mais dans une version différente, encore plus étrange et supérieure à la version sur Blur. Fantastique morceau, et jusqu’ici, Midlife fait un sans faute.
L’ambiance change de nouveau avec la mégaballade The Universal, qui rappelle à jamais son clip ambiance Orange Mécanique. Une des plus délicates oeuvres jamais mises en musique, The Universal donne envie de rire et de pleurer en même temps, ce qui, vu le thème, est exactement ce qui était voulu. It really, really could happen. And it did happen, si l’on continue la relecture des paroles. Toujours sans transition, on passe à un extrait (le premier, et un des deux) de Leisure, le premier album. Sing, qui se trouve aussi sur la BO du très 90s Trainspotting montre la face shoegaze des débuts d’un groupe qui se cherchait. Pas exactement convaincant, mais il fallait l’inclure, au moins pour le refrain déjà très albarnesque. Enfin, le premier cd se termine avec l’emblématique This Is A Low, candidat classique au titre de meilleur chanson de Blur ou des 90s en général. Des paroles romantiques sur une Angleterre qui ne subissait pas encore Pete Doherty, et surtout, un solo de guitare totalement légendaire. Ainsi se clôture la première moitié de Midlife, probablement le disque le plus exceptionnel qu’il m’ait été donné d’entendre. Tout simplement.
La seconde partie est moins percutante, c’est vrai. Mais elle ne comprend évidemment pas de mauvais morceaux, même si on commence à regretter l’une ou l’autre absence…
Tender. Premier extrait de 13, et single totalement bizarre pour le Blur de l’époque, même si Blur aurait du nous mettre sur la voie. Choeurs gospel, backing vocals à fleur de peau de Coxon, c’est une superbe intro pour 13, et aussi pour ce disque. She’s So High est le tout premier single du groupe, et dès les premiers accords, on pouvait déjà déceler que quelque chose de spécial allait se passer. C’est aussi le dernier extrait de Leisure, puisque There’s No Other Way n’a pas été repris. Ensuite arrive un nouvel extrait de Modern Life Is Rubbish, Chemical World. Même si le morceau est assez bien considéré, je ne l’ai jamais trop apprécié. Mais c’est vraiment une question de détails. Un autre extrait de Think Tank (le second sans Coxon, donc) suit, et c’est le très sympathique Good Song. Excellent morceau, mais on sent que depuis Tender, le niveau a peut-être un peu diminué. Mais Albarn n’a sans doute jamais chanté aussi bien (« you seem very beautiful to me… »). Coxon ou pas, Think Tank, quand il est bon, est vraiment bon. Parklife, pour moi, n’a jamais été autre chose qu’un morceau gimmick, une suralbionisation Britpop racontée par Phil Daniels. Il devait être sur l’album, clairement, mais ce n’est pas leur morceau le plus glorieux.
Les apparitions successives d’Advert (Modern Life Is Rubbish) et Popscene (standalone single entre les deux premiers albums) attirent l’attention sur ce qui est un (petit) défaut de Midlife : il ne donne pas assez d’exemples de morceaux punk/rapides/funs dont Blur truffait ses albums. Les exemples ne manquaient pourtant pas : Bank Holiday, Chinese Bombs, Movin’ On, B.L.U.R.E.M.I., … Peut-être pas les meilleurs morceaux du groupe, mais un de plus aurait été bienvenu (et n’aurait pas occupé beaucoup de place). Mais mention spéciale pour avoir pensé à inclure le sautillant Popscene, dont c’est la première apparition sur un cd facilement accessible. Stereotypes conclut de belle manière la trilogie The Great Escape avec un morceau sympa, grâce au riff crunchy de Coxon.
On arrive petit à petit à la fin de l’album, et les quatre derniers morceaux sont tous des album tracks, aucun single. Etonnant, mais Midlife prend quelques risques, et c’est très bien comme ça. Trimm Trabb est un des morceaux les plus accessibles de 13, et gagne facilement sa place. Empruntant son nom à des vieilles shoes Adidas, il était parfois préfacé par Albarn chantonnant l’acronyme bien connu « All Day I Dream About Sex ». Un des meilleurs extraits de ce qui est sans doute mon album préféré de Blur. Riff entêtant qui se développe lentement, sans avoir peur de faire du bruit. Bad Head est une autre surprise, extrait peu connu mais méritant de Parklife, alors que c’est Strange News From Another Star qui termine de représenter Blur. Très étonnant, mais justifiable. Enfin, Battery In Your Leg, seul Think Tank sur lequel a joué Coxon termine de magnifique manière l’album, tout en prouvant à quel point il est inimitable. Au début, je me demandais pourquoi No Distance Left To Run ne le faisait pas, mais BIYL est plus intéressant, et surtout nettement moins sinistre : comme le titre de la compilation le laisse entendre, les jeux ne sont pas finis pour Blur, on se devait donc de terminer par une note optimiste.
Vous l’aurez compris, Midlife est une merveille totale, et j’aurais vraiment envie d’être la personne qui découvre Blur via cet album, le beginner du sous-titre, qui va ensuite écouter chaque album, et trouver son ou ses préférés. En écoutant Midlife, malgré ses petits défauts (dont un second disque un peu en deçà), on a envie de considérer Blur comme le meilleur groupe anglais des années 90. Et je pense qu’on aurait même raison.
Un album qui revient surtout aux fondamentaux du groupe, une compilation donc plus Punk que Pop.
Un album qui revient surtout aux fondamentaux du groupe, une compilation donc plus Punk que Pop.