C’est simple, il suffit d’une seconde de All Secrets Known pour se rendre compte d’une évidence : Alice is back, et le son de Cantrell n’a pas pris une ride, même si personne n’a plus fait ce genre de musique depuis… quatorze ans. C’est lourd, très lourd, et lent, avec un riff dévastateur et un autre, monumental après 2″25. Clairement plus dans la continuité d’Alice in Chains que Dirt, l’album est presque stoner, se rapprochant des Sabbath les plus terrifiants. Sludgy as fuck. Cantrell chante, de sa voix inimitable (et assez proche de Staley, mais ce n’est pas nouveau) « a new beginning, time to start living », et il a tout à fait raison. Evidemment, on aura tendance à analyser chaque texte à la lumière de la destinée de Staley, mais on aurait probablement tort : Check My Brain parle de la vie de Cantrell, lorsqu’il est passé de Seattle à LA, et les morceaux écrits par le nouveau chanteur n’ont sans doute rien à voir avec son glorieux prédecesseur.
Parlons-en, du nouveau chanteur. William DuVall, de Comes With The Fall, qui ne ressemble ni physiquement ni vocalement à Staley. Cantrell a touché dans le mille, car il est totalement impossible de le critiquer pour cela : il apporte littéralement une nouvelle voix à Alice in Chains. On l’aimera ou pas, mais elle est là. Mais il ne chante pas tant que ça : Cantrell se charge de la majorité des morceaux, réduisant parfois DuVall aux harmonies que Cantrell avait auparavant l’habitude de faire, et qui constituent un autre grand élément du son AiC. Mais quand DuVall prend le lead, on est assez impressionné par sa voix, unique et parfois inspirée de quelqu’un qui avait déjà chanté avec AiC post-Staley : Maynard James Keenan. On pourrait faire pire, comme comparaison. L’excellent Last of My Kind le démontre assez bien.
Bien sûr, on est clairement en train de bouffer une madeleine. Je n’ai pas la moindre idée comment l’album serait perçu par quelqu’un qui n’a pas vécu cette époque. Mais je suis comme je suis, et je n’ai jamais eu la prétention (et la stupidité) d’être objectif en ces pages. Plus personne ne sonne/chante/joue de la guitare comme ça, maintenant. Mais on a déjà vu énormément de tentatives avortées de recapture de gloires passées : ce n’est pas le cas ici, BGWTB n’a pas a rougir de la concurrence des autres albums du groupe, ou de la période. Son gros défaut, mais aussi sa grande qualité, c’est de sortir en 2009. L’exemple le plus évident sont les ballades : on est en plein dans le (légendaire) Unplugged de 1996. Mais quand les morceaux (Your Decision, When The Sun Rose Again) sont si bons, peut-on vraiment se plaindre? Ou juste plonger tête la première?
Black Gives Way To Blue n’est pas sans défaut. Le tempo reste constant sur toute la longueur (20 minutes de plus que Backspacer, pour le même nombre de morceaux), et quand les compos deviennent moins percutantes, quand l’effet de surprise s’envole, on peut être un peu déçu par Lesson Learned, Take Me Out, Private Hell. Mais les sept minutes apocalyptiques de A Looking In View ou le break metal de Acid Bubble relèvent facilement le niveau. On pouvait le prévoir, mais c’est sur une chanson optimiste et introspective (avec Elton John au piano!) que se termine l’album. « Black gives way to blue (…) I remember you ». Même si je n’aime pas interpréter, cela me semble clair.
Alice in Chains est de retour, et de quelle manière. Ils possèdent un catalogue fantastique, et maintenant sortent un album de classe identique, qui montre qu’ils sont là pour durer. Pearl Jam ne sont plus les seuls survivants du big four, et même si Alice n’a pas évolué comme le groupe d’Eddie Vedder, ils sont toujours aussi bons, et ça, c’est vraiment incroyable. Pendant ce temps, Chris Cornell…