C’est déjà fini. Après une dizaine de concerts et pas mal de buzz, les membres du groupe ont tous confirmé qu’il n’y avait pas de plan pour d’autres concerts, et encore moins pour un nouvel album. La porte ne semble pas être scellée, mais la réunion d’un des plus importants groupes des années 90 n’aura pas duré bien longtemps. Les deux concerts de Hyde Park ont été le point de départ de la réunion : les concerts précédant ces deux dates (Glastonbury, T in the Park, quelques dates de chauffe et le seul concert hors-UK, à Lyon) ont été ajoutés après le double sold out rapide. Le groupe sort maintenant un double album pour chaque date, aux setlists hélas exactement semblables. J’ai choisi de parler de celui du 3 juillet, sans raison particulière.
Blur a souvent été très étrange, si pas capricieux, en concert. Prenons les trois dernières tournées (sans compter celle de Think Tank, où Simon Tong remplaçait Graham Coxon) : celle de Blur était roots, punk, sans concession. Puis, la tournée 13 les voyait jouer l’intégralité de l’album (y compris en festival!) puis quelques hits en rappel. Enfin, ils ont eu l’idée originale de jouer tous leurs singles dans l’ordre pour accompagner le premier « best of », en jouant les morceaux « détestés » (Country House, Charmless Man) avec une grosse dose de second degré.
On pouvait dès lors se demander ce qu’ils allaient faire ici, devant une foule immense. Finalement, ils ont opté pour le greatest hits, avec une attention particulière à la période pop, souvent délaissée lors des dernières années du groupe. C’est très étonnant de voir Damon Albarn (et sa dizaine de kilos en plus, soit dit en passant) chanter Country House avec une telle ferveur, mais pourquoi pas : ces concerts sont une célébration, et pas une étrange expérience.
D’ailleurs, les festivités commencent par leur premier single, She’s So High, immédiatement suivi d’un Girls And Boys qui ne laisse aucun doute la-dessus : c’est la fête, demain, tout sera fini. Les premiers morceaux piochent allégrement dans la période Britpop, mais c’est évidemment un peu plus tard que le concert prend une autre dimension. Graham Coxon, jusque là impeccable, lance l’anti-riff de Beetlebum. De fête, le concert se transforme en triomphe presque intime, en célébration d’un groupe qui a allié brillance créatrice et succès populaire comme peu d’artistes ont réussi auparavant. Beetlebum est immédiatement suivi par une fabuleuse version de Out of Time, extrait de Think Tank. Coxon y apporte une seconde guitare qui complémente très bien l’acoustique d’Albarn, créant ainsi une jolie surprise, et un des meilleurs moments de la soirée. Suivent enfin trois extraits de 13, stellaires. Un très puissant Trimm Trabb, puis Coffee And TV qui montre que depuis l’époque 13, Coxon a pris de la bouteille (oops, mauvais et accidentel jeu de mot) en tant que chanteur, et enfin Tender, qui clôture brillamment cette partie du concert, en faisant monter les larmes dans une bonne partie du public. Blur a été une machine à hits, mais l’enchaîment de Blur et de 13 reste pour moi leur meilleur moment.
Mais comme je le disais plus haut, l’heure est à la célébration, et les morceaux plus sombres de cette période restent minoritaires. C’est donc avec Country House que le concert reprend, voyant Blur accompagné de trompettes, etc etc. Pas ma tasse de thé, et je trouve bizarre que le groupe joue ce maudit morceau comme si de rien n’était. On le remarquera après, c’est carrément dix morceaux de la période Modern Life Is Rubbish / Parklife / The Great Escape qui vont se succéder, avec notamment un Parklife avec Phil Daniels et un frénétique Sunday Sunday avant que trois morceaux introvertis clôturent le concert : End of A Century, To The End et évidemment This Is A Low. Subtil, émouvant, techniquement parfait : Blur a vraiment écrit quelques unes des plus belles pages des années 90.
Les rappels mélangeront les époques, avec notamment le single hors album Popscene, l’excellent extrait de Blur Death of a Party et les crowdpleasers Advert et Song 2, augmenté d’une superbe intro à la batterie. Enfin, The Universal clôture le concert, et le court mais impressionnant retour de Blur. Qu’il arrive n’importe quoi, on ne pourra pas dire qu’ils auront raté leur retour, ni qu’ils auront trait la vache à lait jusqu’à la dernière goutte. Finalement, il vaut peut-être mieux que tout cela reste comme ça.