Tous les articles par Denis

Radio 4 – Stealing of a Nation

Avec ce nouvel album de Radio 4, on peut commencer à s’interroger sur la fin de ce mouvement post-punk-funk, lancé par James Murphy et son team de producteurs DFA qui, ces dernières années, nous ont fournis LCD Soundsystem, !!! ou le second album de Radio 4, peut-être justement la meilleure galette de ce mouvement (Gotham). Tout a une fin, et Radio 4 la sentait venir, c’est sans doute pour cela qu’ils ont engagé un autre producteur, à savoir Max Hayes, aux références parfois douteuses (Doves, Ocean Colour Scene). Et ce n’était peut-être pas une bonne idée.

Stealing of a Nation est ce que Gotham n’était pas, et dans le mauvais sens. Un disque sans âme, calculé, froid et ultra-computerisé. Tout se trouve dans les premières secondes de l’album, un bête rythme de boîte tournaisienne douteuse, suivie des claviers de New Order, pour donner une touche indie, quand même.

Ceci dit, après cette déception passée, on se rend compte que SOAN n’est pas un mauvais album, et comprend même quelques morceaux, ou passages, assez chouettes. Mais rien ne touche, n’approche de près la brillance de Gotham. Même groupe, son peu différent, mais intentions complètement opposées. La basse est ennuyeuse (un comble pour Radio 4), la guitare peu inspirée, et la percussion sort tout droit de This Is Radio Clash. Sur tout l’album. On le sent, ce n’est plus comme avant. Et quand le groupe se met à sonner comme The Strokes, Depeche Mode ou INXS (INXS !), il est vraiment temps de regretter le passé, et de repasser Gotham. Ou New Order. Ou Gang of Four.

Björk – Medulla

Un nouveau Björk est toujours en événement, tant la chanteuse islandaise réussit à déchaîner les passions. Certains l’adorent, d’autres la détestent, mais elle ne laisse jamais indifférent. On lui a souvent reproché ses excés, ou un certain manque de variété dans son oeuvre. Eh bien, pour son dernier album, elle a décidé de n’inclure (presque) aucun instrument, préférant sa voix et celle d’invités (Mike Patton) ou de choeurs inuits. Les basses et beats sont produits par des beatboxes humaines, dont l’ex-Roots Rahzel. Comme concept, c’est indéniablement original, mais que veut le résultat?

Mitigé. Au début, on est absolument subjugué par la voix de Björk qui a rarement été aussi belle et émouvante, et l’orchestration très particulière, minimaliste mais efficace. Pleasure Is All Mine est accompagné de bruits et de soupirs très coquins, Show Me Forgiveness donne la chair de poule, et Where Is The Line est un morceau électro sans électronique. Et Björk est absolument irrésistible et ferait fondre l’Antarctique quand elle se met à chanter dans sa langue natale. Malheureusement, l’album finit par s’embourber dans un concept très strict, à tel point que les quelques accords de piano d’Ancestors font figure de délivrance.

Ceci dit, l’album vaut définitivement le détour, pour son originalité propre et pour celle de l’artiste, qui reste exceptionnelle.

PS : essayez de trouver, quelque part sur Internet, la version inédite d’Oceania, duo entre Björk et Kelis.

The Libertines – The Libertines

Avant même la sortie de leur premier album, The Libertines avaient déjà acquis le statut de légende outre-Manche. Grâce à la qualité de Up The Bracket, mais aussi et surtout grâce à leur réputation live sulfureuse et chaotique ainsi que les graves problèmes de drogue de leur co-leader Pete Doherty. Á l’aube de la sortie de leur deuxième album, toujours produit par l’ex-Clash Mick Jones, Doherty a été contraint et forcé de quitter le groupe, jusqu’à ce que ses problèmes personnels soient résolus. Et vu que Doherty éprouve les pires problèmes pour combattre son addiction, le futur du groupe est plus qu’incertain.

Ce qui nous conduit à ce deuxième album, précédé par un excellent single non présent sur l’album (comme leur tout premier d’ailleurs), Don’t Look Back Into The Sun. Une simple constatation : l’album est superbe. Probablement le meilleur second album à sortir de la scène rock anglaise depuis (What’s The Story) Morning Glory d’Oasis, peut-être même en mieux. Moins bruyant que leurs prédécesseurs mancuniens, The Libertines font plus que compenser avec une émotion et surtout une foi. Ils croient en leur musique, et on ne peut qu’adhérer à cette démarche. Tout simplement, ces morceaux sont vrais.

Comme pour Oasis, l’album comprend des tonnes de singles potentiels, et une telle fréquence d’excellents morceaux font que certaines chansons sont un peu moins impressionnantes, mais ce n’est pas bien grave vu l’extrême qualité de la majorité du CD. Et pour finir cette comparaison, les paroles sont très nettement supérieures à celles de Noel Gallagher (bon, ok, ça veut pas dire beaucoup), et contribuent à cette impression de réalisme émotif impressionnant, qu’on retrouve aussi chez Razorlight, dont le leader n’est autre que l’ex-Libertine Johnny Borrell.

De plus, l’album est assez varié : morceaux rock à héritage mod (Can’t Stand Me, The Man Who Would Be King), pop 50s (What Katie Did), ballade non larmoyante (Music When The Lights Go Out, ou du moins son intro), ou morceaux plus speed (Narcissist, Arbeit Macht Frei), sans jamais tomber dans le bruitiste, préférant la finesse ultra mélodique.

The Libertines sera peut-être leur dernier album, et pourrait définitivement les béatifier (Better to burn out than fade away?), mais on espère tout de même que Pete s’en sortira et que le groupe pourra continuer, car leur marge de progression est encore importante.

Définitivement un des albums de l’année.

Soulwax – Any Minute Now

Amusant, comment les choses tournent. Soulwax était un secret bien gardé, deux bons albums, quelques demi-hits (Much Against Everyone’s Advice, Too Many DJs), avant que les frères Dewaele, chanteur et guitariste, décident d’occuper leurs soirées en tant que DJ. D’abord en tant que Flying Dewaele Brothers, mais c’est surtout sur leur alter ego 2 Many DJs que le groupe deviendra connu. Inventeurs d’un sous-genre, le bootleg (la superposition deux morceaux de genre si possible très différents, comme le bootleg Smells Like Booty – Smells Like Teen Spirit contre Bootylicious de Destiny’s Child), les frères Dewaele ont joué partout où c’était possible, sorti une trentaine de mix cd’s (dont un seul officiel), jusqu’à arriver à jouer en tête d’affiche de Werchter 2004. Au moment où les Dewaele pensent terminer 2 Many DJ’s, Soulwax sort enfin, après 6 ans d’attente, un nouvel album.

Et il est évident que les expériences électroniques du projet parallèle ont influencé Soulwax. Mais comme pour 2MJ, ils ont réussi à fusionner les genres pour quelques morceaux extraordinaires, dont le single Any Minute Now, sorte de Queens of The Stone Age electro (et oui, c’est un compliment). Malheureusement, l’album est assez inégal, et le très bon (E-Talking) côtoie l’ennuyeux (Accidents et Compliments), l’original (YYY/NNN) se retrouve à coté d’un plagiat de Cooper Temple Clause (Compute). La production de l’album lui-même, effectuée par le peu subtil Flood est aussi discutable. Ceci dit, l’album reste assez bon, varié, agréable et parfois intéressant, et ce jusqu’au bout, avec un The Truth Is So Boring assez Air. Reste à voir comment tout cela sonnera live, on verra à ce moment si les Dewaele ont pris la bonne décision.

Prodigy – Always Outnumbered, Never Outgunned

Attendu et sans cesse repoussé, le nouvel album à le mérite d’un certain courage : après le flop artistique le leur précédent single (Baby’s Got a Temper, 2002) , Liam Howlett a décidé de revenir à ses racines : l’album se passe des deux vocalistes du groupe, Keith Flint et Maxim Reality et se concentre plutôt sur les beats, à la manière de leur deuxième album, Music for The Jilted Generation. Donc plus de sous Johnny Rotten braillant, et plus de longs morceaux technoemmerdants? De Charybde à Scylla… L’album ne commence pas mal, avec Spitfire qui fait penser à Smack My Bitch Up et Voodoo People (deux de leurs meilleurs morceaux) et le single actuel, Girls, assez old school.

Mais le problème, c’est que l’album n’est pas assez varié, et est même carrément répétitif. Un peu d’electroclash, un sample de Thriller, quelques cordes indianisantes n’y changeront rien. Ca ne posera sans doute aucun problème devant un public peu regardant, mais sur disque, c’est pauvre. On notera aussi, mais de manière assez anecdotique, les participations de Juliette Lewis (assez bonne) et des frères Gallagher sur Shootdown, qui rappelle pourquoi Liam peut vraiment être horripilant.

Décevant alors? Peut-être, mais autant être honnête, le groupe n’a jamais volé très haut, en tout cas plus depuis MFTJG.