Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Raveonettes – Lust Lust Lust

Un détour vers le nord pour les deux prochains articles de Music Box. Avant Sigur Rós, c’est au tour du duo Danois The Raveonettes, qui vient de sortir son quatrième album. Dingue quand même, non? L’Islande a Sigur Rós (entre autres…), le Danemark The Raveonettes et la Belgique Hollywood Porn Stars. Soit, rien de bien nouveau chez Sune Rose Wagner et Sharin Foo, qui attendent sans doute avec impatience le retour de My Bloody Valentine.

Car, une fois de plus, les influences shoegaze sont enormes, et sont maintenant accompagnée d’une batterie complètement électronique. On se concentre donc sur les voix froides et harmonisées des deux vocalistes, de la basse puissante et d’un mur de son guitaristique qui nous replonge tout droit dans Lost In Translation (pour ma génération 😉 ).

Lust Lust Lust, sans trop faire dans le cliché, est très froid mais efficace, et emprunte également dans la pop des années 60 chère à Phil « je l’ai échappé belle » Spector. Il est aussi évidemment très limité techniquement, fort répétitif, mais arrive à faire passer une palette d’émotions en utilisant peu. Il faut aimer, mais si Psychocandy est votre album d’île déserte, alors… Un album intemporel, bruyant et brillant.

Puscifer – V Is For Vagina

Puscifer est un projet qui date déjà de quelques années, avec des apparitions disparates dans des bandes originales peu recommandables à la Underworld. Puscifer, c’est Maynard James Keenan, vocaliste de Tool et A Perfect Circle, vigneron et humoriste à ses heures perdues. D’ailleurs, de l’humour et du second degré, il en faudra pour tenter le comprendre V Is for Vagina (parce qu’apparemment, C Is for Chinese Democracy est déjà pris). Déjà, le nom, Puscifer a au moins trois niveaux de lecture, et le single sorti en éclaireur était on ne peut plus intrigant. Cuntry Boner (co-écrit par Tom Morello!), c’était MJK avec un accent country qui énumérait la liste des artistes country avec qui il a couché. Ouaip.

Mais V est un peu plus sérieux, et musicalement fort différent, à prédominance industriel minimaliste, sans doute par la présence de Lustmord ou Danny Lohner. Queen B est assez catchy, avec une ligne de basse bourdonnante et une voix grave, souvent modifiée. C’est d’ailleurs la caractéristique majeure de l’album, cette voix basse peu reconnaissable. Les morceaux ne sont généralement pas mémorables, mais ne sont pas non plus mauvais, même si Vagina Mine pâtit d’un thème assez… obsessionnel, et Sour Grapes est carrément irritant avec MJK reprenant ses attaques ironiques contre son pote Jésus. The Undertaker et Rev 22:20 sortent du lot, ce dernier possède d’ailleurs des voix non modifiées, et donc reconnaissables.

Si l’on prend en considération le fait que Puscifer est un projet parallèle absolument pas sérieux, ça passe. On peut se demander pourquoi MJK ne garde pas ses petits morceaux bizarres pour ses caves à vin, mais bon. On a connu pire, mais on espère quand même que Billy Howerdel va réactiver A Perfect Circle un de ces jours…

Serj Tankian – Elect The Dead

Quand un musicien célèbre sort un album solo, c’est souvent pour faire autre chose quand dans son groupe, ou alors pour se faire plus de fric. Dans le cas de Serj Tankian, vocaliste et agitateur en chef de System Of A Down, c’est ni l’un ni l’autre. Il est peu probable que l’album se vendra par millions – même si certains morceaux sont très catchy – et il est bien plus proche de SOAD qu’il devrait. Ceci dit, il vaut largement la peine de s’y attarder.

Effectivement, au départ, on reconnaît bien le style : c’est du pur quiet/LOUD à la SOAD avec influences d’Europe de l’est, mais sans Daron Malakian, le guitariste/co-frontman. Ce qui a deux conséquences : d’abord, on ne l’entend plus chanter, ce qui avait (selon moi) sérieusement pourri le dernier double album du groupe ; mais malheureusement, on n’a plus son sens du riff et son jeu de guitare original qui avait justement fait de SOAD un groupe si intéressant.

En partant de ce double principe, on sait ce qu’on va avoir dans Elect The Dead, surtout si on imagine que Tankian en profite pour exprimer ses habituelles opinions politiques (The Unthinking Majority). On s’attendait peut-être à plus de surprise, comme un morceau calme de bout en bout (on aura juste le morceau final), et pas seulement le cabaret bizarre Lie Lie Lie.

Elect The Dead est un bon album, ceci dit. Brillamment exécuté (Tankian joue de tout, mais assisté de John Dolmayan, Brain Mantia et Ler LaLonde), il ne dépareille pas du tout à côté de la discographie de System Of A Down. On aurait peut-être simplement aimé un peu plus de nouveauté, mais on ne peut pas toujours être trop exigeant.

The Hives – The Black and White Album

Contrairement à d’autres groupes issus de la mouvance nu-rock du début des 00’s, The Hives prennent leur temps entre deux albums, et tentent de se diversifier sans complètement changer leur son. Le nouvel album y arrive, comme le précédent (au titre encore plus mauvais, d’ailleurs). Le début est assez traditionnel : Tick Tick Boom est très gimmick, mais terriblement efficace, exactement comme les cinq Suèdois.

Les tentatives de nouveautés ont entre autres été aidées par Pharrell Williams, qui a produit l’exubérant Well All Right ainsi que T.H.E.H.I.V.E.S., nettement plus dans le style Pharrell, avec falsetto et tout. Cela ne marche pas trop, mais au moins ils auront essayé, et ces morceaux ne représentent qu’une petite partie d’un album majoritairement composé de rock qui fait taper du pied.

Et mis à part quelques fillers, c’est exactement ce que The Black And White Album fait, rien de révolutionnaire, mais un album qui fait du bien par ou il passe. Mention spéciale au chanteur Howlin’ Pelle Almquist, dont la voix a bien évolué et est nettement moins irritante que dans le passé. It Won’t Be Long pourrait par ailleurs être un fameux tube. Un bon disque, pas le son du futur, mais on peut l’avoir ailleurs, donc ce n’est pas grave.

Thrice – The Alchemy Index (Volumes 1 & 2 : Fire And Water)

On avait quitté Thrice il y a deux ans, dans une drôle de position. Après deux albums discrets mais très bon, le groupe avait explosé avec l’énorme The Artist In The Ambulance, monument de ce que certains magazines en quête d’étiquettes ont appelé extremo. Et donc, en 2005, ils ont sorti Vheissu, étrange album complexe et difficile à appréhender. Rien n’était simple sur cet album, et on pouvait se demander vers quelle direction allait se diriger le groupe. On a maintenant un début de réponse : pas une, mais quatre directions. The Alchemy Index est en effet un quadruple album, même si rien qu’en parler, c’est déjà complexe.

The Alchemy Index est un album concept centré sur les quatre élements. Chaque élément aura ses 6 morceaux réunis sur son propre disque, qui sera donc relativement court : on pourrait plutôt parler de quadruple EP. Pour compliquer les choses, le nouveau label du groupe a décidé de séparer la sortie : les volumes 1 et 2 maintenant, les 3 et 4 en avril 2008. Comme c’était le cas pour le dernier System Of A Down (Mezmerize/Hypnotize), il faudra attendre pour pouvoir apprécier l’album dans son entièreté, même si les quatre parties sont clairement séparées. Quand je vous parlais de complexité…

On va donc s’intéresser au feu en premier, et connaissant la puissance sonore et la violence dont le groupe peut faire preuve, on s’attendait à quelques déflagrations, qui manquaient d’ailleurs à Vheissu. Il est frai que The Messenger et The Arsonist sont très solides, flirtant carrément avec le hardcore. Mais Burn The Fleet est presque emo, Backdraft mou, Firebreather trop générique. Flame Deluge est le plus étrange du lot, avec des dynamiques schizophrènes effrayantes. On remarquera, à la seule lecture des titres, que le concept est profond, ce n’était pas simplement monter les amplis pour Fire et chanter dans un baignoire pour Water.

Water, donc, est encore plus étonnant, puisque Thrice montre un visage neuf, utilisant des touches électro qui vont fatalement ouvrir une comparaison avec Radiohead, surtout au niveau du mur du son remplissant l’espace. En fait, on y retrouve six morceaux franchement ennuyeux, malgré de nets efforts d’instrumentation, dont un piano souvent dominant. On sauvera l’instrumental dense Night Diving du lot.

Jusqu’ici, ce n’est pas vraiment terrible. Le concept est bien réalisé, mais pour faire un album, il faut des bons morceaux. On attendra donc la suite, mais vu qu’il est probable que Earth soit acoustique et Air atmosphérique, on peut avoir des doutes. Mais patience, on ne vend pas la peau de l’ours, et tout ça.