Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Rakes – Ten New Messages

Bloc Party, Kaiser Chiefs, bientôt Arctic Monkeys, et maintenant The Rakes : c’est toute la nouvelle garde Britrock qui sort un second album en ce début d’année. Avec des résultats jusqu’ici mitigés : Kaiser Chiefs n’est pas fort terrible et le Bloc Party divise on ne peut plus la critique. Pour The Rakes, le but est différent, vu qu’on ne peut pas dire qu’ils appartiennent vraiment à la première division, malgré un très bon premier album de post-punk socialement intelligent. De plus, on remarque très vite qu’ils n’ont pas choisi la voie de la répétition, évoluant vers un indie-rock assez simple, voire léger.

L’album commence bien, avec The World Was A Mess But The World Was Perfect, écrit à l’origine pour un défilé Dior et repris ici en version plus courte, aux influences new wave plutôt que punk. Le ton est donné, plus Depeche Mode que Gang of Four, The Rakes sortent 10 morceaux de bonne facture, mais assez facilement oubliables et digérables, malgré leur parfaite exécution.

C’est bien le problème de l’album : on ne trouve rien grand chose à lui reprocher, mais on ne l’écoutera pas souvent, ce qui n’est jamais un bon signe. Alan Donohoe fait des efforts pour s’individualiser en tant que frontman, en murmurant ses paroles à la Michael Stipe des débuts, mais on finit vite par se lasser. On retiendra quelques bons riffs, comme Time to Stop Talking ou Down With Moonlight, mais on ressort avec une impression de gaspillage, tout en espérant que le groupe se remettra en question pour la suite. Peut beaucoup mieux faire.

The Stooges – The Weirdness

Évidemment, le monde n’avait pas besoin d’un nouvel album des Stooges, un des groupes les plus importants de l’histoire du rock. Leur premier album est sorti en 1969, et est largement considéré comme un précuseur du punk, grâce aux classiques No Fun ou I Wanna Be Your Dog. Deux albums suivirent, et ensuite le chanteur partit vivre une des plus extraordinaires vies d’abus en tous genres. Iggy Pop, l’Iguane, légende vivante et mystère de la science aura 60 ans le mois prochain, mais a toujours été capable de livrer des prestations scéniques délirantes, malheureusement gâchées par des albums généralement indignes de son talent.

Skull Ring, son album de 2003, le vit collaborer avec ses héritiers Green Day et Sum 41, mais aussi avec les frères Asheton, bassiste et guitariste des Stooges, intéressés par une tentative de reformation. L’album ne restera pas dans les annales, mais une tournée « Iggy and The Stooges » fut mise sur pied, et petit à petit,on est arrivé à ceci, The Weirdness, le premier album du groupe en trente ans.

On ne peut plus attendre que l’album réinvente la roue, mais on peut aussi craindre qu’il éclate l’héritage du groupe, danger des albums de reformation (Pixies en savent quelque chose). Soyons rassurés, The Weirdness est un bon album de rock. Et il l’est grâce à la qualité des dramatis personae : Iggy, égal à lui-même, Ron Asheton et ses doubles guitares incisives et bruyantes, Scott « Rock Action » Asheton dont la batterie connaît une nouvelle vie; et les nouveaux comparses : Mike Watt à la (discrète) basse, et surtout Steve Albini a l’enregistrement.

Albini était la personne parfaite pour le job, lui seul sait comment obtenir la pleine puissance des instruments, la simplicité de l’enregistrement. Lui seul a pu gêrer l’énergie brute du groupe et la transformer en morceaux tout à fait écoutables, et réécoutables. The Weirdness est aussi son album. De plus, comme toujours avec Albini, l’album a été enregistré live, sans post-production, et on l’entend, jusqu’à quelques petites erreurs et sons accidentaux sortant des guitares. Mais c’est ça le rock n roll, un reptile mort-vivant croonant « My idea of fun is killing everyone » jusqu’à plus soif, et des vieux types qui sont plus punk qu’une armée de Green Days et de Good Charlottes.

On regrettera juste que personne n’ait osé faire comprendre à Iggy que ses paroles étaient ridicules (et je les comprends); mais à part ça, il faudra le faire pour sortir un album plus authentique que The Weirdness cette année. Même si cela implique un retour de 30 ans en arrière.

Grinderman – Grinderman

Parfois, même les stars les plus aguerries, les plus connues, ont envie de retrouver l’anonymat d’un groupe, l’envie de retrouver les émotions des débuts. Bien sûr, Nick Cave n’est pas David Bowie, mais Grinderman, heureusement, n’est pas Tin Machine non plus. Composé de quatre Bad Seeds, mais animé d’intentions nettement plus organiques que leurs récents travaux (cependant excellents), Grinderman est direct, bruyant, habité, et tout à fait recommendable, nettement plus que la majorité des projets parallèles.

L’album commence avec une guitare pourrie à la Ron Asheton, et Nick Cave, dans son rôle de prophète du rock n roll. Get It On est puissant, totalement sous-produit, mais animé d’un énergie étonnante, surtout de la part de vétérans. Cave plonge ses paroles dans les tréfonds de l’âme humaine, voire dans ceux du pantalon (le très explicite No Pussy Blues). Ce même No Pussy Blues, qui après 90 secondes, se lance dans un solo de guitare fuzz à la J Mascis complètement déjanté, inattendu mais tellement rafraîchissant. Nick Cave, qui ne l’avait jamais fait auparavant, est lead guitariste ici, ce qui a causé la simplification des morceaux, pour se conformer à son style rudimentaire. Comme quoi, quelqu’un qui joue avec son coeur (et ses couilles, dirait-il sans doute) vaudra toujours mieux que 1000 Yngwie Malmsteen. Et Cave n’est pas le seul, la batterie de Jim Sclavunos et la basse de Martyn P. Casey sont le complément idéal à sa voix, et retournent les tripes dans tous les sens. Depth Charge Ethel et sa rythmique (et choeurs) très Rolling Stones peuvent le confirmer.

Iggyismes mis à part, la voix de crooner de Cave est toujours présente, comme sur l’inquiétant Electric Alice, probablement un morceau que Charles Manson analyserait dans tous les sens. La folie bruyante se calme vers le milieu de l’album, mais pas les imprécations de Nick Cave, qui peut vraiment parler de tout et de n’importe quoi, qui lirait le bottin et sonnerait très inquiétant. Honey Bee (Let’s Fly To Mars) reprend le fuzz de Mudhoney, un des seuls groupes dont l’intensité viscérale peut se rapprocher de Grinderman. Mais ici, Nick Cave imite le bruit des abeilles. La fin est plus blues que punk, mais il faut bien revenir aux origines.

Parfois cacophonique, jamais gratuit, Grinderman est une surprise, parce qu’on n’imaginait pas que ces quatre types soient à ce point capables de se remettre en question. Si seulement le nouveau Stooges pouvait être aussi puissant… On le verra dans quelques jours, en attendant, voici un des albums de l’année.

Chimaira – Resurrection

Parfois, je me demande pourquoi je ne parle pas plus de metal sur le site. Et franchement, je n’en sais rien. Maintenant, il est vrai que ça fait déjà un petit temps qu’un album/group metal m’a marqué, même si j’ai honteusement oublié de chroniquer Lamb of God l’année passée. On pourrait dire que les années nu-metal ont affaibli le genre, ce qui est très discutable. Ce qu’il l’est déjà moins, est le fait que ces groupes douteux ont contribué à la perte de crédibilité du metal, dont le succès commercial est maintenant plus ou moins limité à Evanescence et Linkin Park. Chimaira, quant à eux, ont eu un parcours amusant, ou du moins atypique.

Ils ont en effet commencé comme un groupe nu-metal typique, avec guitares detunées, avant de virer vers le metalcore, voire carrément vers le death, comme le montre Resurrection. Dès le premier morceau, on comprend tout de suite qu’on n’est pas chez Limp Bizkit (remember?) : grosse, très grosse batterie et double bass drums, une voix typiquement death, et même des synthés et samples limite goth, pas Cradle of Filth (heureusement) mais quand même. Le tout est jouée à une allure folle, sans être très éloigné des canons du genre, mais exécuté à la perfection. Rapidement, après quatre morceaux, le ton change, avec l’épique Six (apparemment pas inspiré de Battlestar Galactica, quel dommage), et ses 9 minutes 45 qui bougent dans tous les sens, avec une intro prog et du riffage très compétent tout le long. On regrettera peut-être les thèmes fort classiques, et assez prétentieux, mais bon, on parlait de canons du genre…

Ceci dit, malgré quelques morceaux de bravoure, dont, surtout, la batterie implacable d’Andols Herrick, la suite de l’album se contente d’enfoncer des portes déjà ouvertes. Chimaira les enfonce avec des béliers fourrés à la poix incandescente, d’accord, mais les portes sont ouvertes quand même. Chimaira, et cet album en particulier, reste un excellent groupe, un bon niveau au dessus des infâmes Trivium. Cependant, maintenant qu’ils ont monté toute l’étendue de leur talent, passant d’un sous-genre à un autre avec aise, on aimerait qu’ils trouvent leur propre voie, et qu’ils fassent évoluer le metal moderne. Ils en sont sans doute capable, on peut encore leur laisser un peu de temps. Mais pas trop.