Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Klaxons – Myths Of The Near Future

Régulièrement, la presse anglaise, NME en tête, décide de lancer, plus ou moins artificiellement, un nouveau mouvement. Britpop, New Rock Revolution, j’en passe et des meilleurs, car c’est apparemment l’ère de la nu-rave, maintenant. Et comme chaque pseudo-mouvement a besoin d’un leader, ils ont choisi Klaxons.

Effectivement, si l’on se base sur leurs premiers singles, on retrouve un son dance qui n’avait plus été entendu depuis l’époque Prodigy/Chemical Brothers/Underworld, où les rockers pouvaient enfin écouter de l’électro sans être trop ridiculisés (merci, Trainspotting). Depuis, tout cela a évolué, jusqu’à ce que ces ados arrivent avec glow sticks, fringues fluos et sirènes. Gravity’s Rainbow et Magick sont les deux singles, d’une efficacité inouïe, deux des meilleurs de 2006, et préfiguraient une tuerie d’album, proche de The Fat Of The Land. Alors? Oui et non.

Oui, parce que les morceaux dance sont très bien fichus, basés sur un duo basse/batterie qui n’avait plus été aussi dominateur depuis Death From Above 1979, et agrémentés de trouvailles électro pas toujours très subtiles, mais qui remplissent clairement leur rôle : faire danser comme un maniaque, avec ou sans LSD. Et non, parce que Klaxons a superbement réussi à faire un croche-pied aux attentes, et à truffer l’album de morceaux pas rave pour un sou, tel le très indie-pop et excessivement catchy Golden Skans.

Cependant, ils faut reconnaître que ce sont les morceaux dance les plus impressionnants, et surtout les plus frais : Isle of Her, et son mantra répété par une voix dédoublée (une caractéristique majeure de Klaxons), la reprise du hit dance de Grace (écrit par Oakenfold) All Over Yet et les deux singles déjà mentionnés sont vraiment impressionnants, comme l’est également une bonne partie de l’album qui ne compte qu’un ou deux fillers.

L’album, dominé par les citations littéraires à tendance cyberpunk (Gibson, Rucker, Pynchon, Ballard s’y retrouvent) se clôture par Four Horsemen of 2012, qu’on pourrait décrire par Nirvana chanté par Mclusky, avec un robot à la batterie. On n’est certes pas face à un premier album quasi parfait, à la Arctic Monkeys, mais Myths Of The Near Future est un très bon album, qui a défié les attentes en sortant une collection de morceaux variée et impressionnante. J’espère qu’on reparlera de Klaxons dans le future, et pas que comme mythe.


The Good, The Bad And The Queen

Ne vous trompez pas, ce groupe n’a en fait pas de nom, car ils sont trop vieux pour en avoir un, de l’aveu même du leader, chanteur et claviériste, un certain Damon Albarn. Á bientôt 40 ans, Albarn peut, et doit, déjà être considéré comme un des songwriters les plus importants de la musique britannique, ayant défini la Britpop avec Blur, et prouvé qu’on pouvait faire de la musique commerciale intelligente avec Gorillaz. TGTB&TQ, conçu à l’origine comme projet solo, est sans doute l’album le plus personnel, et sans doute le plus particulier de son longue carrière.

D’abord, un coup d’oeil sur les membres du groupe. Outre Albarn, on retrouve à la guitare l’ex-Verve, ex-Blur (il remplaça Coxon en tournée) et actuel Gorillaz Simon Tong; derrière les futs, le légendaire batteur afrobeat Tony Allen; et à la basse, le non moins légendaire Paul Simonon, The Clash. Le tout produit par Dangermouse, DJ avant garde qui a récemment connu le succès comme moitié de Gnarls Barkley. Impressionnante et étrange combinaison, mais qui fonctionne extrêmement bien.

Dès le début, on remarque que TGTB&TQ n’aura rien (ou presque) à voir avec Blur, Gorillaz, Clash ou autre, c’est un projet hautement personnel de Damon Albarn, qui, comme Parklife à l’époque, est fermement ancré dans son époque (guerres et calamités climatiques comprises) et lieu principal (la vie à Londres en 2007, qui est aussi le thème du nouveau Bloc Party). En conséquence, l’album est sombre, parfois oppressant, rugueux et sans trop de concessions. Ce qui n’empêchera pas quelques rayons de soleil, un peu comme ceux qui arrivent parfois à traverser le smog et éclairer les rues de Soho, un jour d’été comme un autre.

History Song, qui entame le disque, donne le ton : Allen ne se la jouera pas démonstratif, la basse de Simonon se bornera à baliser le chemin, et la guitare de Tong sera plutôt discrète. La voix d’Albarn, quant à elle, est éraillée, semble usée et fatiguée. Un des rayons de soleil mentionnés vient des claviers music-hall employés avec parcimonie et efficacité, comme dans l’intro du magnifique 80s Song, qui rappelle les meilleurs moments mélancoliques de Blur (ah, This Is A Low). Mais cela ne dure pas, et Albarn distille ses conseils, destinés à (sur)vivre ce maudit début de 21ème siècle (« Drink all day, ‘cos the country’s at war », ou encore « Move to the country, the town has told its tale »). Forcément, les thèmes sombres confinent les morceaux dans une certaine similitude, mais cet apparent manque de variété se révèle être un atout cohésif plutôt qu’un défaut.

Tout cela est servi dans une ambiance lo-fi, qui cadre parfaitement avec l’ambiance générale de l’album, Dangermouse ajoutant parfois une petite pointe éléctronique, mais à des années lumière de Gorillaz. Les amateurs de guitare crasse devront attendre le dernier morceau pour avoir quelque chose à mâcher (et encore), mais il serait stupide de leur reprocher : chaque seconde est bien remplie, chaque instrument parfaitement utilisé, et permet à The Good The Bad And The Queen d’être un album impressionnant, un des meilleurs de récente mémoire et bien plus que ça : un futur classique intemporel.

Il ne reste plus qu’à espérer qu’Albarn arrive à ses fins, et attire Coxon pour que Blur réalise son album final. Une époque s’achèvera, mais la suite a déjà débuté.

The Cooper Temple Clause – Make This Your Own

Il aura fallu presque quatre ans à The Cooper Temple Clause pour écrire un successeur à Kick Up The Fire …, un des premiers albums parus sur ce site, et aussi un des meilleurs. Leurs deux premiers albums étaient, et sont toujours, stupéfiants, fantastiques d’innovation, de puissance et de qualité d’écriture. Le public est passé à côté, sans doute parce qu’ils n’appartenaient pas à une des tendances de l’époque, mais cela n’a pas d’importance.

Ce qui est important, c’est comment le groupe a pu surpasser son passé, et le départ du bassiste Didz Hammond, parti se perdre chez les médiocres Dirty Pretty Things. Constat? FUCK.

Je ne comprends pas. Oh, j’ai connu la merdification de Metallica, d’Oasis, et des tonnes de bons groupes sortent des albums décevants chaque semaine. Mais pas TCTC. Rien ici, ou presque, n’atteint le niveau de ce qu’ils ont commis auparavant. Les morceaux rock (Damage, Homo Sapiens) sont bêtement rock, mainstream, sont le côté novateur qu’on leur connaissait. Les éléments électro, un des gros points forts du groupe, tombent comme un cheveu dans la soupe, et les tentatives de se la jouer mélancolique (pour émuler leur magnifique Into My Arms, par exemple) ne réussissent qu’à être sous-emo (Waiting Game). Et imiter Depeche Mode (Connect), en 2007, ça ne sert à rien. Et dans le genre idées géniales, c’est pas fini : on avait un exceptionnel chanteur (Ben Gautrey), et on le remplace sur 3-4 morceaux par un mauvais Brian Molko. Le syndrome System Of A Down n’est pas encore guéri.

Quand on pense qu’on est perdu pour la cause, on retrouve la bile de Gautrey, perdue au sein d’un morceau long et traînant, mais c’est trop tard. TCTC ont été remplacés par des cylons, qui pensent émuler l’original, mais qui manquent de substance. On va dire ça comme ça, plus rassurant.

Puis, après que la rage passe, quelques dodos/cafés/Reign in Blood plus tard, je repasse le cd (ou dossier de mp3, au choix), et, bon, c’est clairement une déception, mais si jamais on ne connaissait pas le groupe, si jamais ceci venait d’un nouveau groupe de gosses paumés du nord-ouest du Pays de Galles, alors là, on pourrait se dire qu’ils ont de l’avenir. Mais un artiste se doit de tenir en compte son passé, même si c’est parfois excessivement difficile : on comprend maintenant que The Cooper Temple Clause ne sont jamais que cinq types qui ont bien le droit de perdre, momentanément on l’espère, leur génie/talent qui éclaboussait leurs deux premiers disques.

Arctic Monkeys, on vous souhaite bonne chance, vous en aurez tellement besoin.

The View – Hats Off To The Buskers

J’en ai marre. Non, vraiment. J’aime beaucoup The Libertines, leur premier album est un des meilleurs des 10 dernières années, idem pour Arctic Monkeys. Donc, c’est assez compréhensible que d’autres groupes tentent d’émuler leur succès, critique et/ou public, certains y réussissent d’ailleurs. Mais y en a marre que des groupes pourris pensent qu’ils sont la nouvelle sensation parce qu’ils jouent « garage » (lisez: mal) et qu’ils chantent avec un accent authentique (lisez: on pige rien et c’est ridicule).

Concédons-le, The View ont deux morceaux assez bien fichus, évidemment sortis comme premiers singles (Wasted Little DJs et Superstar Tradesman). Mais le reste est mauvais, alliant voix de chat (écossais) étranglé et accords brouillons. De plus, certains sonnent tellement Libertines (The Don) que Doherty devrait demander à Kate Moss d’aller leur péter la gueule, parce que vraiment, ce n’est pas drôle.
Évidemment, Mark Beaumont du NME aime beaucoup, ce qui est le dernier clou de leur cercueil.

Mastodon – Blood Mountain

Pour une fois, les critiques sont généralement unanimes pour qualifier Blood Mountain l’album metal de l’année. Il faut dire que l’état du metal actuel n’est pas vraiment transcendant, les nouveaux groupes majeurs suivent généralement une tradition établie (Trivium/Metallica ou encore Lamb Of God/Pantera), et beaucoup de formations ont abandonné le metal pur pour le mêler, parfois avec succès, à d’autres genres. Queens Of The Stone Age en est un parfait exemple. Et je ne parlerai même pas de toutes les variantes du mot « emo ».

Mastodon n’en a littéralement rien à foutre. Blood Mountain est un album purement metal, et est même centré autour d’un concept barré heroic fantasy avec des cysquatches (un cysquatch étant un sasquatch avec un seul oeil, évidemment). Dès le début, ça tape dur, avec batterie puissante (allo, Lars Ulrich?), power chords et solos bien exécutés, mais sans nuire au morceau (allo, Dragonforce?).

Le plus intéressant, avec Blood Mountain, c’est que le but n’est pas d’aller le plus vite, ou de jouer le plus fort. Non, Mastodon suit un rythme personnel, qui peut aller du doom au trashmetal (Bladecatcher) en passant par toutes les variantes. L’album est excellent de bout en bout, et ne cède à aucune concession. Et on ne s’étendra même pas sur les signatures assez complexes, ni même sur un jeu de batterie qui dévoile petit à petit ses secrets, et se révèle être totalement époustouflante (si ce type n’écoute pas du jazz chez lui, je suis Robbie Williams). On regrettera peut-être (peut-être) que la fin de l’album est moins percutante, et les rythmes deviennent un peu trop mid-tempo (tout en restant profondément dérangeants, après tout Black Sabbath n’aura jamais été foncièrement rapide, comme groupe)

Blood Mountain ne sera pas que l’album metal de l’année, il pourrait renouveler le genre, et lui insuffler un nouveau souffle vital. Rien que ça. Ce n’est donc pas une coïncidence que Josh Homme, fan n°1 du groupe (écoutez la piste cachée pour en savoir plus) est ici choriste occasionnel : le Songs For The Deaf de son groupe était le dernier album « metal » majeur. Reste maintenant à voir la voie choisie par le groupe, car pour suivre ce troisième album, il faudra nécessairement faire différent.