Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Top albums 2012 : 100-71

Music Box 2012 1A défaut d’avoir écrit beaucoup cette année, je me rattrape avec le plus long top (commenté!) de fin d’année de l’histoire de Music Box, cent albums. La publication se fera en quatre étapes, avec pour commencer les trente derniers. Un très long playlist Spotify reprendra un extrait de chaque album ainsi que d’autres morceaux.

100 Bloc Party – Four. Après des mois de drama concernant leur séparation, la sortie du quatrième album de Bloc Party n’a finalement pas intéressé grand monde. Malheureusement, il n’est pas très bon, tentant maladroitement de récupérer la fougue du premier album en y ajoutant des grosses guitares qui ne leur vont pas du tout. Leur temps est écoulé.

99 Therapy? – A Brief Crack of Light. Juste parce qu’ils sont là depuis très longtemps, refusent d’être mauvais et encore plus de se répéter.

98 A Place To Bury Strangers – Worship. Une grande déception personnelle tant leur album précédent était percutant. Ici, on a la même chose en moins bien, en moins inspiré, en plus mou. Et ce n’est même pas une bonne pub pour l’atelier de pédales d’effets DIY d’Oliver Ackermann.

97 Django Django – s/t. On essaie de nous forcer à croire qu’il y a une sorte de mouvement de nouvelle pop/rock indé, mené par Alt-J et comprenant quelques seconds couteaux comme Egyptian Hip-Hop ou Django Django, probablement l’équivalent de Menswear dans les années 90.

96 Breton – Other People’s Problems. Electro-math-rock claustro intrigant et intéressant.

95 Tribes – Baby. Vu qu’il faut inévitablement voir un peu partout les signes d’un retour de la Britpop, on sort de nulle part (enfin si, Camden, évidemment) un groupe à chansons de stade, qu’on qualifiera sans doute de post-Libertines et pré-Palma Violets. Pour l’originalité, on repassera, mais au moins ce ne sont pas les Vaccines.

94 Bad Brains – Into the Future. Pionniers du hardcore de DC ‘77, ils sont au moins autant reggae que punk. Trente-cinq ans après, la recette marche étonnamment toujours aussi bien (j’aime pas le reggae), surtout les voix stoned et psychocinglées de HR.

93 The Datsuns – Death Rattle Boogie. Parce qu’on les avait oublié, et que les néo-zélandais rockent toujours aussi fort qu’avant. Aucun génie, peu d’originalité, mais beaucoup de coeur et d’enthousiasme, alors que leurs rivaux de l’époque ne sont plus du tout au même endroit.

92 The Hives – Lex Hives. C’est un album des Hives. Il n’apporte rien, n’arrive pas à la cheville des premiers, mais cela suffit amplement pour le placer dans un top 100. Merci Randy Fitzsimmons d’écrire de bonnes chansons et de réussir à nous faire tomber dans les gimmicks à chaque fois.

91 Billy Talent – Dead Silence. Punk post-hardcore, rageux, efficace et ample,. même si un peu trop long. Merci d’être revenus parmi nous.

90 The Cast of Cheers – Family . Ne vous trompez pas, Bloc Party a juste changé de nom et s’est inspiré de Battles plutôt que de Soundgarden. Par contre, l’inspiration n’est pas toujours là non plus.

89 Lana Del Rey – Born To Die. Derrière les controverses et les coups marketing, on a une chanteuse qui s’est révélé, tout au début, touchante. Malheureusement, après Video Games/Blue Jeans, le reste est mauvais, médiocre et tellement plat qu’elle se sent obligée de raconter des conneries pour qu’on parle d’elle. Ce qui n’arrivera bientôt plus.

88 Soundgarden – King Animal. Personne n’en avait besoin, mais ils sont revenus quand même. Et bien que l’album de réunion n’arrive pas au niveau du modèle du genre (Dinosaur!), il est suffisamment décent pour ne pas être embarrassant, et compte tenu du passif du chanteur, c’était pas gagné.

87 Green Day – Uno/Dos/Tré. Exemple encyclopédique de quantité vs qualité. Les 14 meilleurs morceaux sur un simple album, et il aurait été bon, dans la première moitié de la disco du groupe. Mais là, on se retrouve avec trois albums tous trop longs, et souvent trop similaires. Uno est punkpoppesquement sympa, et au moins, on n’a que très peu de trucs prétentieux à la Jesus of Machinchose, mais on a dépassé l’indigestion.

86 The Smashing Pumpkins – Oceania. J’ai beaucoup de respect pour la vision intransigeante de Billy Corgan (et le fait qu’il est responsable d’au moins deux des meilleurs albums des 90s), mais c’est assez symptomatique de remarquer qu’on a accordé plus d’attention cette année aux ressorties de Pisces Iscariot et (surtout) de Mellon Collie and the Infinite Sadness. Ceci dit, Oceania est le meilleur album de Corgan depuis quelque temps, peut-être depuis Machina II. Mais cela ne veut pas dire grand chose…

85 Sleigh Bells – Reign of Terror. Tellement surévalué que même Pitchfork n’en parle plus. Il reste juste encore un peu de nouveauté et d’originalité pour qu’on lui laisse une chance.

84 Best Coast – The Only Place. Bethany Cosentino tente par tous les moyens de prouver qu’elle a plus d’un tour dans son sac, et elle y arrive de justesse. En virant alt-country.

83 Jessie Ware – Devotion. Chaque top de fin d’année se doit d’avoir son truc pop “différent”. Je ne trouve pas que Devotion soit vraiment extraordinaire, mais Wildest Moments = tube.

82 Alabama Shakes – Boys and Girls. De la soul music au plus pur sens du terme. Rock teinté de blues et porté par la voix fantastique de Brittany Howard.

81 Neil Young – Psychedelic Pill. Parce que Neil Young est le seul type de 67 ans capable d’appeler un album Psychedelic Pill et de mettre une grosse tablette d’ecstasy en pochette. Mais aussi parce qu’il comprend quelques excellents morceaux, notamment les 16 minutes de Ramada Inn ou de Walk Like a Giant. Il a toujours quelque chose à dire.

80 Passion Pit – Gossamer. L’équilibre entre pop, indé, hype mais pas trop hipster n’est pas facile à réaliser. Pourtant, Passion Pit l’a fait, dans un album pourtant un peu fatigant.

79 Sigur Rós – Valtari. Les islandais n’auront sans doute plus jamais la même aura qu’il y a quelques années, mais cela ne les empêche pas de sortir des albums d’une beauté subjugante.

78 Imperial Teen – Feel The Sound. Indie pop positive, harmonies vocales, chouettes chansons simples. Parfois, on n’a besoin de rien de plus.

77 Of Monsters and Men – My Head Is An Animal. Les comparaisons avec Arcade Fire sont assez justifiées, celles avec Mumford and Sons heureusement moins. Plus légers que leurs inspirations de Montréal, les islandais sortent un album aérien, positif et tout à fait recommandable, même si légèrement dérivatif.

76 The Gaslight Anthem – Handwritten. J’ai sérieusement lu qu’on les considérait comme le futur du rock ‘n roll. Si le futur du rock ‘n roll passe par Bruce Springsteen et faire croire aux gens que Hot Water Music n’a jamais existé, personellement, je ne suis pas d’accord. Heureusement, ce n’est sans doute pas leur intention du tout, ils sont trop occupés à faire sonner leur rock en col bleu le mieux possible, ce qui est tout à leur honneur.

75 Motion City Soundtrack – Go. Le fameux album de la maturité, mais qui n’est pas chiant pour autant, juste plus sérieux et maîtrisé. Frais, intelligent et agréable.

74 Glen Hansard – Rhythm and Repose. Après un Oscar et des tournées interminables (notamment en ouverture de dizaines de concerts d’Eddie Vedder), l’ex-busker dublinois sort son premier vrai album solo, qui reste en deçà de ses albums avec The Frames ou le duo mélancolique The Swell Season. Restent quelques perles parfois sublimes.

73 The K. – My Flesh Reveals Millions of Souls. Noise rock habité, puissant et très dynamique, frôlant parfois le hardcore contemporain. Pas une seule baisse d’intensité tout au long d’un premier album excellent en soi, et très prometteur.

72 Trailer Trash Tracys – Ester. Les groupes dream pop/shoegaze se comptent par dizaines cette année, et il leur faut un petit quelque chose en plus pour se faire remarquer. Dans le cas de TTT, c’est la voix sublime de Suzanne Aztoria, qui sonne intemporelle d’entrée de jeu.

71 Guided By Voices – Let’s Go Eat The Factory/Class Clown Spots a UFO/The Bears for Lunch. Après la reformation du lineup dit classique, Robert Pollard reprend sa vitesse de croisière, trois albums cette année. Comme toujours, on aurait gagné à plus de contrôle, mais on retrouve encore quelques perles indiepunk toujours trop courtes, surtout sur le troisième album.

Blur – Under the Westway / The Puritan

Les voilà enfin, les deux premiers morceaux de Blur depuis 2003 (si on ignore le sympathique mais anecdotique Fool’s Day). Enregistrés à l’occasion du concert de clôture des Jeux Olympiques de Londres, qui verra Blur tenir la tête d’affiche à Hyde Park devant, notamment, The Specials et New Order, ces deux morceaux vont forcément, faire couler pas mal d’encre, électronique ou pas.

Blur peut-il être aussi bon qu’avant? Doivent-ils se reformer indéfiniment pour un nouvel album ou au contraire, Damon Albarn doit-il se concentrer sur ses projets exotico-bizarres? Typiquement, on n’obtiendra aucune réponse immédiate : les deux morceaux se suffisent à eux-mêmes, et méritent chacun quelques mots…

D’abord, Under the Westway. Clairement la face A du single, il était connu depuis quelques mois, car Damon et Graham Coxon l’avaient déjà joué en concert la veille de leur apparition aux Brit Awards. Under the Westway est un morceau très anglais, très classique, tant au niveau du thème (le Westway est une célèbre section autoroutière dominant une partie de Londres) que le la composition, qui se rapproche des grandes balades d’Albarn, en plus discret.

Contrairement à ses heures de gloires passées (The Universal, To The End, This Is a Low), Damon ne cherche pas les grandes envolées lyriques : sa voix, qui a mûri, ne pourrait se le permettre. Cependant, il cherche à l’exploiter très intelligemment, en mettant en évidence la qualité de l’écriture du morceau, et une ravissante mélancolie qui ne pouvait venir que de lui.

Mention spéciale aux paroles, qui, après trois albums (Blur, 13 et Think Tank) thématiquement très différents, reviennent aux premières amours de Damon Albarn : sa ville de Londres. Le premier vers : “There were blue skies in my city today”. Pas “the” city, mais “my” city. Et contrairement à ce qu’on pouvait attendre d’une chanson sur Londres, le ciel est bleu et non gris. Albarn évoque ensuite quelques éléments de vie moderne londonienne, et termine avec une subtile référence à une autre chanson dédiée à sa métropole, London Calling.

Musicalement, Damon mène le morceau au piano, alors que Graham Coxon envoie quelques nappes de guitares atmosphériques pendant les couplets. La percussion de Dave Rowntree confère au morceau une qualité aérienne et intense qui sera à en point douter un temps fort (et potentiellement un énorme singalong) des concerts estivaux de Blur.

Enfin, comment ne pas craquer devant les backing vocals de Graham Coxon, peut-être pas ses plus émotionnels (Tender!), mais son “switch off the machines” discret est un des points forts d’un fantastique morceau, qui prouve que Damon Albarn, l’homme derrière Gorillaz, Mali Music, Doctor Dee, DRC Music, Rocketjuice and the Moon, et j’en passe, est peut-être le plus grand auteur-compositeur anglais depuis Paul McCartney.

Après un tel morceau, sa face B (ou seconde face A, selon le point de vue) est forcément plus discrète. Effectivement, mais elle ne doit pas pour autant être sous-évaluée. Après quelques écoutes, The Puritan est loin derrière Under the Westway. The Puritan est juste une chanson fun, avec une ligne de synthé presque embarrassante. Certes, mais après quelques écoutes, comme les meilleurs morceaux, elle se dévoile petit à petit, et c’est sans doute elle qui représente le mieux l’évolution du groupe.

Si Under the Westway aurait finalement pu être écrit et enregistré à n’importe quel moment depuis 1994 (à l’exception de la voix de Damon), The Puritan est clairement ancré en 2012. Structurellement, il n’est pas trop éloigné des morceaux un peu plus punky/bouncy de Blur, comme Coping ou Popscene. Mais alors qu’à l’époque, ils auraient probablement surchargé la production de cordes et (surtout) de cuivres. Ici, rien d’autre que deux guitares, une basse et cette boîte à rythmes marrante qu’Albarn a probablement trouvé aux puces de Portobello Road (enfin, c’est sans doute une app à 75 cents pour iPad, mais ne cassez pas mon rêve, merci).

The Puritan, donc, est un morceau bien enlevé qui perd le peu de prétention qu’il avait au départ au milieu du morceau, avec des “lalala” qui, eux aussi, passeront très bien à Hyde Park. Nettement moins sérieux que sa face A, il permet de constater que Blur a gardé un côté ludique bien sympathique. Et aussi un poil perversif : Damon en profite pour un peu cracher dans la soupe, en critiquant l’institutionnalisation de l’Angleterre contemporaine (six syllabes, “institutionalised”, Beady Eye ils ne font pas ça, des mots de six syllabes), notamment en ce qui concerne l’hypocrisie des … Jeux Olympiques! Mais on reste dans l’observation sociale typique Albarn période Modern Life is Rubbish/Parklife/The Great Escape, avec notamment l’importance de la TV et de la publicité dans le brouillage des prises de décision de chacun, au moyen, par exemple, de cette très jolie phrase “I’m falling into something that plays upon the metronome in your heart”.

Le morceau est donc conduit par cette ligne de synthé absolument pas sérieuse du tout, et il prend une tournure carrément bordélique quand Coxon balance des bonnes grosses doses de feedback sur le refrain. Si Under the Westway était le retour sérieux, The Puritan est la flipside fun, mais pas seulement.

Tout ça nous amène à une double conclusion. D’abord, oui, il y a une énorme place pour Blur dans le paysage musical contemporain. Pour la nostalgie, certainement : ils ont rempli Hyde Park sans difficulté. Mais ces deux nouveaux morceaux montrent que même si les carrières solo de Coxon et Albarn sont couronnées de succès, quand ils sont ensemble, avec Dave Rowntree et (quand même) Alex James, c’est encore autre chose, et c’est fantastique.

Blur reviendra dans l’actualité le dernier jour de juillet avec un énorme box set reprenant l’intégralité de leur discographie (faces B et albums) ainsi que des tonnes d’inédits (j’accepte les cadeaux et donations 🙂 ) et sera donc à Hyde Park mi-août en clôture des Jeux Olympiques. Ce concert sera notamment précédé de quatre concerts d’échauffement, je vous parlerai de celui de Wolverhampton si tout se passe bien.

Blood Red Shoes – In Time to Voices

Album numéro trois pour le duo Laura-Mary Carter et Steven Ansell, autre preuve qu’il faut impérativement avoir une couleur dans son nom si on veut faire du rock ‘n roll en duo. Carter et Ansell, qui viennent de Brighton, ont fait parler d’eux ces dernières années en alliant le minimalisme relatif des groupes basse/batterie à une puissance qui lorgnait vers l’altrock US, Sonic Youth, Nirvana, Fugazi, tout ça. Point de post-Britpop pour ces deux-là, dont les performances scéniques enflammées étaient assez bien retranscrites sur disque. In Time to Voices, sans renier complètement le passé, explose totalement le canevas dans lequel s’était peut-être enfermé Blood Red Shoes. C’est certainement leur album le moins excité, mais c’est aussi le plus riche, le plus varié, le plus complet.

Le morceau-titre qui entame l’album en est un parfait exemple. Aucune volonté manifeste d’engluer l’auditeur sous les décibels, malgré une notable influence shoegaze, mais plutôt une attention poussée vers l’écriture et le souci du détail : une batterie moins rentre-dedans, une voix plus douce (mais qui peut devenir sérieusement acide) et nettement plus assurée pour Laura-Mary. Lost Kids est quant à lui réminiscent d’une scène indé plutôt anglaise, Idlewild, Reuben, toutes ces bonnes choses maintenant éteintes.

Comme toujours chez Blood Red Shoes, les voix se partagent entre les deux membres, même s’il me semble (purement une impression, je précise) qu’Ansell est plus présent que Carter. Le single Cold les voit se partager le micro pour un morceau qui lui, me fait penser à une autre balise du rock indé, Melissa Auf der Maur. Trois morceaux, rien à jeter, et une entame d’album impressionnante non par son pur volume, mais par, simplement, son excellence.

BRS ne s’arrête pas là, et continue à prendre tout le monde à contre-pied : Two Dead Minutes est froid et fait penser aux Raveonettes, The Silence and the Drones est lancinant, mantrique et comprend même un final avec violons. L’album devient petit à petit plus lent, plus atmosphérique et dense et va même comprendre une ballade fantastique, Night Light, au refrain à tomber. Mais le contre-pied continue, et Je Me Perds les voit endosser le rôle d’un groupe de reprises d’Atari Teenage Riot (pas une mauvaise chose, je précise) avec Carter en parfaite Nic Endo.

Les influences sont reconnaissables, mais inspirées : leur talent de composition éclipse directement quelques réminiscences que l’on pourrait avoir (vous vous rappelez de Cooper Temple Clause?), et fait d’In Time to Voices leur meilleur album, mais aussi le moins évident, et le plus difficile. Ils ont mis la barre tellement haut que les quelques petits défauts ressortent d’autant plus, la différence entre un excellent album et un chef d’oeuvre, sans doute. Mais on a le temps, il arrivera prochainement, leur chef d’oeuvre.

Lana Del Rey – Born To Die


J’ai attendu. La montée du buzz, la sortie de l’album, la descente en flammes. Histoire de ne pas la faire King of Limbs, avec une impression immédiate de l’album forcément influencée par tout ce qui entoure la paire de lèvres la plus célèbre depuis Steven Tyler. Donc j’ai attendu jusque maintenant (oui, ça marche aussi pour excuser mon faible rythme de publication), parce que là, Lana, on n’en parle plus. On verra bien vite si le buzz est définitivement terminé, et on va s’attarder sur la seule chose qui est censée compter : sa musique.

On passera bien vite la vie antérieure de Del Rey en tant que Lizzy Grant ainsi que toute accusation de création diabolique de l’industrie du disque : on s’en fiche. Ce qui intéresse, c’est la qualité des morceaux, notamment savoir si Lana est capable de rééditer son premier single très marquant, Video Games/Blue Jeans. Guess what? Non. Mais alors, vraiment pas. Autant le dire tout de suite, sans trop de risque d’erreur, rien d’autre sur l’album ne dépasse ces deux morceaux, mélancoliques et mélodiques à souhait.

Le début de l’album est là pour en témoigner : Born to Die était censé être son premier hit vraiment produit, avec des cordes expansives et un clip, cette fois, pas cheap. Le morceau n’est pas spécialement mauvais, mais a totalement perdu le charme de son premier disque. Que dire alors de Off to the Races, où Lana tente de chanter avec plusieurs voix différentes, y compris une sorte de semi-rap auquel elle ne croit pas elle même. La chanson est excessivement irritante, les backing vocals du genre « on a enregistré à côté d’une radio qu’on a oublié d’éteindre » lassent très vite, et à ce moment-là, on se dit qu’à peine allumé, le néon cheap de l’étoile de Lana s’est déjà éteinte, probablement à cause d’une facture d’électricité impayée. Blue Jeans et Video Games suivent et relèvent évidemment le niveau, leur caractère amateur contrastant avec la production cliniquement froide des autres morceaux. Mais Video Games restera, qu’on le veuille ou non, un des morceaux emblématiques de cette décennie (mais bon, Friday aussi, je suppose).

Le reste de l’album se passe assez mal, surtout qu’il est trop long : 15 morceaux (dans sa version deluxe) aux rythmes quasi identiques et au relief inexistant, ça lasse très vite. On retiendra quand même ceux qui, finalement, ressemblent le plus à Video Games : des ballades sombres et mélancoliques, à l’atmosphère parfois lourde (Carmen) et aux mélodies passables (Dark Paradise). Mais pour deux ou cinq morceaux écoutables (Radio, bien qu’assez détestable, devrait être le prochain single), on a des trucs vaguement hip-hop lourds (Diet Mtn Dew), des choix de paroles douteux (National Anthem ou l’épouvantable Lolita) et une série de chansons quasi impossibles à distinguer les uns des autres (tout le reste).

Lana Del Rey ne méritait pas toutes les critiques qui se sont abattues sur elle suite à sa contre-performance de Saturday Night Live. Mais l’album, contrairement à son premier single, ne vaut malheureusement pas grand chose, et sonne probablement le glas de sa très courte carrière.