Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Mars Volta – Frances The Mute

4 « mouvements » divisés en plusieurs parties, dépassant parfois la demi-heure, 77 minutes, des titres comme « Cygnus…Vismund Cygnus » et un thème général très obscur, voici en quelques mots ce qu’on savait du nouvel album de Mars Volta avant de l’écouter. Une petite récapitulation préalable, Mars Volta est issu du split d’At The Drive-In (l’autre moitié du groupe formant les très moyens Sparta) et cet album est leur second, après De-Loused In The Comatorium, assez bien accepté.

Frances The Mute se présente donc comme un mastodonte de prog-rock prétentieux, chiant ou absolument génial, question de point de vue, sans doute. En fait, c’est un peu des deux. Rien n’est simple : la moindre idée mélodique, la plus petite unité lyrique est disséquée et truffée de manipulations sonores, de longues plages répétitives vaguement instrumentales avant qu’un riff reprenne le dessus.

Parfois, des éclairs de brillance étonnent, comme le mélodique L’Via L’Vasquez ou le single mélancolique The Widow, mais le reste de l’album est noyé dans un bouillon progressif ennuyeux, même si parfois complètement cinglé.

Musicalement, on ne pas pas dire que le groupe soit mauvais : les guitares sonnent sovent comme du John Frusciante (présent justement sur l’album) et la voix de Cedric Bixler-Zavala plus Mercury que jamais, convient très bien à ces épopées infinies. Mais on peut quand même rester sur l’impression que FTM est plutôt artificiel, sans substance, et bizarre sans trop de raison, tant la puissance mélodique de certaines parties de l’album aurait mérité une place, peut-être pas plus importante, mais en tout cas mieux définie. Et les solos de trompette de Flea, non merci…

Ceci dit, sur scène, ça doit être complètement dingue, mais sur album, on n’est pas vraiment captivés par un album acceptable, mais qui échoue dans son objectif principal.

Bloc Party – Silent Alarm

Attention, très gros hype en vue… Détenteur du titre de « Franz Ferdinand potentiel 2005 », Bloc Party sort enfin son premier album, après quelques singles et EP très prometteurs. Résultat : rien à voir avec Franz Ferdinand, évidemment. Bon, ils jouent tous deux des instruments classiques, et leurs morceaux sont plus dansants que d’habitude, mais la comparaison s’arrête là. FF possède ce côté hédoniste et arty alors que Bloc Party la joue plus discret, plus modeste, et surtout, les morceaux de BP semblent là pour durer, alors qu’on peut craindre le futur de FF.

Silent Alarm est très bon. Original mais pas désarçonnant, musicalement solide, mélodieusement puissant. Like Eating Glass, le premier morceau possède une intro parfaite, avec un delay qui n’avait plus été aussi bien utilisé depuis les jours de gloire de The Edge. Vocalement, Kele Okereke est une (anti)-star en puissance. D’abord, il esr noir, ce qui n’arrive pas très souvent sans le milieu, ensuite, sa voix est particulière et versatile sans être dérangeante. Empruntant autant au reggae qu’à Robert Smith, Kele est une bouffée d’oxygène, et ses paroles assez obliques sont tout aussi bien senties.

Helicopter, Banquet, Price of Gas méritent d’être des tubes, mais ne le seront probablement pas ; Blue Light et Positive Tension ont autant de virages mélodique qu’un morceau de Biffy Clyro, et So Here We Are commence comme la ballade que U2 ne sait visiblement plus écrire pour se terminer en festival drum n bass ; à ce propos, la section rythmique et le guitariste du groupe sont étonnamment inventifs (She’s Hearing Voices), autre différence avec Franz Ferdinand, donc. Bon, on pourra dire que la fin de l’album nage en zone face B, mais un premier album est par définition imparfait (on aurait peut être préféré d’autres extraits de leurs précédents singles, comme The Marshalls Are Dead ou Little Thoughts.

Formidable album d’un groupe qui est tout aussi bon live, et qui prend déjà sa place tout en haut des meilleurs albums de 2005. Surtout, on peut le réécouter des tonnes de fois et toujours être surpris, ce qui est quand même assez rare.

Electric Six – Señor Smoke

Les trois singles successifs sortis par cette bande de dingues de Detroit (Danger! High Voltage – avec Jack White – , Gay Bar, Dance Commander) avaient installé Electric Six en tête de ce « mouvement » retro-cock-rock (oui, je viens de l’inventer) qui comprenait aussi le géronto-rock de The Darkness (prenez note, inventeurs de mouvement musicaux, cet article est encore plus fort qu’Yves Hobin du Ciné-Télé-Revue).

Alors que les nouveaux morceaux de Darkness sont aussi douteux que l’hygiène dentaire de Justin Hawkins, Electric Six arrive à fournir un second album de qualité. Maintenant, faut aimer le style crooner de Dick Valentine, les riffs AC/DC et les claviers qu’on avait cru (à tort) démolis par les Ibanez 7 cordes, mais musicalement, ces 5 (pas 6) gars savent ce qu’ils font.

L’album est fun, rapide, et agréable, à un tel point qu’on ne se rend pas tout de suite compte que l’album ne comporte en fait qu’un seul morceau. Rock and Roll Evacuation, Devil Nights, Bite Me, Future Boys jouent encore la carte ironique (ou pas), jusqu’aux paroles « politiques » (« Mr President I don’t like you / Cos you don’t know how to rock »), et vaguement sexuelles (« She don’t / she don’t / she don’t need no / Vibrator! »). Et quand on commence à se rendre compte que le tout n’est pas fort varié, E6 nous envoie un uppercut proto-new wave-metal avec une remarquable reprise de Radio Ga Ga, dont Freddie Mercury aurait probablement apprécié l’intention.

Tout à fait dispensable, mais un peu comme l’éponyme de Darkness ou le premier album d’Andrew WK, un plaisir coupable entre un Elliott Smith et le nouveau Mercury Rev…

General Patton and The X-Ecutioners

Peut-on vraiment parler de retour quand on parle de Mike Patton? L’homme aux 10 000 projets, de qualité variable mais toujours originale, est actuellement membre de Fantômas (nouvel album le 21 mars) de Tomahawk, peut-être encore de Maldoror et participe à des projets avec Kaada, Rahzel et maintenant avec le trio de DJ X-Ecutioners, sans oublier la gestion de son label au nom amusant Ipecac (Desert Sessions, Mondo Generator, The Locust.

Ce projet est encore plus original qu’il n’y paraît : Patton a donné libre accès à sa collection légendaire de vinyls, et a ensuite ajouté sa voix (et divers effets vocaux à la Patton) sur les instrumentaux, avant de mixer le tout sur son ordinateur. Le tout sonne plus organique qu’il n’y paraît, on jurerait entendre un vrai groupe à certains moments. Le thème de l’album est vaguement militaire, on retrouve des titres assez ironique (General P. Counterintelligence: Target=37:47:36n, 122:33:17w ou Throat And Phonograph Fire Support Coordination Measures (Tpfscm)) et parfois des paroles et thèmes musicaux qui s’en sont inspirés. Par définition, tout ça est un peu fourre-tout, mais des vrais morceaux s’en dégagent, comme Roc Raida, ou L.O.L (Loser On Line), cotoyant des instrumentaux où les samples de disques de de la voix de Mike Patton sont virtuellement impossible à différencier. On peut juste parfois regretter que des vraies mélodies ont été déconstruites pour sonner plus expérimental, ce qui n’est pas toujours une bonne idée, selon moi.

Le tout est donc destiné aux fans de Patton, ou aux DJ, qui apprendront certainement que leur maîtrise technique est assez loin des maîtres de genre, tant les X-Men sont souvent ébouriffants. Maintenant, l’appel général d’un tel album est plus restreint, mais c’est un album Ipecac, de tout façon.

John Frusciante – Curtains

Les six travaux de John Frusciante arrivent à leur fin, avec la sortie de Curtains, sixième disque sorti en six mois par le guitariste des Red Hot Chili Peppers. Et une fois de plus, cet album pose une grande question : quand va-t-il se décider à les plaquer? Curtains marque une nouvelle orientation, cette fois plus acoustique. Le flot de créativité de Frusciante fait que certains morceaux se sont pas vraiment indispensables, ceci dit, on retrouve quelques perles, comme The Past Recedes, ou Anne et son solo psychédélique à tomber.

C’est aussi l’album solo de Frusciante qui incorpore le plus les idées mélodiques retrouvées chez les Red Hot (pas difficile de voir qui a écrit Scar Tissue, ou Road Trippin’), et où il assume de plus en plus sa voix (qui fait parfois penser à Ozzy Osbourne, aussi bizarre que ça puisse paraître).

Maintenant, si Frusciante avait sorti un double album avec les meilleurs morceaux de ces 6 albums, ça aurait été encore autre chose. Très bel effort, ceci dit, tant en qualité qu’en quantité.