Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

John Frusciante – Inside of Emptiness

Six albums en six mois, c’est l’ambition de John Frusciante (guitariste des Red Hot Chili Peppers). Celui-ci est le quatrième de la série, et déjà le cinquième album de John cette année. On pourrait donc craindre l’overdose, ou un accès d’égocentrisme. Même s’il y a certainement un peu de ça, la qualité et la diversité des disques sont la pour défendre l’entreprise. Automatic Writing était sorti sous le nom d’Ataxia, collaboration avec Joe Lally de Fugazi, le dernier EP (DC) était produit par Ian MacKaye, des mêmes Fugazi et cet album est encore différent, et montre un côte moins expérimental que le carrément bizarre Shadows Collide With People.

On y retrouve le côté mélodique légendaire de John, avec des solos et riffs qui auraient pu trouver une place chez les Red Hot. John y ajoute une atmosphère beaucoup moins produite, plus brute. Enfin, sa voix n’est forcément pas aussi radio-friendly que celle d’Anthony Kiedis, mais elle sonne plus vraie, et carrément plus juste (ceux qui ont vu les RHCP live savent de quoi je parle…). Inside of Emptiness est peut-être le meilleur album de Frusciante à ce jour, et offre une alternative intéressant à son groupe, de plus en plus gentil et fatigué, et confirme s’il le fallait encore qu’il est clairement le génie des Red Hot, et un des meilleurs guitaristes actuels. Le prochain album, Sphere In The Heart of Darkness (5/6) sort dans à pleine 20 jours…

Frank Black Francis

Même si la réunion des Pixies (et un probable prochain album studio) est financièrement justifiée, Frank Black a régulièrement sorti des albums solos (assez médiocres en général), et organisé pas mal de tournées. Ceci dit, Charles Thompson (son vrai nom) a très rarement repris des morceaux des Pixies sans les musiciens concernés. Cet album est donc une curiosité de premier plan, et double, en plus.

Le premier disque, tout d’abord, a une valeur historique absolument inestimable, car il agit ni plus ni moins de démos acoustiques enregistrés par Black Francis (son nom de scène chez les Pixies) avant la première répétition du groupe. Bien sûr, il faut absolument connaître les versions finales, mais quand c’est le cas, c’est passionnant. Les morceaux sont presque complets, les paroles définitives. Black va même jusqu’à donner des indications au producteur, à jouer les parties de basse et de percussion sur son acoustique. Il est assez facile de comprendre les tensions qui ont minées le groupe, Black semble en effet être assez dictatorial, mais bon, ce sont ses chansons après tout. Les morceaux présents comprennent Broken Face, Caribou, Isla de Encanta, Holiday Song entre autres, ainsi que deux inédits.

Le second disque se passe très longtemps après, puisqu’il s’agit de réinterprétations contemporaines de classiques des Pixies, chantés par Black et accompagnés par d’autres musiciens. Les morceaux sont souvent radicalement différents des originaux, au point que certains vont sûrement crier à l’hérésie. On a donc pas mal de cuivres, donnant une ambiance jazzy par endroits ; et de légère électro, comme dans le lounge Where Is My Mind. Nimrod’s Son sonne comme Morricone, mais on est moins convaincu par le Holiday Song version mariachi. Pas trop convaincant donc, même si on trouve du bon (Into The White, inquiétant, Wave of Mutilation, sombre). Mais bon, pour en faire des reprises, autant qu’elles soient faites par le maître lui-même.

Elliott Smith – From A Basement On The Hill

Les albums posthumes sont toujours une entreprise douteuse. Les morceaux exhumés frisent peu souvent le génie (les inédits des Beatles ou Nirvana, par exemple, étaient très loin derrière la qualité moyenne des deux groupes), et des artistes comme Jeff Buckley ou Tupac Shakur ont été exploités sans vergogne. On ne saura jamais ce qu’Elliott Smith, disparu violemment l’an dernier (suicide apparent d’un coup de couteau dans le coeur), voulait faire de cet album, maintes fois reporté, et qui aurait pu/du être un double album, montrant une progression sonore du calme au chaos.

Il n’en est rien, mais From A Basement On The Hill reste un très bon album. Il est difficile d’en parler sans sombrer dans l’épitaphe, mais Elliott Smith n’a probablement pas montré le quart de son talent. Des morceaux acoustiques tristes et tendus, de la pop 60s psychédélique, des arrangements chaleureux, des mélodies magnifiques, du rock pur, le tout porté par l’inimitable voix d’Elliott. Malgré les circonstances, FABOTH reste très personnel, et il est maintenant difficile de ne pas trouver un sens vaguement caché à toutes les paroles, qui peuvent facilement sonner comme des références au suicide, qui sont par ailleurs parfois très claires (« I can’t prepare for death any more than I already have », King’s Crossing), ou aux autres démons de l’artiste.

Très bel album, triste, gai, en tout cas très chargé en émotions. Surtout, pour un album posthume, il fait partie du meilleur d’Elliott, et mérite sa place aux côtés d’Either/Or et XO.

Quelle énorme perte.

Sum 41 – Chuck

Dans l’univers impitoyaaable du pop-punk US, il faut savoir se crée une niche. Avril fait de la pop, Good Charlotte de la merde, et Sum 41 tente de se positionner du côté plus rock. Ce qui n’est pas plus mal, vu que leur musique est nettement moins bubblegum que certains de leurs contemporains, on se souvient d’ailleurs de leur collaboration avec Kerry King, de Slayer. Ce nouvel album confirme cette orientation, grosses guitares et basses lourdes.

Seulement, on peut se demander ce que le groupe veut. Une bonne partie de l’album est tellement pompée sur d’autres groupes qu’on a l’impression d’écouter Weird Al Yankovic. The Bitter End ressemble très fort au Battery de Metallica, We’re All To Blame aurait pu être une face B de System Of A Down, et on trouve aussi du Papa Roach, du Soundgarden, voire du Linkin Park. Connaissant leur sens de l’humour décalé, ça pourrait être fait exprès, car c’est tellement gros, pire qu’un plagiat, une quasi photocopie des originaux… On va leur laisser le bénéfice du doute, mais de toute façon les morceaux « originaux » ne cassent pas grand chose. Á écouter une seule fois, pourquoi pas, mais quand on entend le nouveau Green Day, la comparaison est cruelle.

R.E.M. – Around The Sun

On peut dire ce qu’on veut de R.E.M., ils n’ont jamais pris les choix évidents. Là où certains de leurs collègues dans la catégorie stades se contentent d’un gros single une fois de temps en temps, d’apparitions publiques aussi lucratives que risibles et d’amitiés très discutables avec des personnalités politiques plus que douteuses (pas de dessin, je suppose ?), Michael Stipe, Mike Mills et Peter Buck ont mené une carrière à virages, certains très difficiles (Monster, New Adventures In Hi-Fi, Up), d’autres plus aisés (Reveal, Green), mais toujours négociés sans casse, et souvent avec brillance. Around The Sun, leur treizième opus et le troisième sans batteur, est à l’image de leur carrière.

Commençant de main de maître avec le splendide premier single Leaving New York, l’album comprend quelques classiques comme seul R.E.M. peut composer, comme Wanderlust ou Aftermath. Des détours poussent le groupe (et surtout les paroles de Stipe) à l’introspection et à l’expérimentation (The Outsiders, dont la deuxième partie est rappée par Q-Tip), au commentaire politique (Final Straw), et parfois au pas génial (The Ascent Of Man).

Au final, Around The Sun est calme, posé, parfois déprimant (un peu comme le Riot Act de Pearl Jam, autre référence), mais ne rentre pas dans le tout meilleur d’un excellent groupe. Mais bon, c’est bien mieux que le nouveau (et très « ooh souvenez-vous, on faisait ça avant ») U2.