Archives de catégorie : Chroniques

John Frusciante – Shadows Collide With People

Les albums solo des guitaristes sont généralement de deux types : soit des collections de solos de guitare abrutissants, ou alors l’aboutissement concret d’un univers particulier, différent de celui du groupe dans lequel il évolue. L’ex-Blur Graham Coxon l’a prouvé durant quatre très bons albums, et John Frusciante, des Red Hot Chili Peppers, en est aussi à son quatrième.

Et musicalement, c’est effectivement radicalement différent des Red Hot. Pas mal de plages instrumentales où la guitare est dominée par les claviers analogiques, et des morceaux chantés caractérisés par la voix peu assurée de Frusciante (qui peut être comparée, très bizarrement, à celle d’Ozzy Osbourne). L’intérêt de cet album est indéniable pour Frusciante, qui aurait pu étaler son immense talent, mais qui a préféré choisir la difficulté. Maintenant, le grand public et les fans des Red Hot risquent d’être déstabilisés par la bizarrerie de cet album, inutile mais captivant.

OST – Lost in Translation

Le film était merveilleux, et la BO continuait à résonner bien après la fin de celui-ci. Mais le problème avec les BO, c’est leur indépendance très relative hors du contexte cinématographique. Ce disque comprend des extraits de la BO proprement dite ainsi que des chansons, toutes présentes dans le film. La musique a été composée par Kevin Shields, ex-My Bloody Valentine et actuel Primal Scream ; et Brian Reitzell, collaborateur d’Air. Pour ceux qui connaissent le personnage; ils connaissent forcément sa musqiue, pour les autres, une description est quasi impossible, il faut juste savoir que tout colle très très bien avec le film, et peut aussi endurer quelques écoutes indépendantes. La BO comporte aussi quelques instrumentaux de Sébastien Tellier, Squarepusher, Death In Vegas ou des incontournables Air. Au point de vue morceaux chantés, on retrouve Phoenix, My Bloody Valentine et surtout le fantastique Just Like Honey de Jesus And Mary Chain. Il manque juste le Fuck The Pain Away de Peaches, mais bon, tant pis…

Très bon compagnon au film (incontournable, je ne le répéterai jamais assez), ce disque permettra sans doute à pas mal de monde de découvrir un genre musical qui influence toujours la musique d’aujourd’hui (cf The Raveonettes), mais pour une écoute régulière, ce sera plus dur, car même les instrumentaux ne sont sans doute pas assez easy-listening pour une utilisation en fond sonore. Sofia Coppola a très bon goût. (et pour ceux qui ont vu le film, on retrouve la version karaoké arrosée de More Than This, chantée par Bill Murray)

Damageplan – New Found Power

Nouveau chapitre dans le monde des splits du metal… Après Sepultura/Soulfly, c’est maintenant un des autres groupes phares du genre, Pantera, qui a implosé, probablement à cause de la folie incontrôlable du chanteur Phil Anselmo. Anselmo a splitté Pantera et Down pour se consacrer au très moyen Superjoint Ritual, tandis que les frères Vinnie Paul (batterie) et Dimebag Darrell (guitare) sont partis fonder Damageplan avec un vocaliste jusqu’ici inconnu (Patrick Lachman).

Le talent de ces deux musiciens n’est plus à démontrer : Dimebag est unanimement considéré comme un des meilleurs guitaristes metal de tous les temps. Mais hélas, il faut bien plus que ça pour faire un bon groupe. Les compos de Damageplan sont peu inspirées, Vin et Dime n’arrivent même pas à se démarquer, et Lachman ne trouve rien de mieux que d’essayer de chanter comme Anselmo, ce qui n’est pas une bonne idée (surtout quand on en est pas capable).

Á oublier, un peu comme les derniers Sepultura et Soulfly…

Auf der Maur – Auf der Maur

Timing intéressant, quoique probablement purement accidentel : après Courtney, c’est l’ex-bassiste d’Hole (et des Smashing Pumpkins, pendant un album) qui sort son premier album solo.

Le style ici est très différent, plus viscéral, et moins n’importe quoi. Tout d’abord, là où Courtney invite Linda Perry et Bernie Taupin à l’écriture, Melissa fait venir Jeordie ‘Twiggy Ramirez’ White, Kyuss reformé (Josh Homme, Nick Oliveri, Brant Bjork), Mark Lanegan ou l’ex-Hole Eric Erlandson. Forcément, musicalement, ça en jette… En fait cet album est quasi l’anti-Courtney.

Assez proche des meilleurs Pumpkins (y en a pas eu beaucoup, c’est vrai…), ou encore de Tool, Auf der Maur est en plus habité de la personnalité de Melissa, assez mystico-sensuel, on va dire (« Beast of Honor » : I’m a taste test / At the beast fest / Got your crest / On my breast ; « Taste You » : I’m gonna taste you / I’ve got a big mouth). L’album est vraiment très bon, Followed The Waves aurait pu être le meilleur morceau d’A Perfect Circle, tandis que I Need I Want I Will sortirait presque des Desert Sessions. En parlant des Desert Sessions, la seule comparaison vaguement valable serait PJ Harvey, seule artiste dont l’intensité (et la bizarrerie totale) est comparable à Melissa.

Á écouter, et pas seulement en jouant à D&D.


8/10

Courtney Love – America’s Sweetheart

Courtney, Courtney, Courtney… Juste une fille sans talent qui a eu plus de chance que les autres, ou une déesse punk dans la lignée de Sid? Ou peut-être un peu des deux… Courtney Love, on aime ou on déteste. Comme Yoko, on l’a accusée de tous les maux, jusqu’à imaginer qu’elle aurait organisé, d’une manière ou d’une autre, la mort de Kurt Cobain. Résultat, même si les talents multiples de Courtney sont assez difficiles à ignorer, certaines personnes continueront à la discréditer de toute façon. Love a quand même réussi dans deux domaines, la musique bien sûr (trois albums pour Hole) et le ciné (elle était splendide dansThe People Vs. Larry Flint et Man On The Moon).

Sort maintenant son premier disque solo, après le split de Hole (dont la bassiste, Melissa Auf der Maur, vient aussi de sortir un album) et l’avortement de son projet punk (avec Kat Bjelland, ex-Babes In Toyland). On a souvent douté du talent de songwriter de Courtney : la rumeur que Cobain a écrit certains de ces morceaux ajouté au fait que son ex, Billy Corgan, a coécrit pas mal de Celebrity Skin (le 3ème Hole) a aidé à créer cette situation, et America’s Sweetheart ne fera pas taire les mauvaises langues. En effet, l’album a été coécrit avec quelques personnalités assez douteuses, telles Linda Perry (ex 4 Non-Blondes et créatrice de Pink), et Bernie Taupin, qui a composé la carrière d’Elton John. Bref, c’était mal parti. Jusqu’à ce qu’on entende le premier extrait, la rage punkoïde de Mono. Ok, ça ressemblait un peu à la plage titulaire de CS, mais bon, Courtney était de retour. Elle chante toujours aussi mal, mais elle pense ce qu’elle dit, c’est déjà ça.

L’album est assez hit-and-miss, produit un peu n’importe comment, avec des morceaux assez mal agencés, mais ce joyeux foutoir correspond pas mal au personnage. Pas mal de guitares tranchantes (dont une apparition de Brody Distillers) et une voix de plus en plus rauque : l’album est moins poli que CS. Reste quand même les gros clichés habituels, qui n’ont pas évolué depuis Doll Parts ; et des morceaux quand même fort adult-oriented rock. Déception quand même, mais bouffée d’air frais : Courtney’s back.