Archives de catégorie : Chroniques

Pantera – Reinventing Hell

Pantera est, sans contestation possible, l’un des piliers du heavy metal. Dès le début de leur carrière, en 1990 (Cowboys from Hell), ils ont apporté au genre une agression et une violence aussi légendaire que texane (avec toute la connotation, et même plus), ainsi qu’un guitariste fabuleux (Darrell ‘Dimebag’ Abbott) et un chanteur exceptionnel mais instable (Phil Anselmo). Après deux albums d’excellente facture, Anselmo succomba presque à ses démons légendaires lorsque son cœur s’arrêta de battre pendant cinq minutes. Un nouvel homme semblait renaître, moins violent et plus raisonnable. En résulta les albums 3 et 4 (ainsi que le morceau, hélas absent ici, 5 Minutes Alone), dont la violence était peut-être plus contenue, même si plus présente que jamais. Et puis, la chute pouvait commencer. Anselmo replongeait dans la drogue et l’alcool et s’éloignait de plus en plus des autres membres du groupe. Il en profita pour former le très Sabbath Down et l’hyper-violent Superjoint Ritual. Pantera sortira encore un album, mais le cœur n’y était plus. L’inévitable arriva, et après des discussions animées qui finirent aux poings, Anselmo quitta Pantera pour se consacrer uniquement au moins bon de ses trois groupes, SJR.

Voici donc, en attendant une improbable réunion, un best of d’un groupe sans concession, brut. L’album sort bizarrement en deux versions, avec tracklists différents mais non-complémentaires. La meilleure version est certainement celle-ci, qui comprend presque tous les meilleurs morceaux du groupe, Cowboys From Hell, Cemetary Gates, Walk, This Love, ou encore l’emblématique Fucking Hostile. On comptera aussi la reprise (peu originale) du Planet Caravan de Black Sabbath et les raretés The Badge (BO de The Crow) et Immortally Insane (BO de Heavy Metal 2000). On regrettera l’absence (comme pour chaque best of) de quelques morceaux, ainsi que la sous-représentation des deux derniers albums (un morceau chacun).

Black Rebel Motorcycle Club – Take Them On, On Your Own

Plus sombre que le musée des serial killers de Jonathan Davis, le groupe au nom le plus stéréotypé de la New Rock Revolution (© NME) revient avec un nouvel opus plus direct que le précédent. En effet, Take Them On, On Your Ownest très in your face, avec une série d’excellents morceaux plus Rolling Stones que Jesus and Mary Chain. L’influence d’Oasis (comme c’est ironique quand même) se fait sentir sur Stop (même esprit que Columbia, sur Definitely Maybe), mais c’est tout l’album qui est traversé par l’esprit du rock, poussiéreux comme la Route 66, sale comme un motel pourri au fin fond de l’Alabama, pervers comme les meilleurs rôles de Vincent D’Onofrio. Simple, voire simpliste,TTO,OYO ne va pas révolutionner le monde, mais compte simplement améliorer la vie de ceux qui l’écoutent. Ceci dit, cet album montre une réelle maîtrise musicale, mais surtout une passion et une foi comparable, dans des styles différents, à Interpol. BRMC ne sont pas des copieurs, mais the real deal, qui y va même d’un morceau politique, US Government (« Kill the US Government ! »). Et on peut même l’écouter en journée. Même si tout l’album, une fois de plus, ne tient pas les promesses faites par les quatre-cinq premiers titres, il reste quand même un incontournable de l’année.

The Bellrays – The Red, White and Black

Nouvel album, le troisième (si l’on compte la compile garage Raw Collection) pour ce quatuor original, trois quarts punk garage à la MC5/Sonics, un quart soul Motown grâce la chanteuse allumée Lisa Kekaula. Original de prime abord, cet album souffre la comparaison avec le premier (Meet the Bellrays) qui comptait, simplement, des meilleurs morceaux. De plus, l’esprit garage (production quasi inexistante, feedback non contrôlé) est assez vite lassant, surtout pour un troisième album. Pour amateurs uniquement (qualques bons titres quand même), sinon ruez-vous sur l’excellent Meet the Bellrays.

Jet – Get Born

Déjà vu, déjà vu… Comme le chat noir deMatrix, un nouvel album rock’n’roll venant d’Océanie doit être traité avec la plus grande suspicion, car 2002 a vu arriver le meilleur (The Datsuns) comme le pire (The Vines). Au moins, ce nouveau groupe de jeunes très seventies n’a quand même pas osé s’appeler The Jets…

Lancé comme tant d’autres par le NME, Jet était attendu comme les nouveaux Strokes, mais finalement ce n’est jamais qu’un bon groupe de rock, sans plus (ni moins). Á l’inverse de leurs compères rockers 1973 (oups, 2003), Jet n’hésite pas à truffer leur album de ballades, mais on en reparlera.

Les morceaux rock sont énergiques et tout et tout, mais très peu originaux (vocaux Liamesques sur Rollover DJ, au message -tout aussi Liamesque- franchement dépassé, basse Lust for Life sur Are You Gonna Be My Girl), tandis que les ballades sont hit and miss, avec le très face b d’Oasis (ben tiens) Look What You’ve Done comme meilleur du lot. Le reste de l’album continue sur cette voie, deux tiers moyen AC/DC, un tiers balades chiantes.

Pas mauvais, mais assez inutile quand on a eu meilleur, et bien meilleur cette année, et les précédentes. Le NME ne peut pas toujours avoir raison…

IAM – Revoir un printemps

Le plus grand groupe hip-hop français de tous les temps (ce qui n’est pas très difficile) fait son come-back après 6 ans d’absence. Enfin, absence n’est pas le bon terme, car IAM, à l’instar du Wu-Tang, s’est dispersé en projets solo (Sol Invictus, Black Album pour Akhenaton,Où Je Vais pour Shurik’n, et albums aussi pour Kheops -la série des Sad Hill, Freeman, et Imhotep. Akhenaton s’est aussi lancé dans le cinéma, avec son premier long métrage,Comme un aimant. Le groupe s’est reformé, sept ans après le phénoménal succès de L’École du Micro d’Argent, et le résultat est cet album, Revoir un Printemps.

L’album délivre ses promesses, et arrive même à parfois surprendre. La principale particularité est, et ça commence à devenir une habitude, ce dont personne se plaindra, l’instrumentation live. En effet, les 18 morceaux ont tous été écrits via platines et boîtes à rythmes avant d’être rejoués par des musiciens : batterie, basse, guitare, claviers et même cordes et cuivres, ce qui confère une atmosphère particulière, chaude et mélancolique, qu’on avait plus retrouvé dans le rap depuis le premier solo d’Akh (Métèque et Mat). De plus, les ambiances sonores sont assez variées, passant allégrement du hip-hop old school aux mélodies arabisantes. Un très bon point donc pour les musiques, quid des textes ?

Eh bien de ce côté là rien n’a vraiment changé : lyrics ouvertement politiques (21/04 sur les présidentielles françaises, Armes de distraction massive, Bienvenue) et définitivement originales dans le hip-hop international (après un morceau sur la prostitution sur l’École, voici Fruits de la Rage, sur la violence domestique). Rien n’a changé, mais ces prises de positions sont nécessaires, même si hélas marginales. La principale innovation au point de vue voix est la présence affirmée (sur chaque morceau, contre deux sur l’École) de l’ex-danseur Freeman, à l’accent marseillais bien plus marqué que le chuintement caractéristique d’Akh. Freeman apporte pas mal au groupe, une troisième voix comme un troisième point du vue. Reste quand même les clichés fatigants propres à ce genre muscial, clichés nécessaires peut-être, mais parfois disgrâcieux.

Les featurings sont comme d’habitude peu nombreux, mais de grande qualité (commerciale mais aussi artistique): Method Man et Redman sur le single Noble Art et Beyoncé sur l’engagé Bienvenue.

Il est difficile de dire si cet album rencontrera l’immense succès du précédent, mais IAM n’a pas loupé son retour, en réussissant un bon album dans le cadre très fermé du rap français engagé. Plus une mise à jour réussie qu’une révolution, mais sans doute le meilleur album rap français de l’année.