Les Beatles étaient le plus gros groupe du monde. La Beatlemania régnait partout, et tant qu’à faire, autant tirer sur la corde autant que possible, en suivant la mode de l’époque : mettre les popstars dans des films. A Hard Day’s Night accompagne le film du même nom, du moins la face A du disque. Ces films ne m’ont jamais intéressé, mais l’album, quel album. Premier album du groupe a ne comprendre que des compositions originales, il contient hit sur hit, dès le premier accord du morceau-titre, peut-être l’accord le plus connu de l’histoire du rock ‘n roll. A Hard Day’s Night est fantastiquement frénétique, mélodique et étonnamment complexe. John Lennon a parfaitement appris les leçons des reprises, et les surpasse maintenant avec ses originaux. Lennon, qui a d’ailleurs composé une majorité de l’album, comme I Should Have Known Better, If I Fell et ses harmonies vocales ou Anytime At All.
Mais c’est peut-être les morceaux de McCartney qui impressionnent le plus. And I Love Her est proche de la perfection, alors que Things We Said Today a une telle recherche mélodique qu’on pourrait écrire un morceau à partir de chaque ligne. Même si McCartney s’occupait plutôt des morceaux « calmes », il a écrit Can’t Buy Me Love (Ringo!), l’autre grand classique rock ‘n roll de cet album. Dès ce moment, de toute façon, ce ne sont plus les morceaux « connus » qui font la différence. Chaque morceau vaut la peine d’être (ré)écouté, car le groupe est vraiment en pleine possession de leurs pouvoirs de poprockers mélodiques. Ils continueront encore pendant deux albums, avant de devenir, bien sûr, totalement dingues.
A Hard Day’s Night, qui pêche peut-être par une seconde face moins percutante, est donc le premier excellent album du groupe. Ils feront plus bizarre, plus expérimental, et sans doute meilleur, mais en ce qui concerne la pop song parfaite, elle est ici. P
as d’inquiétude cependant : si vous l’avez ratée, elle reviendra.
Album numéro 2, With The Beatles et son titre kitschissime ne fera que confirmer la légende. Il détrôna Please Please Me des charts anglais pour lui même s’y installer pendant 21 semaines, portant les Beatles pendant presque un an au sommet. Pourtant, c’est probablement le moins bon album du groupe, le plus faible. Enregistré et sorti rapidement pour capitaliser sur leur immense succès, il reprend le même concept que son prédécesseur : six reprises (RnB/Motown) et huit originaux, dont, pour la première fois, un morceau de George Harrison (le dispensable Don’t Bother Me).
On ne s’y attardera donc pas trop, même s’il comprend tout de même quelques passages intéressants, dont le mémorable All My Loving, montrant déjà le sens inné de la mélodie qui sera la marque de Paul McCartney pour les années à venir. En fin d’album, le superbe And I Love Her préfigure un certain Yesterday, et on notera aussi le méconnu Not a Second Time. Sinon, on remarque vite que l’album a été conçu comme photocopie de Please Please Me, avec Roll Over Beethoven pour « faire » Twist and Shout, par exemple.
Mais il faut tenir compte du fait que c’est tout de même le second album du groupe en six mois et qu’à l’époque, on alternait albums et singles : les Beatles venaient de sortir l’excellent She Loves You, alors que le non moins fantastique I Wanna Hold Your Hand allait suivre un mois après. On reparlera des morceaux non-albums lorsqu’on parlera des Past Masters, bien sûr. With The Beatles restera toujours connu comme le second album des Beatles, sans doute le moins intéressant, mais la rampe de lancement vers l’album qui définira la Beatlemania, A Hard Day’s Night.
Battre le fer tant qu’il est chaud, c’est ce que fait Muse depuis dix ans. Tournées incessantes, passages répétés en festival, cinq singles par album, et donc cinq albums studio (+ les dvd live) en dix ans. Grâce à tout cela, Muse est devenu probablement le plus gros groupe UK, et un des plus grands du monde (le monde, évidemment, ne comprend pas la grande île au large de l’Atlantique). Malheureusement, et c’est souvent le cas (voir récemment Kings of Leon), le succès populaire va de pair avec une méchante chute de qualité et de créativité. Black Holes and Revelations, l’album de la consécration, était probablement le moins bon, et les moments sympas (le surprenant comeback single Supermassive Black Hole) étaient dominés par le grand n’importe quoi (Knights of Cydonia) ou pire, le vraiment horrible (Starlight).
On ne pouvait donc pas s’attendre à grand chose de ce Resistance, surtout que les titres et le concept ne poussaient pas vraiment à l’optimisme, la parano politique du guitariste-miauleur Matthew Bellamy étant vite lassante. Les deux morceaux avant-coureurs n’ont pas aidé : United States of Eurasia commence comme une bête ballade, avant de « s’inspirer », une fois de plus, de Queen, alors que Uprising fait encore plus fort, plagiant facilement une dizaine de morceaux connus, une habitude chez Muse. Mais bon, si on est de bonne humeur, on peut aller chercher quelques éléments sympas, comme le refrain étonnant et très catchy du morceau-titre, l’intro musclée de Unnatural Selection (la suite est moins fun) ou l’assez carré MK Ultra.
Malheureusement, The Resistance est surtout le véhicule de l’ego de Bellamy, guitariste hors pair qui néglige ses guitares pour se focaliser ici sur le piano et le pompeux. Undisclosed Desires est totalement infâme, sorte de saloperie RnB rejetée par Boyz II Men en 1995 alors que I Belong To You (avec son piano cabaret parisien) se termine par un Bellamy qui ne trouve rien de mieux que de chanter un bout du Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, en français. Ce qui donne, en gros, « riiiiipooooonza ma tendwessseeeeuuu ». C’est mignon. L’album se termine avec la fameuse symphonie dont Bellamy parle depuis des années, et qu’il a eu la funeste idée de terminer. Enfin, soyons honnêtes : ce n’est pas mauvais, l’orchestre assure, mais on ne voit pas trop l’intérêt de ces dix minutes qui ne vont nulle part, et qui sont loin d’être le morceau épique promis.
Difficile de haïr The Resistance, qui est plus plat que le précédent. Au moins, il était très facile de détester Starlight ou Invincible, ici, on écoute une fois, on soupire et on passe son chemin. Vraiment dommage pour un groupe qui était prometteur, qui a sorti un très bon album, mais qui se perd en chemin depuis maintenant trop longtemps.
And so it begins… La série, qui s’entame donc aujourd’hui, de chroniques des albums remasterisés des Beatles n’est pas censée (ré)écrire l’histoire des quatre de Liverpool, mais sera simplement un point de vue très subjectif. L’oeuvre des Beatles est profondément ancrée dans son époque, c’est pourquoi je ne peux que conseiller la lecture du fantastique Revolution In My Head, de Ian Macdonald, qui non seulement analyse chaque morceau du groupe, mais replace le tout dans son contexte.En quelques mots, le contexte de Please Please Me est simple. L’industrie du disque est fort différente de maintenant, et voulait à l’époque capitaliser sur un jeune groupe qui créait des vagues, notamment grâce à leurs shows en résidence au Cavern Club de Liverpool. C’est donc tout naturellement que l’album correspond à leur setlist de l’époque, et qu’il a été largement enregistré live en studio. Le succès est immense : trente semaines numéro 1 des charts britanniques, et le point de départ d’une légende, qui est aujourd’hui remise à neuf grâce aux remasters mono et stereo.Au risque de commetre un blasphème, je ne suis pas un grand amateur des premiers albums. Please Please Me semble être reconnu comme le meilleur de la période « rock ‘n roll » du groupe, et c’est vrai qu’il est intéressant à plusieurs égards. Mais il est très très loin d’attendre l’invraisemblable brillance que le Fab Four atteindra à plusieurs reprises quelques années plus tard. En fait, la principale qualité de l’album n’est même pas musicale, c’est ce qu’il représente : pour la première fois, un groupe de musiciens « pop » sort un album sur lequel ils chantent (tous, même), jouent de leurs propres instruments (avec notamment une section rythmique McCartney/Starr très solide) et composent une majorité de morceaux (huit sur quatorze). Ce qui n’était pas évident du tout à l’époque.Parlons tout de même un peu de musique. Forcément, c’est brut et primitif, on est tout de même en 1963. Et même s’il ne faudra que quelques années pour que les Beatles (et certains de leurs pairs, n’oublions pas) révolutionnent la musique populaire, ici, c’est le début. On sent un groupe qui se cherche, notamment au niveau des voix : les cinq premiers morceaux voient quatre lead vocalistes différents se succéder. Quatre vocalistes qui d’ailleurs, chantent juste. De même, les contraintes de production et de marketing font que les compositions personnelles ne doivent pas s’éloigner trop des reprises. Il n’empêche que les toutes premières compositions estampillées Lennon/McCartney (pas encore de compos de Harrison) sont souvent meilleures que les reprises, et comprennent déjà quelques éclairs de génie, comme la ligne de piano de Misery, ou le rythme probablement indécent de Love Me Do (batterie jouée par Andy White, la version Ringo étant encore plus puissante).I Saw Her Standing There et Please Please Me sont sans doute les deux autres originaux qui sortent du lot, mais c’est la reprise finale qui restera le morceau de choix de l’album. Enregistré en toute fin de session, Twist and Shout est électrique, et aussi puissant qu’un morceau pop pouvait être à l’époque. La voix de John Lennon, qui était préservée jusque là, se rapproche de la rupture, et montre à quel point ces quatre-là possédaient des talents complémentaires hors pair. On n’avait encore rien vu.