Archives de catégorie : Chroniques

The Presidents Of The United States Of America – These Are The Good Times People

Oui, ils sont toujours là. Après un petit succès indépendant dans les années 90 (vous vous rappelez de Lump et Peaches?), ils auront connu une traversée du désert assez longue, mais Love Everybody (2004) leur aura redonné, si pas le succès, une certaine visibilité et la possibilité de continuer à tourner et sortir des albums, celui-ci étant le cinquième.

C’est aussi une belle petite surprise. Il est efficace, reprend tout ce qu’on peut attendre d’un album du groupe tout en étant leur plus varié. Même si le fondateur Dave Dederer a quitté le navire, remplacé par Andrew McKeag, lls gardent leurs instruments à cordes habituelles (guitbass et basitar, wikipedia le fera mieux que moi), mais ajoutent des éléments de ska (Sharpen Up Those Fangs), de music-hall (Flame Is Love) et même un duo soul avec la chanteuse Fysah Thomas (Deleter).

Mais c’est un album des PUSA. Donc, trois accords, simplicité et efficacité mélodique, paroles surréalistes et souvent assez tordues, parlant d’animaux (Ladybug, Poor Turtle) d’amour (Mixed Up SOB, French Girl), ou de ballon d’hélium (Loose Balloon).

Limité, certes, mais efficace et bien exécuté, tout ce qu’on demande. Et je parie que le nouveau Weezer ne sera pas aussi bien, hélas. Cet album au titre trop long d’un groupe au nom trop long est très sympathique à défaut d’être révolutionnaire, et une fois de temps en temps, cela fait un bien fou. Tout en me fichant un nouveau coup de vieux.

R.E.M. – Accelerate

Á chaque fois qu’un nouvel album d’un groupe majeur et assez ancien sort, on essaie toujours de caler les mots “retour en forme”. Parfois en dépit du bon sens (Pearl Jam), parfois par espoir déçu (Metallica depuis dix ans au moins). Dans ce cas-ci, on parlerait plutôt de retour en puissance : on ne peut pas vraiment dire que les trois derniers albums de R.E.M. étaient mauvais, mais plutôt expérimentaux et pas spécialement faciles à écouter. Ok, ils n’étaient pas non plus à la hauteur du passé. Le temps seul dire si Accelerate l’est, mais il est de loin l’album le plus péchu du groupe depuis Monster.

Malgré quelques bons moments (The Great Beyond, Imitation Of Life, l’album Up), le R.E.M. post-New Adventures In Hi-Fi (qui correspond au départ du batteur irremplacé Bill Berry) a manqué de pertinence, voire de cohérence. Rien de toute cela ici. Une bonne demi-heure de musique, onze morceaux où prédominent les guitares énervées : on sent un… retour en forme.

D’ailleurs, le tout début de l’album rappelle celui de Monster, tant l’intro de Living Well Is The Best Revenge fait penser à What’s The Frequency Kenneth? Heureusement, on quitte vite les souvenirs de prétentions maladroites pour entendre un R.E.M. revigoré, qui n’a jamais sonné aussi bien comme trio. Basse très rythmique, guitare puissante et un Michael Stipe inimitable mais précis et décidé. Man-Sized Wreath étonne par sa rapidité d’exécution, alors qu’Angus Young voudra sans doute récupérer le riff de Supernatural Superserious, un classique immédiat du groupe, le genre de morceau qu’ils semblent écrire dans leur sommeil depuis plus de vingt ans.

Même si les six cordes dominent, on retrouve, mais avec plus de pertinence, des claviers rappelant les dernières expériences d’Around The Sun. Houston en est un très exemple, mais on sent que le groupe possède une envie, une volonté qui semblait manquer à l’époque. D’ailleurs, alors que la production récente du groupe était assez mid-tempo, on ne retrouve qu’une seule ballade, qui n’est d’ailleurs pas vraiment le sommet de l’album. Hollow Man, quant à lui, commence tranquillement avec une simple guitare acoustique avant d’offrir le refrain le plus entêtant qu’on ait entendu depuis bien trop longtemps.

Accelerate est rapide, on l’a compris, et se conclut sur le binôme Horse To Water/I’m Gonna DJ. Le premier rappelle étrangement un autre vieux groupe mais qui a très mal vieilli, alors que le second est connu depuis belle lurette car joué depuis 2005. Il termine le tout sur une note positive : “Music will provide the light you cannot resist”, on ne peut qu’acquiescer.

Alors oui, Accelerate est sans trop de doutes le meilleur album de R.E.M. depuis la fin du XXème siècle. Mieux encore, il redonne envie. Envie au groupe de refaire de la musique avec passion, mais aussi envie de réécouter l’ensemble de leur catalogue, d’une grande richesse peut-être inégalée. Accelerate fait tout ça, en plus d’offrir à 2008 un de ses meilleurs albums rock.

AC/DC – Back In Black (1980)

ACDC_Back_in_BlackUn fait pour débuter. Back In Black est, derrière Thriller, l’album original le plus vendu de tous les temps. Et vu que l’album approche de sa fin inéluctable, il le restera. Je ne prends pas ça comme critère de qualité (le disque le plus vendu, toutes catégories confondues est le Greatest Hits des Eagles, ce qui remet les choses en perspective), mais de distribution : énormément de monde a écouté (ou en tout cas possède, ce qui est autre chose) l’album phare d’AC/DC, succès aussi énorme qu’improbable.

En 1980, AC/DC avait déjà un bon paquet de hits derrière eux, avec notamment l’album Highway To Hell, et un vocaliste exceptionnel, Bon Scott. On connaît la suite : Scott meurt, et est remplacé par Brian Johnson. Back In Black est un hommage à Bon Scott, mais beaucoup d’autres choses aussi.

L’intro mythique, pour commencer. Les cloches, simultanément hommage au chanteur mais aussi annonciatrice de chaos. Un riff, lent, lancinant, qui fait à lui tout seul qu’Angus Young a sa page dans l’encyclopédie des tous grands. AC/DC n’a jamais eu besoin de jouer fort (Iron Maiden), vite (Motörhead), ou de manière malsaine (Black Sabbath) : ils ont leur propre genre, mélange de riffs, de la voix, hmm, particulière de Brian Johnson, et les paroles plus double-entendre qu’une conversation ouija entre Freud et sa mère.

Hells Bells, le premier morceau en question est juste un riff, donc, mais quel riff. AC/DC a repris la racine du rock n roll, le blues, en y ajoutant – forcément – l’électricité et un nombre incalculable de métaphore sexuelles (You Shook Me All Night Long, Let Me Put My Love Into You (!!!) voire parfois sexistes (What You Do For Money Honey).

Mais ne reprendre que ça serait assez réducteur : au creux de l’album, un discret morceau traîne son riff monumental : Back In Black. Continuons le thème : le moment où Johnson commence à chanter est carrément un des moments les plus orgasmiques du rock ‘n roll. Et c’est bien ce qu’AC/DC a apporté : rien grand chose de complexe, ni de bien sérieux (z’avez déjà vu Angus Young?). Mais une dose maximal de plaisir et d’enthousiasme, combiné avec un sens de l’accroche inouï; et inégalé.

Oh, bien sûr, ils vivent depuis des années sur leur légende (même si on annonce un nouvel album en 2008), on parle plus de l’accessoire que de l’essentiel (les canons et les cloches, n’importe quel jeu de mot avec “balle” dedans – regardez la pochette du leur dernier dvd), mais quelle légende : AC/DC a créé, et continuera à créer, des groupes qui auront plus ou moins compris l’idéal de Angus, Malcolm, bon, Brian et les autres : rock n’ roll ain’t noise pollution. Back In Black est la référence.

Hells Bells

 

The Raconteurs – Consolers Of The Lonely

On ne s’attendait peut-être pas à ce que Jack White, qu’on imagine peu vérifier Facebook tous les jours, suive les pas de Trent Reznor et Radiohead. Il l’a fait, mais avec un twist évidemment traditionnel. Le second album des Raconteurs a été annoncé une semaine avant sa sortie, qui fut générale : l’album n’était pas seulement disponible sur internet, mais aussi en magasin Des vrais magasins, avec des murs, un vendeur et des prix exorbitants. Mais je m’égare.

The Raconteurs, c’est un groupe formé par le singer-songwriter Brendan Benson, la section rythmique des Greenhornes et Jack White qui a ici le droit de porter des chaussettes bleues et ne pas être le frère du batteur. Le premier album était court mais explosif, et a même permis à White de scorer un autre hit, avec Steady As She Goes.

Etonnamment (ou pas?), The Raconteurs version 2008 n’est pas trop éloigné du boulot principal de White : riffs incisifs, guitare psychopathique, batterie souvent limitée, et hululements déchaînés. Salute Your Solution aurait pu se retrouver tel quel sur Icky Thump. Mais avec une basse, et même si je ne reprocherai jamais à Jack et Meg de ne pas en avoir, autant ici, ça fait du bien. Excellent morceau, même si les voix de Benson sont souvent au second plan : Jack est clairement un natural-born leader et retrouve la place qu’il n’avait pas osé prendre au début.

On sera peut-être moins heureux de retrouver quelques obsessions de Jack White, comme le piano music hall, les mariachis et les éléments de musique traditionnelle celtique. Conquest, c’était fantastique, mais en one shot ç’eût été encore mieux. Ceci dit, les balades tiennent bien la route, justement grâce à Benson, qui apporte une voix un peu moins mélodramatique. Il y a de l’Elliott Smith là-dessous. L’assez kitsch Many Shades Of Black porte la marque de Brendan Benson, et apporte un contrepoids intéressant aux compositions dominées par White, comme le très brut et jouissif Five On The Five qui suit. (une basse c’est quand même bien, je dis ça je dis rien mais bon)

Consolers Of The Lonely est suffisamment varié pour ne jamais ennuyer, malgré qu’il soit plus long que le précédent. Alliant qualité d’écriture et grains de folie, les Raconteurs valent plus que la somme de leurs parts, ce qui est tout à fait exceptionnel. L’album reste passionnant jusqu’au bout, avec le progblues (si!) Rich Kid Blues ou le terrible final Carolina Drama et son histoire tragique d’amours compliquées et de bouteille de lait tueuse.

On concluera de la même manière que pour chaque album de Jack White. Un talent fou, un excellent compositeur et un exceptionnel guitariste, capable de se fondre dans un groupe sans en plomber la raison d’être (on se rappelle de Tin Machine?). On pourra toujours regretter que ce second album se rapproche plus des Stripes que du premier Raconteurs, mais personne ne pourrait vraiment penser que c’est un réel défaut. Et puis, de manière tout à fait personnelle et subjective, j’adore le ton de la guitare de White, sa sonorité crasseuse propre qui est peut-être ma préférée depuis J Mascis.

Cavalera Conspiracy – Inflikted

Dans la grande série de réunions de groupes plus ou moins légendaires, celle de Sepultura revient régulièrement à l’avant-plan. Petit historique : le groupe se sépare assez acrimonieusement au sommet de sa gloire, après la sortie du mythique Roots. Le chanteur Max Cavalera part fonder Soulfly alors que le reste (Andreas Kisser, Paulo Jr et Igor Cavalera) garde le nom Sepultura mais remplace Max par Derrick Green. Les deux groupes coexistent en parallèle, sortant du nouveau matériel mais s’appuyant sur leur passé commun.

L’élément déclencheur de changement fut le départ du batteur (et frère de Max) Igor Cavalera. Il n’en fallut pas plus pour que ces deux-là se retrouvent sur scène, et mettent sur pied ce projet, avec l’aide de Marc Rizzo (Soulfly/Ill Niño) et Joe Duplantier (Gojira). Ce n’est pas (encore) la réunion du lineup classique de Sepultura, mais on s’en rapproche.

Ce qui est sensiblement moins drôle, c’est que malgré les bonnes intentions, Inflikted n’est pas un grand album. Semblant constamment hésiter entre le metal à la Sepultura et un hardcore plutôt Soulfly, il se cale dans une direction plus technique et hésitante, toutefois relevée par les solos excellents de Marc Rizzo. On connaît l’histoire derrière l’album, et l’importance de la réunion des frères, mais à cause de ça, on ne peut s’empêcher de trouver qu’Igor en fait un peu trop. Pas de solos interminables, mais il montre sa présence, et déforce parfois la simplicité des morceaux.

Max, quant à lui, prête sa voix inimitable, avec ses qualités et défauts, mais on est contents d’entendre un peu de variété, comme sur Doom Of All Fires. Comme évoqué précédemment, la vraie vedette de CC c’est en fait Marc Rizzo, dont le nom est maintenant porté assez haut au panthéon des guitaristes metal. Il en profite même pour montrer un peu de ses influences flamenco, sans son son signe distinctif principal. Excellent choix fait par Cavalera, même si son style clashe parfois avec la simplicité brutale des quatre cordes rythmiques de Max.

Inflikted est loin d’être mauvais (comme Soulfly III par exemple) mais ce n’est pas Roots non plus, il est généralement trop peu inspiré pour ça. Il ne fallait pas s’y attendre, et considérer l’album comme ce qu’il est, sans trop s’inquiéter de la longue histoire des musiciens qui sont derrière. On pourra d’autant plus (et mieux) apprécier ses bons moments.