Archives de catégorie : Chroniques

Eels – Meet The Eels: Essential Eels Vol. I 1996 – 2006

Meet_the_EelsMa première expérience avec Eels, comme pour beaucoup de monde, c’était le clip de Novocaine For The Soul, réalisé par Mark Romanek et qui passé en haute rotation sur MTV, back in the days. On découvrait en la personne de E (Mark Olvier Everett) un anti-héros indie à la Rivers Cuomo, qui écrit des chansons irrésistibles sur des sujets pas toujours très marrants : le second album d’Eels est entièrement basé une une série assez incroyable de décès dans la famille de E. Une douzaine d’années après, une retrospective en deux parties voit le jour : un best of classique ainsi qu’un double cd de raretés, à réserver aux collectionneurs, comme souvent. On va s’intéresser ici au best of, et comme à a chaque fois, la critique facile se présente, cinglante : qu’est-ce que c’est que ça pour une sélection douteuse?

Le deuxième album mentionné plus haut, Electro-Shock Blues, est peut-être le meilleur album du groupe, et deux morceaux en sont extraits. Etait-ce pour ne pas complètement déprimer l’auditeur? Possible, mais en tout cas très peu représentatif, même si Last Stop:This Town (bricolage de génie presque Beckien) et le très optimiste 3 Speed ("Why am I such a fucking mess", ou encore "I’m dead but the world keep spinning") ont largement leur place ici. Assez râlé, de toute façon, il y a suffisamment de perles ici, de morceaux écrits avec émotions et parfois enregistrés avec des bouts de ficelle ou un orchestre, selon les désirs de Mr E.

Eels change assez facilement de style, de la ballade morbide au full on rock, mais leur marque de fabrique reste un certain concept de l’indie song US, midtempo et mélancolique. Rien n’est vraiment à jeter ici, malgré les vingt-quatre morceaux, et une surreprésentation du dernier album, au demeurant très bon. On saluera d’ailleurs le souci d’exhaustivité, avec trois morceaux hors album (dont une bonne reprise du Get Yr Freak On de Missy Elliott).

Eels restera à jamais un groupe relativement mineur, mais qui vaut la peine : ce best of et Electro-Shock Blues feront très bien l’affaire comme porte d’entrée d’un monde complexe mais attachant.

3 Speed

Radiohead – In Rainbows CD2

On aurait tendance à s’y perdre, et ce serait dommage, remettons donc un peu les choses en place. In Rainbows est d’abord sorti en téléchargement à prix choisi par l’utilisateur, quelques semaines avant sa sortie physique, le 31 décembre dernier. On ne peut maintenant plus le télécharger de cette manière, il faut passer par des services payants de download, de type iTunes. Mais entre les deux modes de diffusion, Radiohead a proposé aux fans le discbox, édition luxueuse comprenant l’album en cd et double vinyl, de l’artwork tangible et virtuel, et aussi – surtout? – un second album avec huit morceaux inédits. Vu que le box est sold out, il n’y a plus de moyen légal de se procurer les morceaux (si ce n’est l’évident ebay), et c’est d’autant plus dommage qu’ils valent très largement le déplacement.

Il ne faut pas parler de second album, car il est court : 27 minutes, 8 pistes dont deux courts instrumentaux. Ce ne sont pas non plus des « faces B » dans les différents sens du terme, mais plutôt des morceaux aboutis, joués en concerts, qui ne collaient cependant pas avec le concept In Rainbows, ce qui se vérifie à l’écoute. MK1 ouvre le disque, une courte intro basée sur les notes de Videotape. D’ailleurs, si l’on écoute numériquement les deux disques l’un après l’autre, il n’y a pas de pause, comme si le deuxième disque était la suite de In Rainbows, ce qui est une théorie discutable, mais qui peut tenir la route.

Si c’est la suite, alors, c’est une suite nettement plus expérimentale. IR, on le sait, est un album relativement classique, et plutôt positif en terme d’ambiance. Down Is The New Up, premier vrai morceau ici, aurait pu s’y retrouver, mais son ambition (et son titre) aurait attiré trop d’attention. Carrément cinématographique, il prend toute son ampleur épique avec l’arrivée des cordes, avant que Thom Yorke se mette à chanter très haut. Certainement un des meilleurs morceaux sortis par Radiohead en 2007, mais qui aurait effectivement sonné bizarre sur l’album. Last Flowers aurait pu aussi y être, mais en concurrence probable avec l’immense Videotape. Oui, c’est encore une lamentation classique piano/guitare de Yorke, mais qui reste notable par sa simplicité et son absence totale de programmation. De l’autre côté du spectre, Bangers ‘n Mash est menaçant, et démontre les talents de batteur de Phil Selway ainsi que l’inventivité toujours incontournable de Jonny Greenwood. Et pour faire encore plus différent, Up On The Ladder, quant à lui, est totalement trippant, grâce (ou à cause?) d’un beat hypnotique et des claviers ensorcelants.

Le dernier morceau dénote aussi de l’ambiance d’In Rainbows : 4 Minute Warning dépeint les actions et pensées d’un être humain, quatre minutes avant une catastrophe de type nucléaire. Pas bien drôle, mais au moins, on retrouve autre chose que le Radiohead de All I Need. Pas qu’All I Need soit mauvais, bien sûr…

Le statut de ces morceaux reste donc étrange, et toujours en suspens en attendant une éventuelle sortie officielle. Reste que quiconque est un peu intéressé par Radiohead ou In Rainbows se doit de les dénicher, car passer à côté serait une erreur.

British Sea Power – Do You Like Rock Music?

Ce début d’année 2008 est assez calmes en sorties majeures, et même mineures d’ailleurs. Mais il n’aura fallu attendre que deux petites semaines avant qu’un des meilleurs disques de 2008 ne voie le jour, et ceci quelle que soit la qualité de la production de cette année. British Sea Power a toujours été considéré comme un secret bien gardé, un très bon groupe peut-être un peu trop enfermé sur lui-même. Do You Like Rock Music? ne va pas changer ce second point, mais son excellence pourrait leur valoir une plus grande reconnaissance.

Arcade Fire. Le groupe qui mouillait toutes les culottes des journalobloggers indie il y a deux-trois ans, vous voyez? En 2 minutes 11 secondes, l’intro de l’album fait plus que Neon Bible. Et ce n’est pas une critique facile d’Arcade Fire, qui reste un groupe tout à fait décent, mais ici, on est carrément dans une autre ligue. Les morceaux ne sont jamais évidents, car complexes et intelligents, mais ils restent toujours basés sur des mélodies pop parfois phénoménalement imparables.

Lights Out For Darker Skies est justement assez proche d’Arcade Fire, mais un Arcade Fire qui ne voudrait simplement que jouer dans la salle du coin, et pas au Madison Square Garden avec Bono et Springsteen. Le morceau est intense, et transporté par une guitare en crescendo démoniaque. 6 minutes 36, mais on ne s’ennuie pas une seule seconde. No Lucifer pourrait être carrément pop, mais dans un monde assez malsain, dangereux. BSP reste un groupe rock avant tout, et les instruments classiques dominent. La section rythmique est irréprochable, et on n’est pas surpris d’assister à quelques vrais explosions sonores, peut-être que la présence d’un Godspeed You! Black Emperor aux manettes en est une des causes.

Mais les comparaisons avec le groupe de Montréal s’arrêtent assez vite. Down On The Ground est plus direct, limite adorable, et The Great Skua est aussi prog que son nom indique. Mais un prog eminemment écoutable. Atom, premier extrait (via l’EP Krankenhaus) en est peut-être le morceau le plus immédiat, mais il reste complexe. La preuve qu’une grande chanson dépend souvent d’une grande mélodie. L’album se clôture comme il a débuté, ou plutôt avec la suite de All In It : We Close Our Eyes.

Ces deux signets englobent parfaitement une oeuvre complète, dense, intense mais immédiate, qui n’a certainement pas livré ses secrets. Dans onze mois, il ne faudra oublier janvier sous aucun prétexte, et 2008 va devoir faire fort, très fort.

Rolling Stones – Rolled Gold +

stonesRolled Gold + n’est pas une compile de Noël en plus. C’est LA compile. Originellement sorti en 75 mais jamais édité en cd, il se voit augmenté de 12 morceaux (d’où le +) pour voir sa durée dépasser les 150 minutes. Il fait suite au précédent best of du groupe, Forty Licks, mais est nettement supérieur à celui-ci, pour deux raisons majeures. D’abord, le son est plus authentique, au dessus de la bouillie de Forty Licks. Ensuite, et surtout, même si on ne parle que de dix ans de Stones, tout était dit. Alors que, pour Forty Licks, il fallait accomoder les différentes époques du groupe et même caser quatre inédits, ici on ne doit juste que reprendre les meilleurs morceaux datant de 63 à 72, soit, en fait, de leur carrière. Bon, on pourrait peut-être, en tirant la corde, regretter It’s Only Rock ‘n Roll ou Start Me Up, mais Jump Back (la compile qui reprend 71-93) suffit amplement. Et le moins on parle d’Angie, le mieux c’est.

Comme leurs illustres pairs de l’époque, les Stones ont débuté avec des reprises de standards rock ‘n roll : Chuck Berry, Buddy Holly, et même un original de Lennon/McCartney. Peu de temps après, le premier original signé Jagger/Richard (Keith n’avait pas encore ajouté le "s") voit le jour. C’est à partir de 64 que la grande majorité des morceaux des Stones seront originaux. Même si Jagger a bien appris ses leçon : le double sens de Little Red Rooster sera repris tout au long de sa carrière, jusqu’au récent A Bigger Bang.

Les choses sérieuses ne commencent qu’avec le dixième morceau, The Last Time. Puis, la déferlante de morceaux exceptionnels. (I Can’t Get No) Satisfaction, forcément, mais aussi Get Off Of My Cloud, Paint It Black (sérieusement une des meilleures chansons de tous les temps, rien à dire), Mother’s Little Helper et ses traits acide de critique sociale chère à Jagger. Under My Thumb, s’il fallait le prouver, montre les talents de Charlie Watts, batteur d’une grande finesse avant que l’excellent Have You Seen You Mother Baby, Standing In The Shadows clôture le premier disque. On l’a déjà dit, le riff de Satisfaction pourrait déplacer des montagnes, et les différentes significations du texte ne font que renforcer son status d’icône. Mais je le répète, Paint It Black est vraiment un morceau exceptionnel, la voix de Jagger est légendaire, menaçante, terrifiante. Le premier crash de batterie de Watts vaut bien tout le heavy metal du monde.

Pas grand chose à dire, évidemment. Des débuts hésitants et forcément peu originaux, mais le rock ‘n roll était si jeune. La paire d’auteurs/compositeurs Jagger/Richards ne fera que monter en puissance, ce que le second disque montre parfaitement. Ruby Tuesday, She’s A Rainbow, Jumpin’ Jack Flash, Sympathy For The Devil, et un final ébourriffant : Gimme Shelter, You Can’t Always Get What You Want, Brown Sugar, Honky Tonk Woman et Wild Horses. Les mots ne suffisent pas, il faut se taire et écouter. Mais Gimme Shelter… Difficile, après tout ça, ne ne pas considérer le Stones, ces Stones, comme le plus grand groupe de rock du monde. Ils l’étaient.

Alors, forcément, ça a méchamment dégénéré. La paire Jagger/Richards vire au pathétique, entre concerts privés pour détenteurs de carte de fidelité de supermarché suisse et chute de cocotier, en passant par des albums dont personne n’a quoi que ce soit à foutre. Les Beatles n’ont eu que dix ans de carrière, Nirvana huit, les Stones quarante-cinq, et ce n’est pas fini. Alors, forcément, on perd de sa puissance, de son intensité, de son utilité. Ils auraient définitivement du raccrocher il y a bien longtemps, mais ce n’est pas notre décision. Notre décision, c’est de se souvenir des Stones par, et pour, Rolled Gold, qui compile leurs plus grands moments. On pourra toujours s’attaquer aux albums après Pirates des Caraïbes.

 
 
Paint It Black

 
 
Gimme Shelter

Muse – Origin Of Symmetry (2001)

MuseoriginofsymemtryalbumcoverMuse, de manière assez surprenante, est devenu un groupe majeur en Europe, et a même réussi à s’exporter avec succès. Cela peut s’expliquer par le caractère assez… mou du dernier album, mais en 2001, ils ont sorti un très bon opus, un des meilleurs des années 00, du rock british, etc etc, le tout en sortant de l’ombre de Radiohead, dans lequel s’était enfermé le premier album, Showbiz.

Origin Of Symmetry ne fait pas de concessions, contrairement au Muse que l’on connaît actuellement (Starlight???). Deux des trois premiers morceaux durent plus de six minutes, et comprennent, dans le désordre, des voix élastiques, des claviers tordus, un jeu de guitare très intrigant ainsi qu’une section rythmique très puissante. New Born commence calmement, avec un piano, avant de littéralement exploser avec une guitare filtrée bruyantissime. La basse de Chris Wolstenholme, arme secrète de Muse, enfonce le clou très fort. Le morceau est complexe, mais moins que Space Dementia qui sonne exactement comme son titre le fait croire. Avec les effets spéciaux des vieilles séries de SF. Et, évidemment, un break de piano music-hall. Forcément…

La première moitié de l’album est une usine à hits (enfin, hits, dans un monde utopique). Hyper Music est porté par un riff machiavélique plus lourd que Sabbath, alors qu’on pardonnera facilement l’emprunt de la ligne de basse de Sexy Boy (Air) : Plug-In Baby est parfait, le riff vaut bien le top 10 des meilleures intros de tous les temps. En plus, même si le morceau parle d’une guitare, les Freudiens ont quelque chose à se mettre sous la dent. Citizen Erased? On recommence, riff de folie, ligne de basse qui tue, batterie puissante, et ce n’était que l’intro : quand le morceau démarre, la terre tremble. Mais comme ça dure 7 minutes 19, elle a le temps de se refaire une santé, avant de définitivement s’écrouler sur elle-même. Jouissif, et un des rares albums où les claviers sont supportables. Les voix aigües, c’est limite, mais bon, on passe. Quoique Micro Cuts, c’est un petit peu over the top quand même.

Il faut attendre le neuvième morceau pour avoir un peu de calme, avec le flamenquesque Screenager. Le bizarre continue, avec Darkshines qui pourrait sortir d’un western façon Robert Rodriguez, avant que l’inattendue reprise de Feeling Good, euh, surprenne. Megalomania finit l’album dans le calme, mais un calme menaçant.

Peu, très peu de déchets dans Origin Of Symmetry qui sera très certainement toujours la quintessence de Muse, tout en étant vraiment un très bon album. Alors, que Muse devienne n’importe quoi, fasse des shows à la U2 période Pop, cela n’a pas trop d’importance, quand on sait que quoi qu’il arrive, on aura toujours Origin Of Symmetry pour se souvenir. Leur BloodSugarSexMagik, en quelque sorte.
 

Plug-In Baby