Archives de catégorie : Chroniques

The Pyramids – The Pyramids

Parfois, on tombe sur des albums qui semblent venir de nulle part. The Pyramids, deux tiers de Archie Bronson Outfit, en ont fait un. Très bruyant, très sec et cru, The Pyramids est une bombe immédiate, qui allie l’urgence des éphémères Death From Above 1979 à la vitesse malsaine des Sonics, avec les accroches psycho-mélodiques de Clinic chantées par un Win Butler echappé de l’asile. En tout cas, c’est l’impression qu’on peut avoir au début de l’album, où chaque instrument semble venir d’un différent cercle de l’enfer. A White Disc Of Sun, même s’il traîne un peu en longueur, est emmené par un riff monolithique destructeur, et ça fait du bien où ça passe.

Hunch Your Body Love Somebody enfonce le clou, avec un rythme effrené, frénétique alors que Gala In The Harbour Of Your Heart réussit même à ajouter une mélodie. Ceci dit, l’album ne dure que 31 minutes, et réussit à compter un peu de déchet, comme Guitar Star, 3 minutes 30 assez inutiles, mais la densité est là, jusqu’au dernier morceau, Glue You, noyé dans un sublime feedback.

Court, imparfait, inégal, mais quel album.

Jeff Buckley – Grace (1994)

Jeff_Buckley_-_GraceLa carrière de Jeff Buckley fut courte. Un seul album, et une mort accidentelle (?) trois ans plus tard, alors qu’il venait juste d’atteindre la trentaine. On passera sur l’exploitation fort commerciale, pour être gentil, de sa discographie post-mortem (huit disques jusqu’ici) pour ne s’attarder que sur Grace, album important s’il en est, car il aura influencéé toute une série de chanteurs jusqu’à ce jour, le dernier en date étant le totalement toxique Mika.

Grace, qui est sorti en plein boom alternatif, montre un chanteur exceptionnel, de la trempe des plus grands. Capable de passer d’un murmure inaudible à des aigus Mercuriens, il habite littéralement chaque morceau, des originaux Grace et Last Goodbye aux reprises Lilac Wine et Corpus Christi Carol, hymne du quinzième siècle. Il aurait pu être un vocaliste rock extraordinaire, et c’est finalement le seul reproche qu’on peut faire à Grace. C’est un album AOR, adult-oriented rock, qui ne prend pas de risques, et qui sonne très classique. En somme, des bonnes chansons, effectivement élevées par une prestation vocale hors du commun, mais qui restent relativement apprivoisées, à l’exception peut-être du Led Zeppien Eternal Life.

Reste que pour ne pas être ému par sa version d’Hallelujah, il faut être mort.

Hallelujah

 

Thurston – Trees Outside The Academy

Sonic Youth, pour un groupe qui serait censé avoir rangé ses pédales depuis longtemps, est en forme majeure. Les derniers albums sont excellents, et montrent une sensibilité mélodique qui n’a pas été très souvent vue tout au long de leur carrière. Thurston Moore, guitariste et vocaliste du groupe, dort son second album solo, douze ans après le premier. Et comme on pouvait s’y attendre, il est différent de SY tout en étant très Thurston Moore, qui ne signe d’ailleurs que de son seul prénom.

Enregistré chez J Mascis, l’album ne comporte que peu de guitares bruyantes. En fait, le violon est l’instrument majeur sur quelques morceaux, joué avec une émotion palpable par Samara Lubelski. Moore ne fait parfois qu’accompagner avec sa guitare, toutefois toujours inimitable. Parfois, il pose sa voix, comme s’il venait se se souvenir vers la fin d’un morceau qu’il pouvait chanter aussi.

Honest James, duo avec Christina Carter (Charalambides) ne montre d’ailleurs ses voix qu’après quelques minutes, alors que le magistral morceau-titre, dédié à Ian Curtis, est lui carrément instrumental. Moore montre son talent, mais sans forcer du tout. L’album est personnel, mais accessible, beau et intense, complexe et simple. Mascis ne place qu’un seul solo, mais d’anthologie (The Shape Is In A Trance), car l’album n’est pas placé sous le signe de la virtuosité d’un musicien impressioniste mais pas professeur. D’autres guitaristes se voulant star devraient s’en inspirer.

Bon album discret avec un dernier morceau amusant, montrant l’intérêt précoce de Thurston Moore, 13 ans, pour le son en tant que tel. Il allait devenir un des musiciens les plus respectés du rock alternatif.

Green Day – Dookie (1994)

GreenDayDookieComme dirait l’autre, putain, treize ans… Dookie était le premier album de Green Day sur une major, après le succès de deux albums indépendants. Ils se sont vu taxer (évidemment) de sellouts, ont vendu des millions d’albums et ont même connu une transformation stupéfiante 10 ans après, avec le succès d’American Idiot. Reste que Dookie est toujours leur meilleure vente, et un des albums phares du punk US, version pop.

Treize ans après, tout cela a certes vieilli, mais se laisse gentiment réécouter. On sourit aux paroles, qui traitent, évidemment, des soucis adolescents du public cible, et en fait, de Green Day eux-même, encore bien loin des duos avec U2. On apprécie les riffs, simples et efficaces et on se rend compte que malgré son nom stupide, Tré Cool est un excellent batteur punk.

Basket Case (évidemment), Welcome To Paradise, She, Longview sont autant d’hymnes générationnels, un peu surévalués mais tellement sympatiques. On est clairement du côté radio-friendly du punk, mais FOD envoie bien la sauce quand il le faut. Ceci dit, même si Dookie reste une référence, les trois albums suivants révèleront un groupe meilleur, et un talent de compositeur certain pour Billie Joe Armstrong.

Tout en espérant que le nouvel album sera moins boursouflé qu’American Idiot, on réécoutera Dookie pendant de longues années encore. Ce qui ne sera pas vraiment le cas de Chocolate Starfish And The Hot-Dog Flavoured Water, si?

Welcome to Paradise

Guerilla Poubelle – Punk = Existentialisme

Le rock français a mauvaise réputation. Souvent enclin à mal imiter les courants commerciaux anglo-saxons, leurs représentants connus se couvrent de ridicule localement et n’arrive pas à passer les frontières. De plus, l’ombre immense de Noir Désir plane au-dessus de tout le monde, et s’émanciper ne doit pas être chose aisée.

Il n’empêche qu’il existe une scène underground très remuante, notamment une mouvance punk gravitant autour de Guerilla Asso et comprenant les fondateurs Guerilla Poubelle, ou encore Dolores Riposte ou Justin(e). GxP, pour faire court, vient carrément de sortir un des meilleurs albums punk de ces dernières années, un brûlot phénoménal alliant efficacité musicale et textes engagés.

Musicalement, cela reste basique, mais c’est forcément le concept, il n’empêche qu’on ressent jamais de déjà vu en écoutant l’album, porté par des riffs destructeurs et une section rythmique très solide. L’album débute par un manifeste, Punk Rock Is Not A Job (les textes sont tous en français), avant que des morceaux à caractère social ne suivent, comme Tapis roulant, ou les non équivoques Libéral et propre et Cogne sur un flic pas sur ta femme (« Tu parles à ta blonde comme à une merde / Tu parles à ton chien comme à un roi »). L’équipe Z s’attaque aux imbécillités d’appartenance à un groupe, soit-il sportif ou national, alors que Être une femme continue ce thème féministe étonnant mais franc et rafraîchissant.

Dans le genre, un album parfait.