Archives de catégorie : Chroniques

HORSE the band – A Natural Death

Nintendocore. La rencontre entre le hardcore et Nintendo, ou plus précisément l’utilisation de claviers émulant les sons des consoles de jeux 8-bit, dont la légendaire NES, qui règnait sur le monde des jeux vidéo quand Sony et Microsoft s’occupaient encore de leurs affaires. Le genre est évidemment assez restreint, avec deux représentants majeurs (enfin, tout est relatif) : Minibosses et HORSE the band.

Pour réussir avec ce genre de combination, il y a deux solutions. Minibosses a clairement choisi de rester fidèle aux sons d’origine, reprenant avec instruments rock classiques des thèmes de jeux vidéos. HORSE the band (oui, c’est emmerdant, la typo) choisit d’utiliser un clavier (un Korg MS-2000) comme un instrument parmi d’autres, qui n’est pas spécialement mis en avant par rapport aux autres. Reste qu’il apporte non seulement une grande dose d’originalité, mais qu’il apporte en plus de la nostalgie pour ceux (dont moi…) ont joué aux jeux en question, et ont les effets sonores des vies supplémentaires de Mario Bros gravés à jamais dans leur mémoire.

HORSE the band reste assez parodique, surtout quand on prend en compte les paroles surréalistes, mais à la base les morceaux sont solides, et tiennent la route sans le gimmick. Ils se permettent même quelques variations de goût douteux, comme le très honteusement new wave Kangarooster Meadows, et sa ligne de synthé à la Jump, ou le hit 25 ans en arrière Sex Raptor. Mais comme on l’entend dès le début, c’est solidement hardcore, avec quelques incursions dans le prog, en gardant cet humour particulier. L’album est un peu long, et parfois inégal, mais il apporte sa part d’originalité, soutenue par de très bons morceaux. Certains auditeurs avertis y pêcheront juste quelques références supplémentaires.

Elliott Smith – New Moon

Le commerce des morts est lucratif, on le sait depuis toujours, anniversaire de la mort d’Elvis le prouvant une fois de plus. New Moon est le second album sorti depuis la mort d’Elliott Smith en 2003, et fait suite à From A Basement To The Hill, qui était en chantier lors de son (apparent) suicide. New Moon est différent, car il s’agit d’une collection de raretés issues de sa période chez Kill Rock Stars Records entre 94 et 97, et on peut donc se poser la question de la légitimité de l’album, pour deux raisons. D’abord, parce qu’une majorité des raretés en questions étaient largement disponibles sur divers fansites, ensuite, parce que la longueur de ce double album peut poser la question de la qualité : quel artiste pourrait avoir assez de bons morceaux pour remplir quatre cd en quatre ans? Réponse : Elliott Smith.

La grande majorité des morceaux présent sur New Moon auraient largument pu se retrouver sur les albums concernés, tant le niveau est élevé ici. Le toute st souvent minimaliste, et très Elliott Smith, pas vraiment d’expérimentation ici. Simple guitare, la voix doublée d’Elliott, et parfois une batterie ou un clavier, rien de plus. Mais c’est de toute façon amplement suffisant, tant le talent ébouriffant de Smith n’a pas besoin d’autres moyens d’expression. On relèvera juste quelques morceaux plus rock, comme High Times, New Monkey ou Fear City, mais c’est souvent la simplicité qui prime.

Simplicité alliée aux thèmes récurrents chez Elliott Smith : le mal-être ou la solitude qui confèrent à New Moon une atmosphère typiquement sombre mais très personnelle et passionnante. Outre les deux défauts mineurs évoqués plus haut, il n’y a rien qui pourrait empêcher New Moon de rejoindre les autres albums d’Elliott Smith, tout en espérant que le mercantilisme postmortem ne se fera pas au détriment de la qualité : tant qu’il reste des morceaux comme ceux-ci, il faut qu’ils sortent, de toute façon. Elliott Smith n’aura pas pu sauver sa vie, mais il pourrait sauver la vôtre.

Therapy? – Music Through A Cheap Transistor : The BBC Sessions

Malgré onze albums, quelques tubes alternatifs et des années de tournées incessantes, Therapy? n’aura jamais réussi à obtenir le succès ou le repect qu’ils méritent. Ces dernières années, ils se sont fait jeter deux fois de leur maison de disques, et ont de plus en plus de mal à financer leurs tournées, heureusement toujours réussies. C’est donc assez logiquement qu’ils tentent de diminuer leurs frais : cette compilation de sessions radio est tout d’abord sortie via téléchargement internet en février, avant d’atterir maintenant en version physique. Qu’on pense ce qu’on veut du groupe et de ses récents albums, cette compilation est irréprochable. Enfin si : pour des raisons de droits et de conflits entre labels, elle ne couvre que la période 91-98, omettant donc les huit dernières années du groupe.

Comme le titre l’indique, elle reprend l’intégralité des sessions BBC, ce qui signifie donc son irréprochable et petite pensée pour John Peel, un des premiers à supporter le groupe, dès leurs débuts, en Irlande du Nord. Dès le début, on est soufflé par la puissance des premiers morceaux : ils étaient nettement plus trash à leurs débuts, comme le prouve une version énorme d’Innocent X et de Meat Abstract, reliés par un break de batterie époustouflant de Fyfe Ewing. L’année suivante, ils ajouteront à la violence pure de leurs morceaux une composante mélodique qui ne va que s’amplifier avec le temps : Teethgrinder le prouve, même s’il semble sortir tout droit d’un Kill Em All enregistré par des bons musiciens. Étrangement, le groupe aura joué assez peu de hits lors des sessions : pas de Stories, de Nowhere ou de Diane, mais des versions affolantes de Knives, Screamager, Church Of Noise ou Trigger Inside et son riff straight from hell. De plus, nombre de raretés voire d’inédits se retrouvent sur la compile, comme l’instrumental final et chaotique High Noon.

Fantastique témoignage d’un groupe trop souvent méconnu, cette compilation laisse espérer une suite, et surtout un successeur studio à One Cure Fits All. Entre temps, Therapy? reste d’une puissance monstrueuse sur scène, leur terrain de jeu, leur église.

Ash – Twilight Of The Innocents

C’est avec ce genre de groupe que je remarque que le temps passe… Le premier album et classique Britrock 1977 est sorti voici déjà onze ans. Album parfait de popsongs punkisantes, il laissait augurer un avenir radieux pour le trio d’Irlande du Nord, qui est peu après devenu un quatuor, suite à l’ajout de la guitariste Charlotte Hatherley. Hélas, toutes ces promesses n’ont jamais été réalisées, en grande partie à cause de l’incapacité du groupe de sortir un album qui tient la route d’un bout à l’autre, un opus qui pourrait les définir. Résultat, Ash sera éternellement connu comme single band, mais quels singles ce furent : outre les Kung Fu, Goldfinger, Oh Year et Girl From Mars du premier album, on peut ajouter, en vrac, A Life Less Ordinary, Petrol, Jack Names The Planets, Numbskull, Shining Light, Burn Baby Burn ou encore Clones et Orpheus.

Mais les albums n’ont jamais vraiment convaicu, les mélodies (surtout les ballades) se ressemblaient, le rock n’était pas assez rock et surtout, il faut le reconnaître, Tim Wheeler n’a jamais su chanter. Ceci dit, ils n’ont jamais été mauvais non plus, alternant entre le rock guimauve de Free All Angels, la pop métallique de Meltdown et maintenant, l’alternatif (dans les sens 90s du terme) Twilight Of The Innocents. Réduit à un trio après le départ d’Hatherley vers une carrière solo jusqu’ici peu convaincante, cette troisième version d’Ash laisse plus de place aux instruments, qui peuvent ainsi respirer et se déployer tranquillement : sans crier au génie, cela prouve qu’individuellement, les trois membres de sont pas des manches.

Typiquement, on trouve quelques singles imparables : I Started A Fire, You Can’t Have It All très Pixies et donc excellent, et End Of The World, ballade sirupeuse très Burt Bacharach. Pour le reste, on trouve du bon et du moyen, on est parfois un peu gêné des paroles mais on est parfois surpris par une relative complexité nouvelles, notamment dans le morceau titre qui conclut l’album, space rock à la Muse avec orchestre.

Rien de bien mauvais, mais on ne se souviendra que de quelques morceaux, comme d’habitude. C’est sans doute pour cela qu’Ash a récemment annoncé qu’ils ne sortiraient plus d’albums, mais uniquement des morceaux par-ci par-là via internet. On peut dire ce qu’on veut, mais au moins, ils sont parfaitement conscients de leurs possibilités, dommage qu’elles soient limitées.

Dizzee Rascal – Maths And English

Le gouffre dans lequel le hip-hop est tombé semble sans fond. Oh, les artistes ne manquent pas, mais il n’ont aucune manière de se faire entendre s’ils ne rentrent pas dans les canons du genre, définis par quelques personnalités parfois talentueuses (Pharrell, Timbaland, Jay-Z) mais qui ont nettement plus le sens des affaires que de l’art (Sean « P « Puff Daddy » Diddy » Combs, qui devrait passer sur la chaise electrique pour crime contre la musique). Quand Dizzee Rascal a débuté, on était, du moins ceux qui ont trouvé un moyen d’entendre Boy In Da Corner, littéralement sur le cul. Beats d’avant-garde, dépourvu de tout attentat nécrophile (pardon, « sample »), et flow d’une rapidité inégalée, à un tel point qu’on a rarement idée de ce qu’il raconte.

Maths And English, le troisième album du Londonien, n’arrive pas à ce niveau de génie, mais tente de s’y rapprocher. Malheureusement, à chaque pas fait dans cette direction, Dizzee en fait un autre vers la face douteuse du hip-hop, celle du bling, du fric et du néant total. Car maintenant, on comprend ce qu’il dit, et on le regrette assez vite. Quand il donne ses conseils aux jeunes qui veulent débuter (Hard Back), il ne parle quasi que de fric. Et dans le charmant Suck My Dick, il clame clairement être le meilleur, avec une verve lyrique époustouflante (« I don’t care cos I’m the shit you can all just suck my dick »). Décevant, parce qu’on le savait capable de tellement mieux.

Il n’y a pas que du mauvais sur l’album, au contraire. Le début est excellent, avec le très sombre (et assez Wu-Tang) World Outside, l’hymne rave Sirens, qui rappelle ses coups de génie I Luv U et Fix up Look Sharp ou le violent Pussy ‘Ole. Mais ensuite, ça devient très dispensable, jusqu’aux trois derniers morceaux. D’abord, sa version du Temptation Greets You Like A Naughty Friend d’Arctic Monkeys (ici plus sobrement nommé Temptation), ensuite, un duo sympa avec Lily Allen, qui nargue Dizzee sur ses atouts en plaqué or, et un dernier morceau du niveau des premiers.

On prend le début, la fin et on jette le reste. Dommage, mais il est à craindre que le Dizzee Rascal qu’on connaissait soit perdu pour la cause. Le fric a encore gagné.