Archives de catégorie : Chroniques

Smashing Pumpkins – Zeitgeist

Ce que Billy Corgan veut, Billy Corgan finit par l’obtenir. En 2005, pour promouvoir son très médiocre album solo, il publia une pleine page dans un quotidien US, appellant les Smashing Pumpkins à se reformer, car, disait-il, il voulait retrouver ses chansons, et son groupe. Mais en guise de groupe, Corgan a toujours presque tout fait seul, les deux premiers opus étaient d’ailleurs virtuellement des albums solo. Mais reformer le groupe avec seulement 50% des membres originaux, était-ce vraiment une bonne idée?

Ce n’est pas vraiment la question à se poser, tant l’importance de D’arcy Gretzky (et ensuite de Melissa Auf der Maur) et de James Iha dans la création artistique n’était limite qu’anecdotique : Corgan et le batteur Jimmy Chamberlin se suffisaient amplement. La vraie question est plutôt, après un dernier album officiel plus que moyen (MACHINA/The Machines Of God), un nouveau groupe foireux et foiré (Zwan) et le solo cité plus haut, pourquoi sortir un nouvel opus? Si ce n’est que pour l’argent, pourquoi ne pas suivre la voie Pixies, et juste jouer ce que les gens veulent? Au moins, on ne pourra pas reprocher à Corgan de se la jouer facile, si?

Eh bien si, finalement. Corgan s’est souvenu que le succès est arrivé dès qu’il a mis au point le son Pumpkins : des guitares saturées multi-trackées, une section rythmique assommante, une voix plaintive tantôt hurlante tantôt douce, et une tendance certaine à la prétention générale. C’est donc tout naturellement ce qu’il a voulu faire ici : la moitié de l’album est calquée sur la lourdeur (pas nécessairement un terme péjoratif) de Bullet With Butterfly Wings ou Zero, tandis que l’autre va plutôt voir du côté de Tonight Tonight et des ballades. Malheureusement, rien ici n’arrive à toucher, de près ou de loin, la grandeur passée.

Les morceaux heavy sont très, très heavy : de prime abord, on n’entend que la basse, puis les différentes couches de guitares, qui s’empilent les unes sur les autres, avant que la percussion de Chamberlin ne finisse de créer un terrible mur du son, plus entendu depuis… Siamese Dream, évidemment. Alors, même si on perd le caractère rassembleur de Today ou le riff monstrueux de Cherub Rock, on se laisse prendre au jeu : ce n’est pas si mal, même si les voix de Corgan semblent enregistrées depuis sa baignoire. Voix qui prennent souvent un caractère multiple, sans doute l’effet Roy Thomas Baker : co-producteur de l’album, son heure de gloire reste A Night At The Opera, de Queen. Efficace, certes, original (malgré tout, il n’y a que les Pumpkins pour faire cela), mais assez vite lassant. Surtout que les ballades sont assez mal fagotées, et pâtissent de paroles ridicules, d’effets sonores cheap et d’une prétention à toute épreuve. Le dernier morceau va même jusqu’à s’appeler, sans une once d’auto-parodie, Pomp and Circumstances, et sa guitare singe cette vieille branche cassée de Brian May.

Sortent du lot les morceaux hard, donc, Doomsday Clock, Seven Shades Of Black et le single parfait en soi Tarantula, mais aussi l’assez extraordinaire United States, neuf minutes dont sept inutiles, où Corgan et Chamberlin font du bruit accompagné de paroles inénarrables : « I wanna fight I wanna fight / Revoluuuuuuuuuuuution tonight / … Let me do something good ». On a une idée, là-dessus : stopper le solo de batterie. On laissera de côté le reste, sauf pour rire un peu, et se souvenir d’un temps plus clément.

Le comeback des Smashing Pumpkins sera sans doute réussi : après tout, l’album est sorti (allô, Axl?), et n’est pas foncièrement mauvais : juste dérivatif, au mieux, ou médiocre et peu inspiré, au pire. Il n’empêche qu’il ne sert à rien, que son titre est assez arnaque, que Corgan n’a absolument plus rien à dire et que Zeitgeist rejoint un catalogue qui commence à comprendre plus de moyen que de bon. Mais quand ils étaient bons, il étaient quand même vraiment excellents.

Velvet Revolver – Libertad


On en a déjà parlé maintes fois, les supergroupes, ça ne marche pas très souvent. On se souvient d’Audioslave, 3/4 Rage Against The Machine + Chris Cornell, et le retentissant échec qui en a découlé, ou le premier album de Velvet Revolver, trop mou dans l’ensemble. On est donc assez sceptique, surtout quand on sait que Libertad a été retardé maintes fois. Pour rappel, VR, c’est surtout trois ex-Guns ‘N Roses (ce qui fait de VR un groupe avec plus de membres de GNR que le GNR actuel) et Scott Weiland, imprévisible ex-frontman de Stone Temple Pilots. Pourtant, alors que j’étais prêt à consacrer autant de temps à cet album qu’au solo de Cornell (pas grand chose, donc), j’ai été vraiment plaisamment surpris, et ça n’arrive plus souvent.

Forcément, il ne faut pas s’attendre à un album qui va régler le réchauffement climatique, ce n’est pas le but. Mais Slash n’avait plus été aussi incisif dans ses riffs depuis longtemps, et Weiland, même si sa vie privée est toujours aussi chaotique (sans compter qu’il va finir par disparaïtre à force de maigrir) chante très juste, et semble nettement plus concentré que ces dernières années. Libertad semble le produit d’un vrai groupe, pas d’une somme d’individualités (ce qu’Audioslave n’a jamais été capable de faire), et un groupe qui joue avec plaisir donne du plaisir à ceux qui écoutent.

Les premiers morceaux de l’album sont simples, emmenés par un riff mémorable et sautillant, rien de novateur, mais on n’avait plus entendu ce genre de musique depuis longtemps, non plus : VR joue clairement la carte de la nostalgie. Et à quoi bon faire autre chose, autant faire ce qu’on fait bien, même si le tout semble ancré dans les années 90. Le gros défaut de Contraband était son trop plein de ballades, pas ici : non seulement, il y en a moins, mais en plus elles sont tout à fait acceptables, et pas mielleuses (j’ai le clip de November Rain dans la tête, là). Bon, la reprise d’ELO (Can’t Get It Out Of My Head) fait un peu limite, dans le genre musique de croisière, mais c’est vrai que ça colle bien dans le thème années 90.

La surprise agréable continue au fur et à mesure qu’on avance dans l’album, on était en droit de s’attendre à un milieu mou, mais même si American Man rappelle parfois cette vieille branche cassée de Lenny Kravitz, cela reste très bon, Mary Mary est automatiquement retenu par le subconscient, en grande partie grâce à Scott Weiland : c’est vraiment un plaisir de l’entendre de nouveau en forme. Les musiciens sont aussi très solides, et Slash n’exagère jamais au niveau solo, se mettant au service du groupe.

On parlera peut-être de Libertad comme le nouveau STP, et c’est vrai qu’il y a clairement des similitudes. Mais ce qui les plus impressionnant, c’est qu’il est un des meilleurs abums auxquels Slash et Scott Weiland ont participé. Et il y en a eu quelques uns. Enfin, tout album se terminant avec un morceau country caché mérite reconnaissance.

Pearl Jam Tour 07 : 1/4 London

Quelques jours après, voici donc ma review du concert de Pearl Jam à Londres, lundi 18.

Je suis arrivé à Londres lundi matin, et reparti mardi soir : tant qu’à faire, autant profiter le plus possible de l’endroit, qui est quand même ma ville préférée et un endroit que j’affectionne particulièrement.

J’ai commencé à faire la file environ 1h30 avant l’ouverture des portes, ce qui était nécessaire pour obtenir une bonne place. La fosse était d’ailleurs entièrement réservée aux membres du fan club de PJ, le Ten Club.

Il était donc probable que le show allait réserver quelques surprises, et effectivement, ce fut le cas, on y reviendra.

En première partie, on retrouvait Idlewild, qui, comme bien souvent dans ce genre de situation, a du composer avec un son pourri. Mais ce ne fut pas la seule raison de leur set assez médiocre : le setlist était assez peu inspiré, trop d’extraits du dernier album et pas assez de morceaux qui auraient pu/du mettre le feu à la salle. Et le chanteur Roddy Woomble, sorte de David Beckham anorexique errant comme Morrissey ne semblait pas concerné par ce qu’il foutait là, et c’est vraiment dommage.

Pearl Jam débuta leur set une bonne demi-heure après, et dès le début, avec la rareté Long Road, on savait qu’on allait assister à quelque chose de spécial, et ce fut un concert pour fans, avec peu de hits. Pas d’Even Flow, de Corduroy, de Jeremy, de Black, mais Indifference, Down, Green Disease, Faithful, Present Tense et surtout une version stellaire d’Immortality. Le second rappel aura été l’occasion, pour Ed Vedder, de rappeler ses sensibilités politiques, avec un enchaînement de quatre protest songs, dont la toute nouvelle No More.

7

Près de 2h30 d’un concert éreintant, montrant un groupe au sommet de sa forme, avec une énergie inouïe et une envie de jouer que très peu de groupes majeurs possèdent. Voire carrément aucun.

Evidemment, le spectateur neutre pourrait regretter l’absence de morceaux connus, ou l’emphase faite sur la seconde moitié de la carrière du groupe. Mais les morceaux sont joués sont nullement inférieurs aux anciens, et de toute façon, il valait mieux ça qu’un soi disant grand groupe qui joue deux fois Vertigo, non?

Le pire, c’est qu’à ce moment-là, personne, ou presque, n’osait imaginer que trois jours après, le groupe allait surpasser ce moment de gloire, mais ce sera pour un peu plus tard…

Queens Of The Stone Age – Era Vulgaris

Rien ne ressemble moins à un album de Queens Of The Stone Age que leur album suivant, et Era Vulgaris ne dément pas la tendance. Alors que le lineup continue à changer – Josh Homme est le seul présent depuis le début – la musique évolue, prend des tours étonnants, et parfois, rappelle même le groupe précédent de Homme, Kyuss. C’est clairement leur album le plus varié, et leur moins « rock » (si rock = guitares qui font du bruit).

On le remarque dès le début, avec le psycho-bizarre Turning On The Screw, qui voit Josh varier sa façon de chanter, est-ce que Mark Lanegan lui a donné quelques cours? Sick Sick Sick reprend les choses en main, avec un riff définitivement stoner et destructeur, mais toujours un certain sentiment de nouveauté : Julian Casablancas, des Strokes, vient prêter sa voix (et son Casio) à un excellent morceau, comme le groupe égrène à longueur d’années. Les deux morceaux suivants complètent la première impression, le groupe est partout, dans tous les genres ou styles.

À chaque fois que le groupe surprend, il revient en territoire plus familier, avec ce Misfit Love graisseux, où Josh décide de chanter « comme d’habitude », si on veut. Mais le tout semble toujours assez léger, finalement plus proche d’Eagles Of Death Metal que de Songs For The Deaf, comme le confirme Make It With Chu, ressorti des Desert Sessions mais malheureusement réenregistré sans PJ Harvey.

Puis, bam, 3s and 7s arrive, et une intro pompée avec classe sur Smells Like Teen Spirit alors que Suture Up Your Future confirme le caractère prog de l’album, oui, prog. M’en vais réecouter Kyuss, moi… L’album se clôture sur l’assez cinglé Run Pig Run, alors que la plus gros défaut de l’album ne se fera connaître qu’après. En effet, selon les régions, l’album comprend différentes bonus tracks, dont deux auraient largement trouvé leur place sur l’album : The Fun Machine Took A Shit And Died, qui aurait pu carrément être le meilleur ici, et Era Vulgaris, collaboration excellente avec… Trent Reznor. Qui a eu l’idée de virer les morceaux de l’album, aucune idée.

Plus varié, moins rentre-dedans, voire carrément étrange, Era Vulgaris est un nouvel excellent album d’un excellent groupe, qui continue à défier et rédéfinir les limites du rock, et avec un brio rarement égalé. Malheureusement, on comparera toujours les albums à Songs For The Deaf, ce qui sera sans doute toujours ingrat et injuste.

Gallows – Orchestra Of Wolves

À une époque où les groupes débutants ont de plus en plus de mal à obtenir un contrat, que penser du fait qu’un groupe hardcore sans concession, comme les Anglais de Gallows se fassent signer sur une major? Sell out, ou survie? On penchera pour la seconde solution, faut quand même bien manger. Surtout que Orchestra of Wolves, sorti l’an passé et maintenant ressorti, n’a pas été modifié : la violence discordante est toujours là, tout comme les hurlements et éructations vocales. On notera juste deux inédits, et une reprise de Black Flag, comme bonus tracks.

L’album n’avait pas besoin d’embellissements, ceci dit, sa puissance intrinsèque suffit amplement, une sorte de Bronx plus chargé emotionnellement (je n’ai pas dit dit emo, attention), maus tout aussi rapide et dévastateur. Gallows, c’est du hardcore pur, pas foncièrement meilleur que d’autres groupes, mais qui se classe dans un des rares genres musicaux qui n’a pas encore été trop corrompu par les affres du marketing. Pas facile à écouter, loin de là, à tendance répétitive mais c’est comme ça, et pas autrement. Les punks de 77 auraient probablement aimé sonner comme ça trente ans après.