Archives de catégorie : Ressorties et Compilations

At The Drive-In – This Station Is Non-Operational

At The Drive-In avait rassemblé un groupe de fans assez assidus, tout au long de leur courte carrière (trois albums, dont le dernier, Relationship of Command, avait particulièrement attiré l’attention). Ces mêmes fans se sont retrouvés assez perplexes, lorsque le groupe a annoncé un hiatus, suivi d’une séparation pure et simple : deux membres partirent former le groupe post-punk Sparta, deux autres l’inclassable Mars Volta. This Station Is Non-Operational, annoncé comme anthologie, reprend une sélection des albums, des faces B, sessions live et reprises.

L’intérêt de cette compilation est de l’écouter maintenant, après deux albums des deux groupes, et surtout le statut actuel de Mars Volta, adulé par les uns et ridiculisés par d’autres (il suffit de voir les mails d’insultes reçues quand j’ai eu le malheur de ne pas aimer Frances The Mute) : finalement, on mixe les aspects punk de Sparta aux expériences post-everything de Mars Volta, et on retrouve ATD-I, plus proche de Fugazi mais reprenant Pink Floyd (Take Up Thy Stethoscope And Walk). Les morceaux durent généralement moins de trois heures, ne sont pas en latin et les paroles sont même parfois compréhensibles, même si l’opacité des thèmes était déjà de rigueur. On comprend assez vite les dissentions internes, ATD-I sonne parfois comme un monstre à deux têtes, un groupe schizo qui ne savait pas trop où aller, entre straight-on hardcore de One-Armed Scissor et le très dérangé Napoleon Solo, entre une reprise des Smiths (assez décevante) et Metronome Arthritis.

At The Drive-In était un groupe important, et qui a eu le bon goût d’imploser en pleine force créative. Je trouve quand même que les deux groupes issus du split n’arrivent pas à atteindre le niveau de leur ancien groupe, mais c’est juste mon opinion, donc ne m’insultez pas trop, merci.

Manic Street Preachers – The Holy Bible (10th Anniversary Edition)

Dernier article de cette année, mais non des moindres : The Holy Bible, des Manic Street Preachers est unanimement reconnu comme un des meilleurs album de la décénnie, et un des plus, disons, spéciaux . L’album ressort, dix ans après, en édition spéciale : deux CD et un DVD.

Tout d’abord, l’album en lui-même. On connaît le background particulier : c’est en effet leur dernier album avant que le second guitariste et parolier, Richey Edwards, disparaisse (on est toujours sans nouvelle de lui à ce jour, ce qui laisse évidemment présager le pire). Richey marque fortement THB de son empreinte. Les morceaux viennent tous de ses textes, auxquels se gravent ensuite la musique, arrangée et trafiquée pour qu’elle s’adapte au mètre particulier de Richey, ainsi qu’à ses thèmes très personnels (prostitution, holocauste, anorexie, suicide, littérature, politique, …). Ce qui a produit des chansons très particulières, difficilement comparables à ce qui a déjà été fait, que ce ne soit qu’au niveau des titres (Of Walking Abortion, Archives of Pain, Ifwhiteamericatoldthetruthforonedayit’sworldwouldfallapart, 4st. 7lb.). Que les Manics aient continué leur carrière à trois dans le stadium rock (Everything Must Go), le n’importe quoi puéril (Know Your Enemy) et, cette année, la « pop élégiaque »- lisez ennuyeuse – avec Lifeblood, rend cet album encore plus incontournable, sans compter que dix ans après, il n’a pas pris une ride, bien au contraire.

Outre la version remasterisée, le coffret comprend aussi le mix américain (de Tom Lord-Alge), qui met plus en avant les instruments, gommant un peu l’aspect lo-fi de l’original. Même si ce n’est en aucun cas une trahison, cette version est assez anecdotique. Il est intéressant de dire que l’album n’est jamais sorti aux USA à ce jour, ce mix n’a donc jamais servi en dix ans, jusque maintenant. Les deux disques se terminent par des démos et morceaux live, de bonne qualité mais un peu répétitifs (parfois deux versions des mêmes morceaux). Enfin, le DVD comprend des prestations live TV et concert, avec ce même sentiment de répétition. On retrouve enfin des petits films et une interview rétrospective. Tout ça est très bien, mais on ne trouve rien de nouveau. Il est difficile à croire qu’il n’y aie pas quelques inédits à se mettre sous la dent, plutôt de des versions live, très bonnes, mais répétitives. Le seul morceau rare est Judge Yr’self (sur le DVD) mais il se trouvait déjà sur la compilation de faces B Lipstick Traces.

Ceci dit, la version remasterisée vaut le coup, et The Holy Bible reste un des albums percutants et incontournables des 90s.

Nirvana – With the Lights Out

Tout au long d’une courte carrière, Nirvana a accumulé les performances radio obscures, les inédits divers et variés, jamais sortis officiellement. Des firmes de CD douteuses, puis plus démocratiquement Internet ont permis de publier ces raretés (grâce au coffret Outcesticide, huit albums de raretés, mais jamais sorti officiellement et pâtissant d’une qualité sonore très moyenne), mais la sortie officielle d’un coffret était prévu depuis longtemps (décembre 2001). Des démêlés juridiques opposant les membres survivants (Dave Grohl et Krist Novoselic) à Courtney Love ont repoussé la sortie du coffret, jusqu’à ce lundi.

Trois albums et un DVD le composent, c’est forcément moins qu’Outcesticide, mais on profite d’une qualité de mastering professionnelle et d’une sélection plus qualitative que quantitative. With The Lights Out est arrangé de manière chronologique, commençant par un morceau d’histoire : une reprise (très brouillonne) de Heartbreaker (Led Zeppelin) capté lors de leur tout premier concert, en 1987. Le reste du coffret oscille entre prestations radio d’originaux souvent inédits et de reprises (quatre reprises de Leadbelly, une du Velvet, et quelques autres) à la qualité sonore fort variable, démos, faces B et autres raretés. Le tout est plus que satisfaisant, car on y trouve pas mal de perles, dont l’excellent Sappy/Verse Chorus Verse et le légendaire I Hate Myself And I Wanna Die, où la prose ironique de Cobain atteint son paroxysme. Certains morceaux sont par ailleurs totalement inédits, et même si parfois, on ne dépasse pas le stade de l’anecdote voire du limite écoutable (le coffret fait de temps en temps penser aux Anthologies des Beatles), la qualité est souvent présente. De même, les morceaux solos acoustiques de Cobain (certains enregistrés très sommairement dans sa chambre) sont souvent très chargés émotionnellement, et l’auditeur s’en trouve parfois limite gêné par tant d’intimité.

On assiste aussi à la naissance de certains morceaux connus : les démos de Drain You, Aneurysm, Heart-Shaped Box entre autres, et surtout celle Smells Like Teen Spirit, comparée plus loin avec le mix de Butch Vig ; et le coffret se termine sur la dernière session d’enregistrement du groupe, à Rio (en découlera le « nouveau » morceau You Know You’re Right, présent sur leur best of et ici en version acoustique), quelques mois avant le suicide de Kurt Cobain, icône d’une génération, songwriter extraordinaire, personnalité irremplacable et irremplacée du monde artistique contemporain. Á conseiller à tous les amateurs, mais pour les autres, ça reste tout de même dans le domaine de la curiosité.

Neil Young – Greatest Hits

Neil Young a une énorme carrière derrière lui. Compiler un best of, qui plus est en un seul disque, s’apparente à une mission si pas impossible, au moins très difficile. De plus, contrairement au précédent Greatest Hits Decade (double CD sorti en 1977 qui s’attardait sur 10 ans de carrière de l’artiste canadien), celui-ci récapitule toute sa carrière. Ceci dit, la sélection est très bonne, et on a une bonne idée de ce que Neil Young représente, même si c’est en accéléré. Même si Young est passé de mode, et a récemment viré dans le très chiant (le dernier album, Greendale), il reste un pion majeur de l’histoire du rock, et est pour toujours établi comme un des pères fondateurs du grunge (Pearl Jam a collaboré avec lui à maintes reprises, et la note de suicide de Kurt Cobain comprend la ligne célèbre, « It’s better to burn out than fade away », extrait de Hey Hey My My).

On préférera néanmoins Decade, plus long, plus complet (même si quatre morceaux de GH ne s’y trouvent pas, dont les classiques Rockin’ In A Free World et Harvest Moon) et surtout comprenant le fantastique Cortez the Killer. Et on se demandera toujours pourquoi ne pas avoir sorti (au moins) un double album : si dix ans de carrière méritaient un double, que dire d’une quarantaine?

Pearl Jam – Rearviewmirror (Greatest Hits 1991-2003)

Ca n’aura pas tardé. Quelques mois après que Pearl Jam ait annoncé son intention de ne pas prolonger le contrat avec Sony Music, ces derniers sortent le premier best of du groupe. Sans vraiment s’insurger contre cette sortie, le groupe n’a quand même fait aucune promotion, interview, ou concert pour la sortie de ce double album, ce qui est quand même significatif.

Compiler un best of de Pearl Jam est doublement difficile. Premièrement, le groupe a sorti un grand nombre de morceaux de qualités, sur albums, singles, BO ou compilations diverses ; ensuite, le groupe n’a sorti, en 14 ans de carrière, qu’une dizaine de singles et quatre clips (dont un seul entre 1992 et maintenant). Néanmoins, il faut dire que Sony a fait un bon boulot dans la sélection des morceaux, assez représentative. On pourrait juste reprocher un déséquilibre entre les différentes époques (plus de morceaux de leur début de carrière) et quelques oublis, mais Rearviewmirror est une bonne rampe de lancement pour découvrir le groupe, même si l’écoute de tous les albums et des quelques lives se révèle indispensable. Cet album-ci se divise en deux disques, le premier comprenant les morceaux plus rock (Alive à Save You), et le second les plus calmes (de Black à Man of The Hour, extrait de la BO de Big Fish, sorti l’an dernier). Enfin, on soulignera aussi l’absence d’inédits inutiles, quelques morceaux se trouvent néanmoins dans une version différente des albums (Alive, Black, Even Flow, State Of Love And Trust). Maintenant, est-ce qu’il faut acheter cet album ou pas et faire profiter une major des ventes de l’album pour un groupe qu’ils ont aimé sacrifier commercialement, je ne juge pas, mais si vous pouvez lire ces lignes, vous pouvez sans doute aussi trouver cet album quelque part…