Dans le petit monde du hip-hop, OutKast a toujours fait figure, justement, d’intrus, en tant qu’un des rares groupes à tenter d’évoluer et d’innover. Leur big break d’il y a trois ans (Ms Jackson) était d’autant plus justifié qu’ils existaient déjà depuis une dizaine d’années. L’an dernier sortait une compile, et cette année le très ambitieux nouveau matériel.
L’album est divisé en deux parties, chaque cd appartenant à un des deux membres du groupe. Il n’en a pas fallu plus pour répandre des rumeurs de séparation. En tout cas, il faut traiter cet album en deux parties, assez diverses l’une de l’autre, même si la démarche est similaire.
Le premier cd, Speakerboxxx, est celui de Big Boi. Il se caractérise par une atmosphère assez variée, mais relativement peu hip-hop contemporain, même si Outkast s’est toujours caractérisé par un refus du Bitch, Cars, Drugs n’ Guns du rap commercial actuel. Une part cuivres rhythm’n’blues et atmosphères Motown, une part rap détendu et non-violent et une part électro, le tout joué (tout comme l’autre cd) par des vrais musiciens. Le cd est assez intéressant, mais peut-être trop expérimental. Il est assez difficile de trouver des morceaux qui se détachent vraiment dans ce collage très varié. Ceci dit, des pistes comme The Way You Move, très groove, Bust et ses guitares Cypress Hilliennes trouveront leur place chez les amateurs de bon hip-hop.
Mais que dire alors du premier single, Ghetto Musick ? C’est peut-être le single de l’année, commençant comme un Prodigy début de carrière et se poursuivant comme un Barry White sur un sample de Patti LaBelle. C’est un morceau incroyable, et le reste de l’album, forcément, a du mal à suivre.
La deuxième partie (The Love Below) est encore plus dingue que la première, un voyage dans l’univers onirique surréaliste d’Andre 3000, fusion rhythm’n’blues (et non RnB), rock, pop, soul avec un petit peu de rap. Moins de collaborations que chez Boi, mais plus de qualité : Norah Jones et Kelis (pour un fantastiquement barje Dracula’s Wedding). Pas mal de guitares aussi, et surtout un univers très particulier, où Prince est le roi et Dieu une femme (cf God). Á retenir le super single Hey Ya ! (« Shake it like a Polaroid picture ») ou encore Happy Valentine’s Day, même si tout l’album est bourré de trouvailles géniales.
Ce double album est dur à digérer, 140 minutes quand même, et est forcément inégal, comme tous les doubles (The Beatles,Mellon Collie and the Infinite Sadness, Sandinista !). Ceci dit, dans un genre musical (le hip-hop) très conservateur, il est bon de constater que des génies comme Pharrell, et surtout OutKast tentent d’apporter quelque chose de nouveau.