Sonic Youth – The Eternal

Que peut-on encore prouver quand on est un groupe légendaire, qui a influencé des générations d’indierockers (ils sont d’ailleurs maintenant chez Matador), et qu’on sort son seizième album (sans compter les EP et albums expérimentaux)? Rien, si ce n’est démontrer qu’on a raison de continuer, et qu’on ne fait pas partie de ces groupes qui auraient du se séparer depuis des années. Sonic Youth n’en fait pas partie, et une fois de plus, The Eternal est un album de grande qualité, avec tous les éléments habituels des derniers SY : accessibles, pas trop expérimentaux mais toujours inimitables. The Eternal suit donc les pas de Sonic Nurse et Rather Ripped, en mixant passages mélodiques avec instrumentation spatiale, chant de Kim Gordon avec celui de Thurston Moore (avec un peu de Lee Ranaldo). En fait, c’est peut-être leur album le plus accessible : Sacred Trickster dure moins de trois minutes, pendant lesquelles tout est dit. Antenna est très joli, Calming The Snake un peu plus punk en attitude alors que Thunderclap For Bobby Pyn est presque pop. C’est alors qu’on pense à Be Your Own Pet, déjà regretté groupe de Nashville emmené par une chanteuse blonde un peu cinglée et au penchant pour le bruit peu consensuel. BYOP, qui était signé sur Ecstatic Peace, le label de Thurston Moore. BYOP, qui est maintenant définitivement un grand groupe, parce que être comparé à Sonic Youth, c’est une chose, mais le contraire est déjà nettement plus surprenant. C’est pourtant à eux qu’on pense partiellement en entendant Sacred Trickster, Thunderclap ou No Way. Mais évidemment, Ranaldo et Moore sont des dieux vivants de la guitare, et leur jeu stupéfiant dégouline de chaque morceau. Comme chaque album du Youth (ou de Dinosaur Jr, par exemple), The Eternal est un long orgasme pour quiconque apprécie les sons de la guitare électrique, et qui se saigneraient les veines pour s’offrir les toutes nouvelles Fender Jazzmaster Signature Series de Moore et Ranaldo. Alors, c’est vrai, après seize albums, Sonic Youth ne se réinvente pas, et ne semble toujours pas vouloir (être capable de?) écrire une vraie chanson. Ils ne sont plus vraiment nécessaire dans le paysage contemporain, mais ils ont la grande décence de refuser d’être mauvais. Ce qui est important à souligner.

Faith No More – The Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection

Cette année, nouveauté : en plus des traditionnelles compiles de Noël, on doit aussi se taper celles des groupes récemment reformés qui tournent cet été. Les deux gros noms sont Blur, avec le double Midlife, qui sort la semaine prochaine et qui est nettement, nettement supérieur au Best Of et Faith No More, qui nous sort ici une sixième compile en 10 ans, d’où le titre auto-ironique.

Même si Blur (on reviendra sur la compile, bien sûr) a souvent été considéré comme un groupe de singles, nombre de leurs meilleurs morceaux se trouvaient cachés entre deux hits. Faith No More n’a pas vraiment eu de hits majeurs, de plus, leurs albums étant généralement tellement éclatés et carrément bizarres que sortir des extraits d’un tout semble incongru. C’est sans doute pour cela que malgré les efforts (six compiles, donc), aucune n’est vraiment satisfaisante.

Celle-ci n’est pas la pire, comprenant dix-huit (excellents, évidemment) morceaux dans un ordre vaguement chronologique. On se demande bien où se trouve The Gentle Art of Making Enemies, mais bizarrement, il manquait déjà à l’appel de la triple anthologie The Works. On conseillera donc au néophyte d’essayer cette compile ou les deux autres décentes (Who Cares A Lot? ou This Is It, les deux restantes étant absolument à éviter), et ensuite d’aller vers les albums studio, seuls témoins valables du caractère exceptionnel de Faith No More.

Petite déception, par contre, pour le second cd, de « raretés ». En effet, la majeure partie de celui-ci est constitué de faces B et morceau live qui se trouvaient déjà sur le second cd de Who Cares a Lot. Les deux seules nouveautés sont Sweet Emotion et New Improved Song, jusqu’ici inédite sur sortie commerciale. Il n’empêche, ces morceaux restent tous excellents (mention spéciale à Absolute Zero) et Das Schutzenfest est toujours aussi fantastiquement ridicule.

Une compilation obligatoire, vu le retour du groupe, mais si elle peut servir à aiguiller le plus de monde possible vers les albums, alors, tant mieux : Faith No More le mérite amplement.

Placebo – Battle For The Sun

C’est qu’il s’accroche,le ptit Brian. Après trois albums en demi-teinte (pour être gentil), il n’a toujours pas décidé de raccrocher. Mieux (?), il a viré le batteur pour prendre une sorte de Travis Barker blond, et s’est apparemment payé quelques implants capillaires. Et il est heureux, Brian. Battle for the Sun est leur album « heureux », c’est en tout cas ce qu’il raconte dans chaque interview. Cela semble terriblement stéréotypé, mais voilà encore quelqu’un qui était nettement meilleur quand il ne l’était pas, heureux. Battle for the Sun continue la lente pente descendante commencée avec Black Market Music sans être spécialement pire que les deux précédents (ou peut-être bien que si, je ne m’en souviens plus).

Quoi de nouveau? Moins de guitares acérées, plus de synthés qui sonnent parfois sympathiquement comme une vieille Nintendo. Des refrains « infectieux » (ce qui est censé être bien, mais personne n’a envie de se choper la grippe molkienne), comme celui, en espagnol, d’Ashtray Heart et parfois un peu d’originalité, comme le sombre rythme de Battle for the Sun, qui fait penser (un tout petit peu, au début) à Pure Morning. A part ça, tout est oublié après une écoute, et c’est bien dommage. Mais qui a encore envie d’entendre Molko ruminer dans son nez des mauvaises rimes à la killer/lover/brother?

On sauvera peut-être du lot le single For What It’s Worth, single assez décent et le dancepunk 2002 Breath Underwater. Mais sinon, le groupe est bien loin de celui qui a produit Without You I’m Nothing, où la voix, déjà énervante, de Molko était sauvée par des compos excellentes et une énergie stupéfiante. Maintenant, c’est juste un vieux groupe de cons ramollis.

This is my music box, this is my home. Since 2003.