Ghinzu – Mirror Mirror

Commençons par un coming-out (que je n’ai jamais caché) : je suis belge. Et donc, je suis légalement obligé d’adorer Ghinzu. Pas possible autrement : chaque magazine, chaque journal parle d’eux comme « le plus grand groupe de l’histoire du rock Belge » (authentique, une fois). Donc, avoir le malheur de les critiquer, c’est un peu comme être américain et ne pas trop être fan des guerres pétrolières. Ben moi, figurez-vous, Ghinzu m’emmerde.

Ce n’est même pas spécialement leur background bourgeois (j’aime bien les Strokes) ni la tête à claque du chanteur (même remarque) ni même son pseudo imbécile (« John Stargasm », déjà plus vendeur que David Israël, non?). Ce n’est pas non plus le fait que leur service presse est excellent, écrivant à l’avance les articles publiés par les grands quotidiens belges (l’article dans Le Soir était ridicule). Ce n’est même pas non plus leur accent anglais naze (Girls In Hawaii, heureusement, fera toujours pire) ou leurs paroles qui feraient se tordre de rire un scénariste de porno (« Let me in, let me out / Swallow me slowly / I’m down in your throat / I can hear singing / I can hear you screaming your joy? PLEASE, je m’en vais écouter Be Aggressive de Faith No More). Est-ce peut-être le fait que chaque morceau de l’album est aussi sous influence que le gosse caché de Pete Doherty et Amy Winehouse? Qu’ils ont tellement écouté Soulwax qu’ils ont oublié que Soulwax a été un chouette groupe rock? Que malgré tous les efforts fournis, Stargasm n’est pas Casablancas (Take It Easy, même les titre est plus Strokes que les Strokes). Que la pochette est assez honteusement pompée sur Battles?

Non, même pas, rien de tout ça. C’est juste que Mirror Mirror ne me fait rien. Ce n’est pas désagréable, correctement joué (même si on fait de ces miracles, à notre époque…), évidemment très pute, mais c’est leur marque de fabrique, aussi. C’est un disque merveilleusement calculé, parfaitement formaté pour chaque occasion. DJ set dans une soirée chic, festivals bourrins en Flandre et ailleurs, nos fantastiques radios belges, le vieux con qui croit qu’il connaît un truc hype, l’enchaîneur de disques à un mariage, ça marche à chaque fois, taux de pénétration (faut se mettre au niveau) proche des 100%.

Mais la vie est trop courte, et 2009 fort riche en sorties nettement plus intéressantes pour perdre son temps avec cet album. Même si le trip Dalida est marrant.

Dananananaykroyd – Hey Everyone!

À intervalles réguliers, arrive un groupe qui nous fait replonger 5/15/30 ans en arrière (biffez la mention inutile suivant votre age). Pas spécialement en relation avec le genre de musique de l’époque, mais juste parce que le groupe est fun. Ca ne dure généralement pas longtemps : le groupe fun devient très vite trop sérieux (Idlewild) ou implose (Be Your Own Pet). Donc, profitons ici et maintenant de ce concentré d’énergie aussi futile qu’orgasmique : Danananaykroyd.

Douze morceaux, 45 minutes, un bordel total et généralisé, des morceaux qui partent dans tout les sens, et apparemment un live show à la hauteur, Dana (plus simple) est une fameuse curiosité. Ils ne se refusent rien, quand ils poussent la disto à fond, c’est vraiment à fond, genre Sonic Youth/Dinosaur Jr. À FOND. L’album ne comprend pas vraiment de temps mort, mais le début est terriblement impressionnant, l’intro instrumentale titre, suivie de Watch This (comment caser deux chanteurs atteints de logorrhée aigüe) et du morceau qui les ai fait connaître, The Greater Than Symbol And The Hash (>#, donc).

Ce morceau explique bien ce que Dana représente : une certaine mélodie, des paroles over-the-top, une instrumentation assez, disons, improvisée avant, après 1″20, de partir dans UN PUTAIN DU MUR DU SON DE MALADE. Ces gens sont dingues. Ca joue fort, ça joue vite, et c’est très très bon. Puis, forcément, ça ralentit, et ça devient carrément doom, une basse profonde, un feedback assourdissant et un type qui hurle on ne sait pas quoi. Il faut aimer le désordre et les mannes d’influences disparates, mais si c’est le cas, alors…

Black Wax, c’est un peu leur côté pop. Problème : personne ne sait vraiment chanter, et comme l’instrumentation chaotique laisse ici la place à une structure classique, c’est déjà moins réussi. On imagine qu’ils voulaient un morceau accessible, et le voilà. Maintenant, chassez le naturel, etc etc, après 2″30 ça castagne sérieux, mais ça reste trop contenu par rapport au reste. Le calme relatif n’est forcément là que pour préparer le maelstrom cinglé qu’est Totally Bone, dont l’intro est sans doute jouée aussi vite qu’humainement possible. Le reste est à l’avenant, alliant parties rapides, parties violentes et parties rapides et violentes. Non, vraiment, ça ne s’arrête quasi pas, prenant ses influences dans le punk, le hardcore, le grunge et surtout le postcoren’importequoietons’enfout. Donc, je laisse tomber, et je repasse l’album une fois de plus.

Essayer de décrire ce qui se passe dans cet album est inutile (surtout en l’écoutant en même temps), Hey Everyone est l’album le plus rock n roll de l’année, au sens propre du terme. Et en live, ça doit, je pense, être plus fun qu’Oasis. Fuckin’ kids.

Noel Gallagher – The Dreams We Have As Children

Avant la déchéance d’Oasis, deux choses étaient coulées dans le béton : 1) Noel Gallagher était le seul compositeur du groupe et 2) les faces B de single étaient souvent les meilleurs morceaux. C’est à cette époque où nous emmène cet album live, uniquement disponible sous forme digitale (pour sa version complète) et qui reprend un concert de 2007 au Royal Albert Hall de Londres, où Noel était accompagné de son guitariste Gem Archer ainsi que d’un batteur.

Pour ceux qui n’ont pas suivi le Oasis pré-2000, voire les nouveaux fans (???), la setlist est intrigante. Un seul morceau date d’après 2000, on n’y retrouve au total que trois singles (dont une réinterprétation radicale) mais sept faces B et trois nouvelles reprises. Bref, un set list pour fans des débuts, particulièrement choyés. Le fait que ce sont de loin les meilleurs morceaux d’Oasis, et qu’en fait, il n’y manque pas grand chose est encore plus intéressant.

Noel commence donc par trois excellentes faces B ((It’s Good) To Be Free, Talk Tonight et Fade Away, qui ressemble toujours autant au Freedom de George Michael), suivi d’un Cast No Shadow bien sombre, avec cordes, et d’une nouvelle Bside, Half The World Away, repris en choeur par toute la salle. Quel autre artiste pourrait en dire autant? De manière assez amusante, The Importance of Being Idle (seul morceau récent) fait méchamment retomber l’ambiance, mais l’invité qui suit va inverser la tendance : Paul Weller, fidèle mentor de Gallagher, avec qui il reprendra All You Need Is Love et son propre Butterfly Collector. Rien de bien étonnant, mais c’est toujours chouette à entendre, à avoir tous ces morceaux au même endroit. Don’t Go Away et Listen Up sont réarrangés, de manière plus sombre, pour ressembler à un Masterplan étonnamment absent. Sad Song, bizarrement, est nettement moins sombre que la version orginale.

Déjà tout à fait honorable, le show va prendre de la hauteur avec le toujours émouvant Slide Away, la version « Ryan Adams » de Wonderwall et bien sûr, l’inévitable mega hit de Noel, Don’t Look Back In Anger. Seul faux pas du concert, sa reprise des Smiths, There Is A Light That Never Goes Out. Noel n’est pas Morrissey, l’intention était bonne, mais l’exécution déjà moins. Enfin, Married with Children complète le set comme il terminait Definitely Maybe, toujours aussi doucement stupide.

Cet album live est une bonne initiative (surtout que les bénéfices vont au Teenage Cancer Trust), et à le mérite de constituer une sorte de best of des non-hits d’Oasis, chantés par un type qui ne chante pas trop mal et qui est surtout nettement moins irritant. Sympa, donc.

Peter Doherty – Grace/Wastelands

Que dire sur Pete(r) Doherty que les tabloids n’ont pas encore dit? Évidemment, énormément de choses. D’abord, que les Libertines étaient le dernier groupe anglais auxquels on pouvait croire, s’identifier. Oh, il y en aura sûrement d’autres, mais de ce genre, on en a quelques uns par siècle. Ensuite, que Doherty, malgré les frasques, est un poète et un compositeur de talent, même s’il ne sera jamais un grand chanteur. Enfin, que son premier album solo, Grace/Wastelands, comprend sans aucun doute ses meilleurs morceaux depuis le premier Libertines.

Babyshambles, il faut bien le reconnaître, c’était pas terrible du tout. Un premier album calamiteux, un second juste meilleur. On ne ressortira de cette période que le magnifique Albion, mais le morceau était aussi vieux que What a Waster. Doherty devait donc s’en sortir, au risque de – littéralement – disparaître. Et il a trouvé une aide précieuse, auprès de quelqu’un à qui on ne le fait plus : Graham Coxon.

Coxon, aussi Londonien que Doherty, est passé par l’immense succès, l’adulation, et les abus de substances (plutôt alcool pour lui). Il pouvait donc aider Doherty, qu’il a vite qualifié de « scumbag magnet », à sortir du trou, tant musicalement qu’humainement. On ne saura jamais ce que Graham Coxon – l’être humain – a fait pour Peter, mais par contre, il a prêté ses talents de guitariste à onze morceaux sur douze. Et il a bien fait.

Doherty, comme dit plus haut, ne sera jamais un grand chanteur, il se complait d’ailleurs encore parfois dans cet espèce de murmure de sdf alcoolo dans un couloir de gare. Dommage, parce que quand on écoute ce qu’il dit, on se rend compte qu’il ne reste plus beaucoup d’auteurs de talent. Vous connaissez encore beaucoup de monde qui écrit des rimes enchâssées comme « my rival the sun / who ripens the plum », vous? Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les guitares de Coxon sont quasi toutes acoustiques (comme son prochain – et excellent – album solo, on en reparlera), ce qui accentue l’aspect « chanson ».

La majeure partie des morceaux sont assez simples d’accès, des chansons acoustico-romantiques, mais bien écrites et parfois vraiment touchantes : Salome, I Am The Rain comptent parmi les meilleurs morceaux écrits par Doherty. Mais il tente de surprendre, avec un Last of The English Roses formaté pour ressembler fort bizarrement à Gorillaz, ce qui ne marche pas trop bien. De même, l’obsession maladive de Doherty avec le classicisme british le pousse parfois à faire un peu n’importe quoi, comme le music hall douteux de Sweet By and By. Mais ces influences arrivent à pénétrer l’essence même d’autres morceaux, comme Arcady ou un poème de guerre appliqué en 2009, 1939 Returning.

Ce qui surprend surtout, c’est la solidité de l’album. On avait l’habitude d’avoir 3-4 morceaux valables par album de Babyshambles, ici tout se tient presque, on a même de très bons morceaux pour finir, dont Sheepskin Tearaway (encore un vieux morceau) avec Dot Allison, ou Broken Love Song, coécrit avec Wolfman (remember For Lovers?). Coxon se laisse parfois aller dans des paysages sonores parfois Sonic Youthiens (Palace of Bone, New Love Grows On Tree), mais l’ensemble reste étonnamment discret et d’autant plus impressionnant.

Il faut toutefois garder une certaine objectivité, ce n’est pas l’album du siècle non plus. Mais si Doherty continue à se ressaisir, à se montrer en concert (on ne parle plus de ses retards et annulations, maintenant qu’il n’y en a plus…) et à bien choisir ceux qui l’entourent, alors, il reste de l’espoir. Surtout que les Libertines vont probablement se reformer l’an prochain…

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