NB : Malheureusement, le cd bonus se trouvant dans l’édition spéciale n’a rien de bien extraordinaire : les premiers remix autorisés par Oasis n’ajoutent rien d’intéressant (il faut dire que Jagz Kooner et les Chemical Brothers…) et les inédits et version alternatives démontrent pourquoi elles ne sont pas sur l’album. Et pourquoi Oasis n’a plus compilé ses autrefois phénoménales faces B depuis Be Here Now. OK, I Believe In All est encore sympa, mais uniquement parce que Liam chante « I can see for miles ».
La pertinence de la critique rock
Il fut un temps, et pas si éloigné, où les critiques rock pouvaient faire la pluie et le beau temps, faire et défaire des carrières. Un article dans un magazine ou un journal crédible, et les ventes s’envolent, une critique saignante et le split, ou du moins le renouvellement, n’était pas loin. Dans le petit monde de la presse francophone belge, Le Soir et le Télémoustique étaient sans doute les deux organes les plus crédibles, et dans le cas du second, cela faisait carrément partie de sa réputation.
On le sait, les impératifs commerciaux les ont rattrapés : les rapports étroits entre certains journalistes et les services marketing des maisons de disques ont transformé leurs pages en publireportages pathétiques et mal informés : on se souviendra de l’affaire dEUS, et pour plus de détails, on ira lire le blog de Serge Coosemans, qui manque rarement l’occasion d’arroser ce type de personnes.
Ceci dit, dans une époque pré-internet, ma source préférée d’info rock, c’était les magazines gratuits RifRaf et Mofo, qu’on trouvait chez les disquaires et salles de concerts. L’un a disparu, l’autre a assez dégénéré, mais il reste que ces médias étaient directement les précurseurs des webzines : on pouvait y raconter plus ou moins n’importe quoi, tout en était plus ou moins n’importe qui (je le sais, j’y ai participé 😉 ) Tendre souvenir humide, j’achetais parfois des cd avec comme seule base un article publié dedans, je n’écoutais que fort rarement la radio. Alors, oui, évidemment, j’ai parfois été déçu, mais souvent ravi de découvrir de nouvelles choses.
Mais maintenant? Last.fm, Myspace, bientôt un gros module musique sur Facebook : il suffit de passer un minimum de temps online pour pouvoir écouter ce qu’on veut (et pas ce qu’on nous propose), et qui a besoin de lire une opinion extérieure, si on peut carrément écouter le disque? Et je ne mentionnerai qu’à peine la voie illégale, permettant d’outrepasser totalement la phase « j’achète? Ou pas? », la remplaçant par une écoute plus attentive et aisée qu’en magasin, avec une conclusion pouvant être similaire (oui, pas mal de « pirates » finissent par acheter l’album).
Bref, le « pouvoir » donné aux critiques rock est maintenant à la disposition de chacun : même les sacro-saintes « copies promo », quand elles existent encore, se retrouvent sur le net en même temps pour tout le monde. Donc, pourquoi continuer à écrire?
On peut trouver plusieurs raisons, au degré de prétention variable. Je prendrai celle-ci : critique rock, c’est comme artiste, ce n’est pas une profession, mais une passion. Elle ne permet pas de vivre? Mais tant mieux : l’indépendance est à ce prix. Il faut continuer à écrire, continuer à alimenter blogs et webzines, commenter et poster, pas nécessairement pour alimenter la polémique, mais pour donner un choix.
Parce que de toute façon, une critique dans un journal n’a jamais forcé personne à acheter un disque. Mais un article quelque part, n’importe ou, pourra toujours pousser quelqu’un à aller voir plus loin. Avant, c’était le disquaire, maintenant ça sera Deezer, Last.fm, Myspace ou (argh) iTunes. Mais l’important, c’est de donner le choix, y compris le choix d’ouvrir la boîte de Pandore et de se faire insulter en commentaires (ou de faire ça ). C’est dans ce rôle d’initiateur de discussion et de secoueur de conscience que le critique rock peut retrouver sa place. Mais ce n’est plus au bar VIP d’un festival d’été.
TV On The Radio – Dear Science,
Je n’ai pas eu tort. Même s’il n’est évidemment pas exempt de tout reproche, Dear Science est un album très particulier, et surtout qui se suffit à lui même : les influences se font discrètes, l’album est fort varié et prend systématiquement l’auditeur par surprise. Le glorieux premier morceau, Halfway Home, est parfaitement représentatif : une mélodie entêtante, une instrumentation originale dominée par les claviers, et un break terrible après quatre minutes. Typiquement, le second morceau (Crying) est totalement différent, emmené par un lick de guitare terrible, une voix différente (l’avantage d’avoir deux chanteurs) et une atmosphère générale rappelant Prince, ou plus proche de nous, Andre 3000. Toujours dans le contre-pied, Dancing Choose commence par sonner comme Bloc Party devrait sonner s’ils avaient tenu leurs promesses, avant d’asséner un refrain antithétique sur fond de cuivres.
TVOTR a parfois été comparé à Radiohead, et on peut le comprendre. Musicalement, ils n’ont pas vraiment de points communs, mais ils transcendent le rock, passant d’un genre à l’autre sans se planter, en réussisant à les mélanger pour rendre le résultat final très personnel et invraisemblablement varié : Stork And Owl fait ainsi dans l’introspectif mélancolique, en utilisant des violons de manière inventive tandis que Golden Age rappelle Michael Jackson (entre Wanna Be Startin’ Somethin’ et Don’t Stop ‘Til You Get Enough, donc ça va) et le Beck de Midnite Vultures, avec peut-être un petit détour chez les Flaming Lips.
Il faudrait presque un paragraphe pour décrire chaque morceau, mais ce ne serait même pas leur rendre justice : il suffit d’écouter Family Tree pour voir où le groupe veut en venir, comment ils tentent de prendre différents éléments qui ne vont pas nécessairement trop bien ensemble et réussissent à en faire un ensemble cohérent et attachant. Love Dog et l’électro rendue célèbre par Radiohead, Red Dress et un gros beat hip-hop, Shout Me Out et un synthé reggae : bizarrement, ça marche. Il faut dire que la grande force de TVOTR, c’est d’avoir carrément trois frontmen/compositeurs : Tunde Adebimpe (celui qui sonne comme un Kele Okereke qui ne serait pas de Londres), Kyp Malone (l’autre vocaliste) et Dave Sitek, producteur multi-instrumentaliste. En résulte un album phénoménalement varié, mais qui se tient parfaitement.
Dear Science est (très) original, et élève TV On The Radio à un niveau supérieur, même si la bizarrerie intrinsèque des morceaux ne devrait pas leur apporter un succès immense (quoique, on a déjà vu plus étrange). Malgré la construction très stricte et étudiée des morceaux, les constructions alambiquées et la part non négligeable d’électronique, cet album a une âme. C’est suffisamment rare pour être souligné, et pour en reparler dans les classements de fin d’année.
Glasvegas – Glasvegas
Autant lâcher ça tout de suite : le nom du groupe est assez stupide, et se réfère donc à un surnom dont la ville est affublée, en comparaison avec Las Vegas. Glasgow, Las Vegas, on voir le rapport tout de suite, non? Si l’on peut trouver un point commun, c’est peut-être avec le groupe n°1 du Nevada : même si les styles sont (heureusement) différents, Glasvegas pourrait obtenir un succès comparable aux Killers.
Pourtant, rien ne semble être commercialement très facile, chez Glasvegas. Leurs morceaux ne sont pas spécialement accessibles, et se noient dans une couche de reverb et de feedback plus qu’influencée par The Jesus And Mary Chain. Il n’empêche : la voix de James Allan, son accent à couper au couteau, la recherche mélodique et le feeling général de l’album en font une oeuvre facilement identifiable, qui peut parler à beaucoup de monde : c’est exactement ce qui s’est passé. Mais est-ce pour autant une bonne chose?
Le début de l’album, même si un peu dérivatif d’évidentes influences, est habité : on sent qu’à l’image d’Arcade Fire, par exemple, que le groupe a une âme. Flowers And Football Tops est nettement plus romantique qu’on ne pourrait le croire, et ce thème perdure tout au long d’un album mélancoliquement puissant. Sans refrain écrasant, les morceaux de Glasvegas se suivent et se ressemblent parfois un peu trop, tant dans l’atmosphère shoegaze-light que dans un pathos exacerbé. Stabbed tente de couper cette logique, mais la narration sous fond de piano manque de pertinence, et tend même vers la prétention.
Glasvegas est un très bon premier album. Il laisse au groupe une grande marge de manoeuvre, ce qui peut être une bonne chose, s’ils le concrétisent dans le futur. Mais ce n’est pas non plus le sauveur de je ne sais quel mouvement musical, ni les nouveaux Smiths/My Bloody Valentine/Oasis/Arctic Monkeys. Et tant mieux.
Kings Of Leon – Only By The Night
Because Of The Times, malgré son haut rendement en décibels et mélodies, comprenait des prémices d’une certaine facilité, qu’on pouvait perfidement qualifier de U2isation. On pouvait espérer que ce n’était pas le cas, et que Kings Of Leon avait bien le droit d’écrire des mélodies faciles. Et puis, la voix de Caleb Followill pouvait, semble-t-il, rendre n’importe quoi passionnant. Peut-être, mais Only By The Night va un peu loin, et manque tout simplement de bons morceaux.
Closer et Crawl entament très bien l’album, entre paysages sonores intenses et agressivité retenue, mais le single Sex On Fire est le premier signe que quelque chose ne tourne pas trop bien. Oh, le morceau est chouette (la ligne de basse est terrible, comme souvent chez KoL), mais il est juste trop évident. La suite déroule : des tics vocaux irritants alors que Caleb Followill a une voix extraordinaire, des mélodies recyclées et des tempos bien trop consensuels. De même, les paroles parfois (rarement) politiquement engagées sonnent assez faux, surtout à côté, justement, d’un Sex On Fire lamentablement littéral.
Use Somebody est dégoulinant de bonnes intentions, fort éloignées de l’attitude qu’on attendait de la part de Kings Of Leon, et qui s’est peut-être envolée avec leurs nouvelles coupes de cheveux tellement sexy. Mais ils arrivent encore à sauver tout ça avec un bridge tellement Pixies qu’on imagine (pas trop longtemps) Caleb crâne rasé avec 120 kilos de trop. C’est cela qui permet à Only By The Night de ne pas trop s’enfoncer. Pour chaque décision étrange, chaque hook formaté, chaque exagération vocale, on aura une ligne de basse monstrueuse, une guitare ingénieuse et un moment de bravoure vocale. Le problème, c’est qu’avant on ne devait pas attendre ces moments, ils nous sautaient directement à la gueule.
Tout cela est donc acceptable, mais jusqu’à un certain point. Revelry a tout ce qu’on ne voulait pas avoir chez Kings Of Leon : des fins de vers énervantes, des paroles bidon, un arrangement kitschissime. Mais en milieu de concert, avec les lumières tamisées et les GSM dressés, ça marchera bien, évidemment. 17 (devinez de quoi ça parle?) commence comme un … chant de Noël, avec les cloches et tout ça. Même pas drôle. On touche ici à ce qui est à ce jour la grande faiblesse des albums de Kings of Leon : la difficulté de produire une seconde moitié aussi bonne que la première. Le piano de Notion ne fait rien pour changer ça, et on aurait vraiment espéré que le groupe attende un peu et écrive de meilleurs morceaux avant de revenir si vite.