Oasis – Dig Out Your Soul

Pour la première fois depuis bien longtemps, Noel Gallagher n’a pas annoncé Dig Your Own Soul comme le meilleur album d’Oasis depuis (What’s The Story) Morning Glory. Est-ce pour cela qu’il l’est?

Être surpris par un album d’Oasis, c’est quasi impossible (enfin, sauf lorsque tout le monde l’a été par le bien mauvais Standing On The Shoulder Of Giants), mais ici, on l’est doublement : par la qualité générale de l’album, mais aussi par certains morceaux individuels assez éloignés de ce qu’on attend des Mancuniens depuis quelques années, comme le premier morceau, Bag It Up. Plus blues poisseux que Britpop, il voit Liam changer partiellement sa façon de changer, et aussi la démonstration d’une basse proéminente : cet élément, typiquement peu présent chez Oasis, le sera tout au long de l’album. Le refrain est déjà plus classique, mais c’est clairement un bon début, surtout que The Turning surprend encore plus avec son intro au piano et une atmosphère vraiment différente. Bon, le coda inspiré par Dear Prudence nous rappelle à l’ordre, mais quand même, c’est étonnant.

Noel a maintenant l’habitude de chanter au moins trois morceaux par album, ce qui est généralement au moins deux de trop. Ici, Waiting For The Rapture tient parfaitement la distance, Noel chante bien, et profite d’un groove de basse protorock terrible : Dig Your Own Soul est leur album groove, mais oui. Le single The Shock Of The Lightning est un peu plus classique, et suit la tradition du bon gros morceau rock comme premier single (Go Let It Out, The Hindu Times, Lyla), mais malgré son « emprunt » aux Strokes (allez voir l’intro de The Way It Is, sur Room On Fire) et son manque d’originalité, il est très efficace.

Quatre sur quatre, il faut remonter à très longtemps pour qu’un album d’Oasis commence aussi bien, sans doute à Morning Glory, justement (Be Here Now a ses bons moments, mais Magic Pie n’en fait pas partie). Et la plus grosse surprise est encore à venir, avec I’m Outta Time, premier morceau de Liam Gallagher. Depuis Standing…, Noel a arrêté d’être le seul songwriter du groupe, et les résultats n’ont jamais été terribles. Les morceaux de Gem Archer et Andy Bell sont rarement mémorables, et Little James était si risible que les efforts ultérieurs de Liam n’ont pas été pris au sérieux. Ca devrait changer avec I’m Outta Time, ballade 50% Lennon, 50% Harrison et donc 100% Oasis, avec une ligne mélodique à tomber par terre et des paroles même pas ridicules. Le meilleur morceau de Liam depuis Born On A Different Cloud, et la fin de la première partie d’un album vraiment stupéfiant.

Ca ne pouvait pas vraiment durer. Dig Your Own Soul ne tombe jamais très bas, mais la seconde moitié déçoit. (Get Off Your) High Horse Lady ressemble plus à un interlude, avec la voix de Noel passée sous filtre téléphonique et une guitare sortie d’un moment peu inspiré de la période country de Neil Young. Falling Down relève tout de suite le niveau, avec son rythme évoquant (fatalement) Tomorrow Never Knows et un Noel qui chante vraiment de mieux en mieux, ce morceau étant sans aucun doute une de ses meilleures performances. Mais à partir de là, c’est un peu comme s’il avait décidé de partir trois semaines à Ibiza en laissant le reste du groupe boucler l’album : les quatre derniers morceaux viennent des autres membres.

Et même si la décision de Noel de ne plus tout écrire avait été bien accueillie à l’époque, force est de constater que les meilleurs morceaux ici (I’m Outta Time exclus) sont de Noel : The Nature Of Reality (Andy Bell) est tellement ennuyeux que Liam semble s’être fait royalement chier en le chantant, Ain’t Got Nothin’ est une tentative de Liam d’écrire comme Pete Townshend (conclusion : raté), Soldier On est une tentative de Liam d’écrire comme les Stone Roses (vous aurez compris) et To Be Where There’s Life (Gem Archer) secoue le vieux sitar de George Harrison comme si The Verve s’en était emparé.

Autrement dit, moins on parle de ces morceaux, mieux c’est, et c’est vraiment dommage : Dig Your Own Soul n’est qu’un album à moitié excellent, mais quand il l’est, il se retrouve non pas qu’avec les meilleurs morceaux du groupe, mais comme Oasis est capable de sonner après quinze ans d’une évolution qu’on pensait impossible. Comme souvent avec eux, il reste à écouter les faces B (ou plus précisément le cd bonus de l’édition limitée) pour en sortir les gemmes habituelles, et regretter la séquence finale de l’album, forcément améliorable.

On ne doit quand même pas bouder notre plaisir pour autant : on sait que les jours de gloire sont passés et ne reviendront jamais, mais d’un autre côté, l’Oasis de 1996 n’aurait jamais pu écrire un album aussi bien produit, aussi abouti que Dig Your Own Soul. Un album solide, d’un groupe qui vient tout doucement de repasser du bon côté de la barrière.

6,5/10


NB : Malheureusement, le cd bonus se trouvant dans l’édition spéciale n’a rien de bien extraordinaire : les premiers remix autorisés par Oasis n’ajoutent rien d’intéressant (il faut dire que Jagz Kooner et les Chemical Brothers…) et les inédits et version alternatives démontrent pourquoi elles ne sont pas sur l’album. Et pourquoi Oasis n’a plus compilé ses autrefois phénoménales faces B depuis Be Here Now. OK, I Believe In All est encore sympa, mais uniquement parce que Liam chante « I can see for miles ».

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