Beady Eye – Different Gear, Still Speeding

Liam sans Noel. Malgré plus de quinze ans de disputes publiques plus ou moins violentes, on ne devrait pas être surpris. Pourtant, c’est étonnant de voir Liam sans son contre-poids habituel, dans les photos de presse, ou les interviews. Beady Eye est donc, on le sait, la dernière incarnation d’Oasis sans l’aîné des Gallagher. On a donc, outre Liam (voix + tambourin), Andy Bell (ex-Ride, ex-bassiste d’Oasis repassé ici à la guitare), Gem Archer (guitare) et Chris Sharrock (batteur de The La’s, Lightning Seeds, Robbie Williams). Niveaux compos, gros changement par rapport à Oasis, les morceaux sont tous démocratiquement cosignés Bell/Archer/Gallagher alors qu’auparavant, celui qui écrivait était crédité. Bien sûr, c’était surtout Noel : les trois premiers albums et les faces B correspondantes étaient toutes signées par lui, Liam n’ayant commencé qu’avec l’infâme Little James du tout aussi infâme Standing on the Shoulder of Giants. Mais plus le temps passa, plus Liam se mit à écrire, et plus ses compos devinrent meilleures : Born On a Different Cloud, Songbird ou I’m Outta Time étant l’égal des dernières compositions de Noel (ce qui ne veut peut-être pas dire grand chose, pour être honnête). Il était donc temps pour Liam, avant la reformation d’Oasis pour Glastonbury 2013, de voler de ses propres ailes.

Forcément, les vautours sont de sortie, prêts à se déchaîner sur la nullité probable de l’album, et du groupe porté par l’égo d’un Gallagher qui n’est plus censé être que l’ombre de lui-même. Pourtant, même si DGSS n’attirerait que peu l’attention sans le pedigree de ses concepteurs, force est de constater que l’album n’est pas si mauvais, et arrive même, par moments, à surprendre. Il faut juste être un tant soit peu indulgent, notamment à ne pas chercher l’innovation : Oasis n’a jamais cherché à innover, de toute façon.

L’album commence très bien, trop bien même. Four Letter Word est plus rageur que n’importe quel morceau de la carrière de Liam, et fait penser aux excellentes anciennes faces B Headshrinker ou Fade Away. Liam ne chante pas vraiment, il bouffe ses mots avant de les recracher, à l’image du vers final du refrain, « Nothing ever lasts FOREVAH ». Il aurait remplacé « lasts » par « lives », et on en aurait beaucoup plus parlé. Bien rock ‘n roll, puissant, et prometteur. Mais Beady Eye veut vite casser la parenté avec Oasis. Millionaire est un de ces morceaux (et l’album en comprend une large majorité) qui n’a rien à voir avec l’ancêtre. Plutôt bluesy, ensoleillé, avec un style de voix différent, c’est plutôt Los Angeles, California que Burnage, Manchester. Evidemment, on ressent l’influence de Lennon dans la voix engorgée de reverb, mais pour peut-être la première fois depuis… toujours?, on a l’impression que Liam (et le reste du groupe) s’amuse. Oui, s’amuse. De la part d’un groupe qui n’a officiellement jamais souri, ce n’est pas mal. Alors, est-ce que c’était Noel qui cassait l’ambiance avec ses manières de control freak? Peut-être, sans doute, on ne le saura vraiment jamais, mais s’il fallait le répéter, Beady Eye n’est pas Oasis, et comme réussite, ce n’est déjà pas mal.

Malheureusement, le fait de ne pas être Oasis enlève quand même la présence d’un des meilleurs songwriters des années 90, même s’il s’était assez émoussé. La majorité des morceaux de DGSS sont quand même assez peu mémorables, voire assez quelconques. La première moitié de l’album, passe encore : Beatles and Stones (hum) rappelle plutôt le rock 50s que 60s, même si je ne suis pas sûr que ce soit un « mieux », Wind Up Dream pique le thème de I’m Only Sleeping en y ajoutant un riff sympa, et Bring the Light est quand même basé sur un piano et des choeurs féminins. Pas certain que Noel eut accepté ce mix entre Tina Turner et Jerry Lee Lewis. For Anyone est encore plus différent, une sorte de ballade floridienne avec un Liam qui n’a jamais chanté aussi haut.

Mais dès qu’on a passé ce cap, ça devient pénible. Psychédélisme à deux balles, répétitions chiantes, paroles très peu inspirées (Liam semble beaucoup rêver et parler d’anges et de paradis et tout ça) : à force de s’éloigner d’Oasis, Beady Eye s’éloigne aussi de tout ce qui est un tant soit peu valable. Andy Bell arrive un peu à remonter le niveau, lui qui a sans doute être frustré de toutes ces années sans guitare (le mec était dans Ride, quoi). Mais il en faut plus pour faire une bonne chanson, une mélodie aide aussi.

Soit. Different Gear, Still Speeding a un titre douteux, une pochette pourrie et une face B assez mauvaise. Mais la première demi-heure était plaisante, parfois même surprenante, à défaut d’être impressionnante. Cependant, il me semble évident que le groupe n’a pas d’avenir. Commercialement, ça ne marche déjà pas fort, les concerts ne seront pas fameux tant que Liam refusera de jouer des morceaux d’Oasis (mais il faut leur reconnaître un certain courage, n’est-ce pas, Audioslave?) et Noel attend, en embuscade, qu’on lui demande – supplie – de revenir. Ce qui sera fait dans les deux prochaines années, au plus tard. A ce moment-là, Beady Eye ne sera plus qu’une étape mineure de leur carrière bien remplie, et qui pourrait encore briller un jour. Qui sait.

Spotify : Beady Eye – Different Gear, Still Speeding

 

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