Supergrass – Diamond Hoo Ha

C’est un grand classique du hype, tous les éléments sont rassemblés. Un groupe qui a déjà de la bouteille (douze ans depuis leur premier single, quand même), dont le dernier album était très introspectif, et aux antipodes des sensibilités pop-rock auxquelles il nous avait habitué. Ajoutons-y quelques troubles d’ordre privé et inissons avec un morceau s’appellant The Return Of Inspiration, et la conclusion est limpide : Supergrass is back. Alors? Not quite.

Oui, les guitares reviennent en force, et avec elles une envie indéniable d’écrire des morceaux rapides, enlevés et moins sérieux. Pour cela, ils choississent un ton assez seventies, assez glam. Pourquoi pas, mais une fois de plus, la route vers l’enfer est pavée, etc etc. D’abord, les morceaux sont quand même moins solides qu’avant. Oui, le BITE ME de Diamond Hoo Ha Man est jouissif, mais le gimmick s’efface vite, comme les effets de guitare qui deviennent vite répétitifs.

C’est dommage, parce qu’ils sont toujours capables d’écrire de très bons morceaux pop, comme un Ghost Of A Friend dylanesquement chanté, ou le mouvementé Whiskey And Green Tea. Et c’est encore plus dommage, parce que Diamond Hoo Ha (c’est quoi ce titre, en plus?) est le moins bon album du ‘Grass jusqu’ici, dans une discographie très recommandable qui a atteint l’excellence (In It For The Money, un des meilleurs albums British des 90s). Ici, on voit juste un groupe qui en a envie, certes, mais qui peine à se renouveler, à (re)trouver sa place. Ce qui n’est pas bon du tout.

Beaucoup de bruit pour pas grand chose : l’”affaire” dEUS vs/& Le Soir

On savait depuis longtemps que Tom Barman avait la grosse tête, mais là on atteint des records. Les médias n’ont pas le droit de révéler la tenue des interviews avec le groupe avant le 15 avril (enfin, Barman, quoi, qui les autres sont n’a plus vraiment d’importance depuis que Trouvé et Carlens sont partis, il y a déjà bien longtemps) sous peine d’une astreinte financière de 25 000€.

C’est le journal Le Soir qui a révélé l’info via son blog Frontstage, en annonçant qu’ils ne parleraient pas du groupe, et juste un peu après la date fatidique. Ils vont même jusqu’à censurer le titre de l’album. Mais un peu plus tard, le même journal change d’avis, et décide de briser l’embargo, au risque de payer cette astreinte. Forcément, l’affaire prend de l’ampleur, certains quotidiens suivent le mouvement (De Morgen) tandis que d’autres refusent (De Standaard).

Qu’en penser? Evidemment, une telle initiative de la part de Barman/dEUS/Universal est inacceptable, et peut clairement mettre en danger la liberté de la presse. Mais ce qui est nettement plus questionnable, c’est le fait que Le Soir annonce un boycott presque total, pour finalement publier l’interview (deux jours avant la date de levée de l’embargo), et donc, contenter tout le monde : ses lecteurs, certes, mais aussi finalement dEUS et Universal. En effet, l’interview est passée, et avec nettement plus de bruit que prévu, ce qui ne devrait pas faire du mal aux chiffres de vente (de l’album et du journal). Et si, en plus, Universal empoche les 25 000€, la situation win-win sera totale. Enfin presque, parce que la crédibilité de certains médias en prend un (nouveau) coup.

La position du Soir manque cruellement – et c’est un comble! – d’honnêteté intellectuelle, alors que le représentant du Télémoustique a, quant à lui, simplement refusé les termes du contrat, et donc l’interview. Même si je n’ai pas souvent été tendres avec eux, je trouve que c’est l’attitude la plus intègre.

Au début de l’histoire, je pensais moi aussi ne pas parler de l’album, mais finalement, ce serait ça, la restriction de la liberté d’expression : ne pas donner son avis sur un disque que je trouve d’ailleurs assez moyen.

Tout cela n’empêchera pas Vantage Point de se vendre, ni à la masse de touristes mal informés d’assister à leur concert de clôture de Rock Werchter 2008, mais, à une époque où certains artistes tentent de trouver une nouvelle direction durable, il est navrant de voir que d’autres considèrent leur public comme des moutons au portefeuille rempli. J’espère qu’il se rendront compte de leur erreur.

Oh, et l’album? Je l’ai écouté “par hasard” (amusant de voir les résultats qu’on peut obtenir en tapant “dEUS + Vantage Point” sur Google), et non seulement on va encore se demander si Barman a abadonné son génie en Espagne en enregistrant The Ideal Crash, mais en plus, ça va se vendre, c’est assez consensuel (pour être poli) pour ça.

Bref, beaucoup de bruit pour pas grand chose, une fois de plus.


Sources et références : le billet original et la justification du changement d’avis (Frontstage), l’assez prétentieux édito de la rédac’ chef du Soir, la fort mièvre interview en question et les observations de Serge Coosemans.


Edit : depuis l’écriture de ce billet, un nouvel article a été publié sur le site du Soir. “Il (Thierry Coljon, journaliste) s’exécute dans l’urgence, contraint par le chantage mais en apposant un gribouillis qui n’est ni sa signature ni son paraphe.” Là, on est vraiment dans le ridicule le plus total. Un gribouillis? C’est une blague?

Vampire Weekend – Vampire Weekend


Qu’est-ce qui est hype en 2008 : le courant vaguement dancerock anglais, Foals et Does It Offend You Yeah? Oui, mais non. On va une fois de plus se tourner vers New York, où les jeunes gens de Vampire Weekend sont prêts à s’asseoir sur le trône de Sir Julian et sa troupe.

Comme Pitchfork le dit assez justement, Vampire Weekend n’est pas un album durant lequel l’auditeur va crier au génie toutes les trois secondes, où va penser être un présence d’un nouveau Surfer Rosa ou OK Computer. Mais il l’écoutera deux fois par jour, sans jamais se lasser, pendant des mois. Ce qui est peut-être encore plus rare.

L’originalité de VW, c’est justement de revêtir une esthétique proche des Strokes, mais en incorportant des éléments qui n’ont pas du tout l’habitude d’être là, notamment des influences africaines : la batterie sort tout droit de l’école Tony Allen, et le ton de la guitare, souvent claire et espacée, renvoie aux traditions sénégalaises, sud-africaines ou maliennes, dont Amadou et Mariam ne sont que les plus connus sous nos nuages.

Mais VW, c’est tout sauf de la world music : ce n’est pas parce que qu’ils citent de nom Peter Gabriel qu’il ont signé chez Real World : la guitare et le refrain de Campus aurait pu se trouver de Is This It. Certains morceaux sont d’ailleurs nettement plus poussés, niveau influences africaines, comme Cape Cod Kwassa Kwassa (même si faire rimer Louis Vuitton et Benetton casse un peu le charme) ou Bryn et la ligne claire. On retrouve aussi des claviers discrets, et une voix qui rappelle parfois Julian Casablancas ou Pete Doherty, tout en gardant sa propre identité, qui se retrouve aussi ou niveau des textes.

L’album est adorable, les cordes de M79 pourraient rendre Hillary Clinton de bonne humeur, et il est soigné de bout en bout, même si quelques petites répétitions se font sentir çà et là : c’est un premier album, il faut s’en souvenir. Il n’est pas parfait non plus, mais l’excellence de I Stand Corrected ou Walcott valent bien un ou deux morceaux de remplissage. De là en découle son principal problème : il va bien falloir le péréniser, et la formule deviendra vite fatigante. Mais ça, c’est pour plus tard, maintenant, réjouissons-nous simplement de ce vent de fraîcheur aussi charmant qu’inattendu.

The Presidents Of The United States Of America – These Are The Good Times People

Oui, ils sont toujours là. Après un petit succès indépendant dans les années 90 (vous vous rappelez de Lump et Peaches?), ils auront connu une traversée du désert assez longue, mais Love Everybody (2004) leur aura redonné, si pas le succès, une certaine visibilité et la possibilité de continuer à tourner et sortir des albums, celui-ci étant le cinquième.

C’est aussi une belle petite surprise. Il est efficace, reprend tout ce qu’on peut attendre d’un album du groupe tout en étant leur plus varié. Même si le fondateur Dave Dederer a quitté le navire, remplacé par Andrew McKeag, lls gardent leurs instruments à cordes habituelles (guitbass et basitar, wikipedia le fera mieux que moi), mais ajoutent des éléments de ska (Sharpen Up Those Fangs), de music-hall (Flame Is Love) et même un duo soul avec la chanteuse Fysah Thomas (Deleter).

Mais c’est un album des PUSA. Donc, trois accords, simplicité et efficacité mélodique, paroles surréalistes et souvent assez tordues, parlant d’animaux (Ladybug, Poor Turtle) d’amour (Mixed Up SOB, French Girl), ou de ballon d’hélium (Loose Balloon).

Limité, certes, mais efficace et bien exécuté, tout ce qu’on demande. Et je parie que le nouveau Weezer ne sera pas aussi bien, hélas. Cet album au titre trop long d’un groupe au nom trop long est très sympathique à défaut d’être révolutionnaire, et une fois de temps en temps, cela fait un bien fou. Tout en me fichant un nouveau coup de vieux.

R.E.M. – Accelerate

Á chaque fois qu’un nouvel album d’un groupe majeur et assez ancien sort, on essaie toujours de caler les mots “retour en forme”. Parfois en dépit du bon sens (Pearl Jam), parfois par espoir déçu (Metallica depuis dix ans au moins). Dans ce cas-ci, on parlerait plutôt de retour en puissance : on ne peut pas vraiment dire que les trois derniers albums de R.E.M. étaient mauvais, mais plutôt expérimentaux et pas spécialement faciles à écouter. Ok, ils n’étaient pas non plus à la hauteur du passé. Le temps seul dire si Accelerate l’est, mais il est de loin l’album le plus péchu du groupe depuis Monster.

Malgré quelques bons moments (The Great Beyond, Imitation Of Life, l’album Up), le R.E.M. post-New Adventures In Hi-Fi (qui correspond au départ du batteur irremplacé Bill Berry) a manqué de pertinence, voire de cohérence. Rien de toute cela ici. Une bonne demi-heure de musique, onze morceaux où prédominent les guitares énervées : on sent un… retour en forme.

D’ailleurs, le tout début de l’album rappelle celui de Monster, tant l’intro de Living Well Is The Best Revenge fait penser à What’s The Frequency Kenneth? Heureusement, on quitte vite les souvenirs de prétentions maladroites pour entendre un R.E.M. revigoré, qui n’a jamais sonné aussi bien comme trio. Basse très rythmique, guitare puissante et un Michael Stipe inimitable mais précis et décidé. Man-Sized Wreath étonne par sa rapidité d’exécution, alors qu’Angus Young voudra sans doute récupérer le riff de Supernatural Superserious, un classique immédiat du groupe, le genre de morceau qu’ils semblent écrire dans leur sommeil depuis plus de vingt ans.

Même si les six cordes dominent, on retrouve, mais avec plus de pertinence, des claviers rappelant les dernières expériences d’Around The Sun. Houston en est un très exemple, mais on sent que le groupe possède une envie, une volonté qui semblait manquer à l’époque. D’ailleurs, alors que la production récente du groupe était assez mid-tempo, on ne retrouve qu’une seule ballade, qui n’est d’ailleurs pas vraiment le sommet de l’album. Hollow Man, quant à lui, commence tranquillement avec une simple guitare acoustique avant d’offrir le refrain le plus entêtant qu’on ait entendu depuis bien trop longtemps.

Accelerate est rapide, on l’a compris, et se conclut sur le binôme Horse To Water/I’m Gonna DJ. Le premier rappelle étrangement un autre vieux groupe mais qui a très mal vieilli, alors que le second est connu depuis belle lurette car joué depuis 2005. Il termine le tout sur une note positive : “Music will provide the light you cannot resist”, on ne peut qu’acquiescer.

Alors oui, Accelerate est sans trop de doutes le meilleur album de R.E.M. depuis la fin du XXème siècle. Mieux encore, il redonne envie. Envie au groupe de refaire de la musique avec passion, mais aussi envie de réécouter l’ensemble de leur catalogue, d’une grande richesse peut-être inégalée. Accelerate fait tout ça, en plus d’offrir à 2008 un de ses meilleurs albums rock.

This is my music box, this is my home. Since 2003.