Blondie – Parallel Lines (1978)

Blondie_-_Parallel_LinesÀ l’heure qu’il est, on doit sans doute être en train de remasteriser/fouiller les archives pour l’édition spéciale 30 ans à venir l’an prochain. Qu’importe, Parallel Lines est un de ces albums qui ne sonnera jamais daté, autant en parler maintenant. Pour des raisons imbéciles et sexistes, Blondie évoque souvent seulement Debbie Harry, et le reste, on devrait s’en foutre pas mal. Ben non, on ne s’en fout pas, parce que non seulement c’est un des meilleurs albums des seventies, mais aussi et surtout un précurseur New Wave qui fera encore des vagues vingt ans plus tard, quand des gosses new yorkais pas encore appelés The Strokes trouvent l’album par hasard.

Il suffit de comparer le premier – et meilleur – album des Strokes à ceci. Même désintéressement apparent et froid du vocaliste, mêmes guitares acérées et minimalistes, même rythme sec, même basse bondissante. Avec des différences, forcément, mais l’influence est telle qu’il est impossible de ne pas la remarquer. La pochette d’Is This It, malgré la tentative, restera nettement moins iconique que celle de Parallel Lines, qui voit la reine de glace, Debbie Harry, devancer ses discrets compères (dont même le look inspirera les Strokes) sera devant un fond de lignes parallèles noires et blanches. Un classique.

Debbie Harry, donc. Sex appeal sur vinyl (ou cassette, ou cd, même sur mp3). Il suffit de l’écouter sur One Way Or Another, et puis se demander ce qu’on a pu trouver à Madonna. Quand elle ne prend pas ce ton détaché, elle subit l’influence des groupes pop 60s (Picture This) ou se lance dans le légendaire falsetto démoniaque de Heart Of Glass. Mais malgré ce dernier, Parallel Lines n’est pas pop pour un sou : même s’il reprend quelques uns des tubes du groupe, on retrouve suffisamment d’innovations étonnantes, comme l’intro synthé/guitare immense de I Know But I Don’t Know, 1978 personnifié, les beats (oui, beats) de Fade Away And Radiate ou le heavy metal vs le thème de Batman (série TV) qu’est Will Anything Happen. Ou le rock n roll pur I’m Gonna Love You : pas innovant mais totalement jouissif. Un seul point noir : du au succès en club du 12" Disco Remix de Heart Of Glass, quasi toutes les versions de l’album comprennent ce remix, inutilement alongé. Mais cela tient plus du détail.

Parallel Lines est un album stupéfiant, qui, s’il devait sortir la semaine prochaine, ne perdrait rien de sa fraîcheur, ce qui représente un cas de figure excessivement rare. Définitivement un des meilleurs albums de la période, et dont l’influence ne s’est jamais démentie à ce jour.

 
 
I Know But I Don’t Know 

Foo Fighters – Echoes, Silence, Patience And Grace

Alors qu’il partaient de pas grand chose (le projet solo du batteur de Nirvana) les Foo Fighters sont devenus en une décennie un des plus grands groupes rock du monde. Un tel succès ne va pas sans inconvénients, notamment leur principal reproche : c’est bien, ouais, mais sans plus quoi. Il est vrai que depuis l’excellent The Colour And The Shape, les albums suivants ont été bons, mais… sans plus. Toujours quelques excellents morceaux, mais sans pouvoir assurer sur la durée, et sans arriver non plus à la perfection de l’album précité. Gil Norton, le producteur de TC&TS revient à la barre, et le premier single The Pretender n’est pas mal du tout, en restant très Foo. On tend donc une oreille attentive à ESP&G (ces titres!), en espérant être surpris.

Franchement, je l’ai été. Autant In Your Honour me semblait assez lourd et peu subtil (des deux côtés), autant ici Dave Grohl a réussi à mêler son côté rockeur avec ses talents – indéniables – de créateur de mélodies. Le superbe Let It Die le prouve avec un brio rafraîchissant, tout la rythmique implacable de Erase/Replace. Rien de bien innovant ici, mais un groupe qui semble avoir compris qu’il allaient droit dans le mur, et se sont donc fixé comme louable objectif de faire ce qu’ils font le mieux. Comme Come Alive : 3 minutes 30 calmes avant une explosion sonore prodigieuse. Les ballades, qui sont cette fois réparties sur l’album, et plus coincées sur un second disque oublié, doivent toujours subir le fantôme d’Everlong, mais se débrouillent plutôt bien, comme on peut l’entendre sur Stranger Things Have Happened ou le dernier morceau, Home.

On reprochera peut-être un manque de folie : un titre comme Cheer Up Boys (Your Make Up Is Running) en aurait eu besoin, et une désagréable uniformité. Mais Echoes, Silence, Patience And Grace reste un bon album, non seulement largement au dessus de la médiocrité actuelle, mais aussi sans doute le meilleur FF depuis un petit temps.

On ne devrait pas attendre plus des Foo Fighters, juste des bons albums de rock, délivrés avec puissance et finesse. C’est ce qu’ils savent faire, rien d’autre, et ce n’est sans doute pas plus mal.

Future Of the Left – Curses

La séparation de Mclusky a été, n’ayons pas peur des mots, ressentie comme une vraie catastrophe. J’ai déja suffisamment dit le bien que je pensais d’eux, ici, ici ou encore , il était juste temps pour eux de passer à autre chose, surtout qu’ils se tapaient quand même méchamment sur la tronche, à la fin. Le bassiste légèrement dérangé Jon Chapple a formé Shooting At Unarmed Men avant de s’exiler en Australie, alors que les deux autres tiers, le chanteur/guitariste Andy « Falco » Falkous et le batteur Jack Egglestone ont été rejoint par l’ex Jarcrew Kelson Mathias pour former Future Of The Left.

Ceux qui s’attendaient (étrangement d’ailleurs) à quelque chose de radicalement différent de Mclusky seront sans doute déçus. FOTL porte clairement la marque de fabrique de Falco, à savoir les paroles acerbes et titres étranges, mais aussi la batterie sous amphés d’Egglestone. Mais ils n’ont pas pour autant photocopié leur ancien matériel : FOTL est différent de Mclusky, notamment par une production moins dense (pas d’Albini cette fois) et l’utilisation ingénieuse d’un synthé passé sous distortion.

Ceci dit, la puissance est souvent au rendez-vous, comme on peut le remarquer d’entrée, avec The Lord Hates A Coward ou Plague Of Ounces, même si on ne cherche pas le volume sonore à tout prix, comme démontré dans l’assez upbeat My Gymnastic Past. Les claviers, quant à eux, donnent parfois un aspect plus poppy, meme si des paroles comme « Colin is a very pretty pussy » ne passeront pas vraiment à la radio. Mclusky envoie la sauce quand c’est nécessaire : Small Bones Small Bodies (on vous parlait des titres) tient sur un riff monolithique, alors que le clavier de Team:Seed rappelle les meilleurs scores de série Z italiens. Un morceau au piano clôture l’album, avant qu’on se sente évidemment obligé de le réécouter.

Curses est bon, très bon, et réussit dans tous les domaines : il rappelle Mclusky sans copier, mais tient sur des deux jambes, sans que les références soient nécessaires. Une réussite majeure, qui rappelle l’importance de Falco dans la paysage rock indie. Et, au passage, un des albums de 2007.

Alanis Morissette – Jagged Little Pill (1995)

AlanisMorissetteJaggedLittlePillJagged Little Pill n’est pas le premier album d’Alanis Morissette. Elle avait déjà sorti deux albums de dance pop, sortis uniquement au Canada. Mais tout le monde s’en fiche, et pour une fois le monde a bien raison. JLP est carrément le deuxième album le mieux vendu des 90s et le dixième de tous les temps. Étrangement, il est très bon, et c’est aussi un des albums qui me rappellent mon adolescence. Ajouté au fait qu’une fidèle lectrice me l’a suggéré, je ne pouvais qu’en parler.

En 1995, Alanis n’était pas encore suffisamment cinglée pour tourner une vidéo à poil, ou la meilleure parodie de l’histoire connue de l’humanité (si), mais elle était vachement en colère. Si les Spice Girls (vous vous souvenez? Elles reviennent…) revendiquaient le girl power, alors Alanis, c’était Little Boy et Fat Man puissance dix. Les deux premiers morceaux, All I Really Want et le tube You Oughtta Know sont des attaques d’une violence inouïe contre un ex-petit ami.

La suite, et en fait, quasi tout l’album poursuit sur la même thème. Encore fallait-il pouvoir en faire un bon album. Et même si les compositions (d’Alanis et Glen Ballard) ne sont pas très aventureuses, elles sont très efficaces, tout comme le groupe qui l’entoure (et qui comprend un certain Taylor Hawkins, futur Foo Fighter). Alanis montre que le ressentiment et la haine peuvent sonner très sexy, et sa manière d’écrire ses textes était originale et rafraîchissante.

Est-ce pour autant un chef d’oeuvre? C’est sans doute le meilleur album de la Canadienne, qui aura progressivement disparu du spectre pop rock actuel. C’est aussi un album relativement brutal, en tout cas par rapport aux ventes ahurissantes. C’est sans doute l’album le plus bruyant et le plus agressif de pas mal de collections plus habituées à Whitney Houston et Shania Twain. Même si cela reste un album de rock assez basique et peu innovant, il montre toutefois un réel talent. De plus, Jagged Little Pill réussit à garder un niveau appréciable jusqu’à la fin, n’a pas vieilli pour un sou, et la piste cachée Your House est toujours aussi chair de poulante. Ca tombe bien, je n’avais pas envie de dire du mal aujourd’hui.

 

Forgiven

Eddie Vedder – Into the Wild Original Soundtrack

On ne peut pas à proprement parler d’album solo mais c’est la première fois qu’Eddie Vedder enregistre un album seul, et donc, forcément, il attire l’attention. Néamoins, avant et pendant l’écoute, il faut tenir compte que les morceaux sont tous faits pour accompagner le film, et plus précisément pour représenter la voix intérieure du héros. Héros qui décida de quitter le monde civilisé tel qu’on le connaît pour vivre de nouvelles expériences, là où le hasard peut l’emmener.

Sean Penn, le réalisateur, connaît Vedder depuis longtemps, et a donc rapidement pensé à lui pour écrire quelques morceaux. Le résultat est cet album, 28 minutes souvent intéressantes, mais frustrantes : presque toutes les chansons sont nécessairement trop courtes, et n’ont donc pas le temps de se développer complètement. On pense à No Ceiling, première expérience de Vedder avec une mandoline et qui s’arrête après avoir à peine commencé, ou encore Far Behind.

L’ambiance est résolument folk et la voix de Vedder, plus calme et posée, surprendra ceux qui connaissent mal Pearl Jam. Rise, jouée à l’ukulele n’étonnera pas les fans, mais les ravira certainement. Même chose pour l’introspectif Long Nights ou le magnifique Society, qui démontrent que le choix de Sean Penn était judicieux. Hard Sun, reprise d’Indio avec Corin Tucker (Sleater-Kinney), détonne par son ambiance un peu plus grandiloquante, et n’est d’ailleurs pas très convaincant, il faudra voir le film pour décider. Deux instrumentaux complètent l’album qui se conclut par l’intime Guaranteed.

Vous l’aurez compris, il est difficile de parler d’un album qui est intimement lié avec le film qu’il accompagne. Néamoins, deux choses sont certaines : d’abord, certains morceaux ici comptent parmi les meilleures ballades écrites et chantées par Vedder, ensuite, un album solo serait très apprécié. Ainsi qu’un nouvel album de Pearl Jam. Et une troisième tournée européenne en trois ans. Et la paix dans le monde.

This is my music box, this is my home. Since 2003.