Et après, on s’étonne…

Que le journalisme rock en Belgique soit dans un état déplorable. D’abord, jetons un coup d’oeil sur un article trouvé sur le site de la Dernière Heure/Les Sports, et consacré au concert des Rolling Stones, hier à Werchter.


Je sais, je tire sur une cible tellement grosse que même un Diable Rouge n’arriverait pas à la rater. La Dernière Heure/Les Sports, misérable torchon, ne vaut que par ses pages sportives, ou du moins c’est ce qu’on me dit. Le reste est politiquement très nauséabond, éthiquement douteux et culturellement pathétique. Il reste que ce quotidien est un des plus lus en Belgique francophone (un demi-million de personnes le lisent chaque jour). Alors pourquoi considérer ces gens comme des imbéciles illettrés? Pourquoi ne pas engager quelqu’un qui sait écrire, et qui sait de quoi il parle? Parce que, même s’il a peut-etre d’autres qualités, l’auteur de l’article en question (Basile Vellut), ne semble pas savoir comment rédiger un article (les erreurs de mises en pages peuvent etre imputées au correcteur, mais la forme de l’article, les tournures de phrases et l’habituelle pique politico-linguistique, totalement hors de propos ici laisse clairement à désirer), ce qui ne serait encore qu’un moindre mal s’il connaissait un tant soit peu son sujet, ce qui n’est pas le cas, vu les erreurs factuelles présentes. Même le setlist n’est pas correct DU TOUT.

Alors, oui, évidemment, c’est facile de critiquer un type qui écrit pour la DH. Mais la culture et l’art ont tellement peu l’occasion de nous via les médias traditionnels qu’il est vraiment regrettable d’avoir l’opportunité de faire quelque chose de bien, et se planter complètement. Si c’est pour torcher de telles conneries, la DH devrait sans doute se cantonner aux pédophiles et à la balle pelote. Suis-je simplement jaloux et frustré, de n’être qu’un webrédacteur bénévole? Sans doute en partie, mais il semble évident que nombre de chroniqueurs culturels de la sphère internet (dont moi, pas de fausse modestie, surtout que dans ce cas précis, la concurrence est insignifiante) mériteraient la place scandaleusement squattée par Basile Vellut, qui, en fin de compte, ne fait sans doute que ce qu’on lui dit de faire : après tout, on me demanderait d’abattre une vache à Anderlecht, j’aurais moi aussi l’air très con.

Mais le pire dans tout cela, c’est que les autres médias écrits principaux tombent dans d’autres travers, ceux du mercantilisme. Comment prendre au sérieux des articles du Télémoustique, quand on sait que ce magazine n’observe virtuellement aucune indépendance éditoriale? On croirait parfois parcourir les communiqués de presse d’Universal. Comment ne pas sourire à la lecture de certains articles du Soir, qui, même si les connaissances de leurs journalistes (parce que là, il s’agit quand meme de véritables journalistes) sont indéniables, semblent la plupart du temps en décalage avec la réalité actuelle.

On ne commencera meme pas à parler de la tv et de la radio, parce que là, le ridicule est atteint. Mes anecdotes personnelles sur un projet musical, à l’époque où je travaillais chez Be tv (ex-Canal+) valent leur pesant de cacahuètes, j’y reviendrai peut-etre un jour.

Le secteur rock de la presse écrite belge, du moins sa forme traditionnelle, ne vaut donc pas grand chose, et encore moins à l’époque des blogs. Évidemment, on trouve à boire et à manger dans ces derniers, mais tout le monde finit par trouver son compte, sans se voir imposer de maniere dogmatique des mauvais articles écrits par des scribouillards de pages des chiens écrasés.

Est-ce mieux à l’étranger? Il y a déjà nettement plus de publications, mais pour des raisons commerciales évidentes, le marché étant bien trop restreint chez nous. Mais quand on se rend compte quand Voici, pourtant pas vraiment un hebdo de grande classe, et dont le lectorat ne doit pas foncièrement être fan d’Aphex Twin, que les critiques musicales sont de grande qualité, on est en droit de se poser des questions. Si Voici le peut, pourquoi pas la DH?

Que les choses soient claires : il est évident que mon type d’écriture, sans contrainte commerciale ou structurelle est une liberté immense, que n’ont pas les rédacteurs professionnels. De même, je n’ai pas de diplôme en journalisme en poche (je suppose que ce Basile Vellut non plus), juste une autre licence universitaire. Mais quand on parle de rock, quand on écrit sur le rock, il faut le vivre. Sinon, on se tait.

Biffy Clyro – Puzzle

Autant lâcher la conclusion tout de suite : Puzzle est, de loin l’album le plus accessible et le plus « commercial » de Biffy Clyro. Est-ce le moins bon? Peut-être, peut-être pas, mais cela n’a pas d’importance, comme nous allons voir.

En raccourci, Biffy Clyro est, sans ambages, un des meilleurs groupes rock contemporains, ayant influencé plus ou moins tout groupe plus ou moins metallo-avantgardo-postnimportequoi, à commencer par System of a Down, dont le double Mezmerize/Hypnotize devient tout de suite nettement moins original, quand on connaît le trio écossais. Après des débuts postgrunge intéressants, le dernier, Infinity Land, était simplement extraordinaire, d’une originalité sans faille. J’en avais parlé il y a plus de deux ans, apparemment. On pouvait légitimement se demander où le groupe allait aller, après tant de chemin vers l’inconnu. On a maintenant la réponse, et elle surprend.

Puzzle, sans être un mauvais album (loin de là) ne comprend pas de signatures modifiées constamment, des méandres de mélodies, des hurlements effrayants juste après un chant de miel. Ce qu’il comprend, ce sont des morceaux de rock alternatif, avec des vrais refrains, des guitares qui sont là où on les attend, des voix peut-être pas apaisantes, mais en tout cas presque – gasp – prêtes pour un passage radio. Et des cordes. Oui, des violons et tout, comme sur le premier morceau, Living Is A Problem Because Everything Dies. Mais on s’en fiche, en fait, parce que la nouvelle facette de Biffy est très impressionnante, comme s’ils n’avaient jamais fait que ça.

La majorité de l’album ne démentira pas ce principe, Saturday Superhouse est un des meilleurs singles (ça existe encore, des singles?) de l’année, Who’s Got A Match réussit à être (un peu) bizarre et terriblement catchy, avec quand même un passage presque hardcore. L’approche est différente, le résultat aussi, mais la qualité est là. Cela n’empêche évidemment pas la recherche et les petites trouvailles, comme la guitare qui suit les paroles (ou le contraire) de Now I’m Everyone, mais cette fois, ils ne construisent plus des morceaux entier autour de bizarreries. L’album se conclut sur l’expérimental (quand même) 9/15th, et le calme et splendide Machines.

Chaque groupe a besoin d’évolution, sous peine de devenir Oasis. Cela marche parfois bien (Arctic Monkeys, sous réserves), parfois modérément (Manic Street Preachers et la règle « un album sur deux »), parfois nettement moins (Idlewild). Dans le cas de Biffy, il ont grandi, tout en conservant la fougue et l’inventivité de leurs débuts. Ils restent, avec ces morceaux-ci ou les anciens, bien au dessus de la concurrence.

Black Light Burns – Cruel Melody

Pas vraiment la peine de faire des blagues sur Limp Bizkit, leur pathétique vocaliste et leurs très mauvais derniers albums. Mais pour ceux qui ne seraient pas au courant, leurs deux premiers étaient généralement acceptables, en immense partie grâce au guitariste, Wes Borland, qui a inventé un son personnel, proche de la tendance nu-metal tout en s’en différenciant clairement. Son éclaboussait les premiers morceaux de Limp Bizkit : comme John Frusciante, Borland était bien meilleur que le groupe dans lequel il se trouvait.

Après une dispute myspacienne avec Fred Durst, Borland a (semble-t il définitivement) claqué la porte de Limp Bizkit, pour se concentrer sur un projet solo qu’il prépare depuis de nombreuses années. Tout d’abord sous le pseudo Big Dumb Face, dont l’hilarant album Duke Lion Fights The Terror valait bien une écoute ; ensuite en tant que Eat The Day. Ce dernier projet n’a jamais vu le jour, à cause du fait que Borland n’a pas pu trouver un vocaliste qui convienne. Il a donc décidé de se charger lui-même des voix, et de fonder ce nouveau projet : Black Light Burns, signé sur le nouveau label de Ross Robinson, I AM : WOLFPACK.

Mesopotamia montre d’emblée que Borland n’a plus grand chose à voir avec son ancien groupe : au contraire, il semble tirer une partie de son inspiration chez Trent Reznor, comme on le verra encore plus loin. Étrangement, la voix de Borland est aussi comparable à Reznor, ce qui rend Animal assez étonnant, on se croirait presque sur un bon morceau de With Teeth, et ailleurs, on se prend à imaginer ce que serait Nine Inch Nails avec le retour des guitares.

Les talents de guitariste de Borland sont mis en évidence, mais ce n’est nullement un album pour guitariste. Ce sont des morceaux de groupe, et ce dernier est plus que compétent : il comprend quand même Danny Lohner et l’énorme Josh Freese, qui démolit encore tout sur son passage à la batterie. On peut trouver des rapports avec Limp Bizkit, ce qui est logique, Borland ayant été leur principal compositeur. Mais les riffs et breaks nu-metal (enfin, façon de parler) sont employés à bon escient, et pas par pure ambition commerciale. Mark, par exemple, aurait pu être utilisé sur Significant Other, même si l’autre abruti aurait tout ruiné avec son rap inepte. Mais la composante electro (voir Stop A Bullet) éloigne définitivement Borland de ses anciens travaux. L’album se termine sur des morceaux plus expérimentaux, mais tout aussi intéressants, jusqu’au quasi ambient Iodine Sky.

L’album est assez dense, comme si Wes Borland voulait truffer ses morceaux de sons divers et variés, et ainsi prouver ses talents en tant que songwriter et vocaliste. C’est fait, car il semble que Cruel Melody ressemble vraiment à Borland : tourné vers le futur, sans renier le passé. Et un guitariste qui sait chanter, c’est suffisamment rare pour être souligné. Cruel Melody est donc un début encourageant, même si un tout petit peu dérivatif, d’un artiste qui a choisi la voie la plus difficile, mais en ce faisant, pourrait en trouver une, de voix.

Marilyn Manson – Eat Me Drink Me

Il faut bien s’en rendre compte, depuis quelques années, Brian Warner et son freak-show sont tombés en désuétude. Des albums pas folichons, beaucoup trop de reprises pas très inspirées, on était loin du personnage controversé de l’époque Antichrist Superstar (son passage aux MTV Awards est peut-être le plus grand moment de l’histoire du show). Et voilà, sans prévenir, alors que personne ne s’y attendait, il nous envoie en pleine tronche son meilleur album depuis Mechanical Animals, il y a presque dix ans. Si pas le meilleur tout court.

Nettement plus metal, nettement plus bruyant et pourtant très mélodique, Eat Me Drink Me prend par surprise, les guitares sont puissantes, passant facilement de riffs stoner à des solos classiques, avec une grosse composante industrielle, sans doute attribuable à son compère Tim Skold (ex-KMDFM). L’album ne s’attarde pas sur le caractère gothique de l’animal, ce qui devenait, à force, fatigant ; au contraire, seuls quelques claviers et violons rappellent un passé heureusement bien éloigné.

La voix de Manson reste toujours éraillée, et ceux qui ne la supportent pas ne l’apprécieront pas plus maintenant, mais on ne peut pas dire qu’il surchante, cette fois. Il l’utilise pour créer une atmosphère, un peu comme Robert Smith, dans un autre registre, même si les références à Cure sont légion. If I Was Your Vampire est heureusement bien meilleur que son titre, Red Carpet Grave sonne comme si Slash jouait une intro des Libertines avant de remplacer Tony Iommi, et They Say That Hell’s Not Hot est simplement metal, avec un jeu de guitare impressionnant. Les refrains sont mémorables, sans être pute pour autant, ça change, et tant mieux, comme on peut le remarquer dans Evidence.

Bizarrement, le single Heart-Shaped Glasses est en marge, en tant que morceau formaté radio. C’est aussi le moins bon, certainement moins intéressant que Are You The Rabbit, où Manson continue son obsession d’Alice avec des riffs, littéralement, d’enfer. Je pourrais carrément citer tous les autres titres, ce qui est une grand première pour un opus de MM, sans remplissage. Mutilation Is The Most Sincere Form Of Flattery (bon ok les titres, c’est toujours pas ça) allie rythme implacable et mantra ‘fuck you, fuck you, fuck you too’, et étrangement, on a l’impression que Manson le pense vraiment, et semble vouloir relancer une carrière jusqu’ici en déclin. Son apparence physique est aussi moins flamboyante qu’avant, sans doute un signe de refocalisation dans la musique plutôt que l’artifice.

Je n’aurais jamais cru écrire une critique positive d’un groupe qui, même au sommet de sa gloire créatrice, ne m’a jamais impressionné plus que ça. Mais je suis vaguement impressionné par Eat Me, Drink Me, comme quoi, tout arrive.

Chris Cornell – Carry On

Des quatre vocalistes légendaires des Seattle 90s, il n’en reste plus que deux, Eddie Vedder (Pearl Jam) et Chris Cornell (Soundgarden). Même s’ils ont embrassé des chemins différents, ils restent actifs aujourd’hui, et Cornell sort ici son second album solo après la parenthèse peu inspirée qu’était Audioslave.

Et c’est, malgré tout le respect que j’ai pour Cornell, extraordinairement mauvais. À croire que le fait d’habiter à Paris le pousse à faire de la variété immonde. Ou alors c’est l’alcool qui était sa source d’inspiration. No Such Thing est assez heavy, mais n’est pas du tout représentatif de ce qui se passe ici, des ballades soft FM jouées par un groupe très peu inspiré et un Cornell en bonne forme vocale (même si très loin de ses prouesses passées), mais totalement soporifique. On dirait les derniers albums de Sting parfois, ou l’équivalent masculin de Barbra Streisand. Tout dans la gorge, rien dans le coeur. La reprise de Billie Jean est sérieusement ridicule, jusqu’au solo de guitare aussi mal inspiré qu’inutile ; tout comme la chanson-thème du dernier James Bond.

il est très difficile, voire impossible d’imaginer que Cornell était le compositeur principal des excellents Soundgarden. Mais il est vrai que depuis la fin de ces derniers, il y a une dizaine d’années, ses cinq albums ont tous été assez douteux, voire carrément mauvais. Ici, on touche le fond, et je ne prendrai même pas la peine de faire écouter un morceau.

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