Même si l’hiver n’en finit pas, le printemps des sorties commence, et avec lui une kyrielle de nouveaux albums avant l’arrivée des festivals d’été. Le mois de mars a vu quelques sorties majeures mais aussi des découvertes (ou redécouvertes) personnelles.
Waxahatchee, par exemple. Elle (Katie Crutchfield) a sorti son second album début du mois, à mi-chemin entre folk lo-fi et fuzz punkoïde, avec le son de basse de Kim Deal, une voix fantastique et une production sèche qui pourrait passer pour Steve Albini. Bien écrit, varié, Cerulean Salt est une belle découverte, et mon album du mois.
Mars a aussi vu le retour de quelques vieilles gloires plus ou moins avérées. D’abord, évidemment, David Bowie, dont l’annonce de l’album (The Next Day) fut la grosse surprise de ce début d’année. Mais l’autre surprise, c’est la qualité de l’album lui-même. Bowie n’était pas obligé de sortir un album, mais il a fait en sorte qu’il soit bon, étonnamment musclé et digne de sa légende. Puis, il fallait aussi assumer une telle pochette, c’est chose faite. Même si le sport à la mode en ce moment est de raconter un peu partout que l’album est mauvais, histoire de s’attirer un peu d’attention. Retour également pour Depeche Mode, avec un Delta Machine décent mais qui n’apporte pas grand chose, comme si ceux qui furent pionniers autrefois se contentent dorénavant de suivre. Par contre, on peut être surpris par le Bloodsports de Suede, qui prouve que des groupes qui se reforment initialement pour l’argent la nostalgie peuvent aussi toujours créer du nouveau et bon matériel. Finir par quatre ballades consécutives n’était peut-être pas une bonne idée, mais bon, on chicane.
Contrairement à ce que j’avais écrit à l’époque d’Angles, les Strokes existent toujours et sortent leur cinquième album, Comedown Machine. Il faut dire que ce n’était pas gagné, compte tenu du temps de gestation et du résultat médiocre de l’album précédent. Ce dernier n’est pas sans faille, loin s’en faut, mais il sonne comme celui d’un vrai groupe, même s’il est un peu bizarre quand même. On n’aura jamais de second Is This It, le groupe le sait et agit en conséquence. Pour Black Rebel Motorcycle Club, qui a connu le succès en même temps, c’est un peu différent. Specter at the Feast est trop dépendant de leur catalogue et réputation pour être vraiment considéré comme autre chose qu’un album de plus.
Mars a également vu les sorties d’albums de Trent Reznor et Dave Grohl, indépendamment de leur rôles principaux et habituels. Reznor a enfin lancé l’album de How to Destroy Angels (Welcome Oblivion), groupe qu’il forme depuis 2010 avec la chanteuse Mariqueen Maandig, son comparse de BO Atticus Ross et l’artiste visuel Rob Sheridan. Pour mieux apprécier l’importance que Reznor accorde à ce projet, pensez à ceci : il a choisi la semaine de la sortie de l’album pour annoncer le retour de Nine Inch Nails, en pause depuis 2009. Dave Grohl, quant à lui, s’est donné les moyens de réaliser deux rêves en un : un film sur l’histoire du studio californien Sound City et un album de nouveaux morceaux reprenant une liste all star d’artistes ayant enregistré là bas. Malheureusement, la révérence de Grohl envers certains artistes sérieusement AOR empêchent l’album de décoller, malgré des efforts louables de la part de Paul McCartney (Cut Me Some Slack, alias Helter Skelter part II) ou l’hypnotique Mantra, oeuvre de la dream team Grohl / Homme / Reznor.
Comme je vous disais, pas mal de gros trucs, et comme souvent, pas nécessairement les meilleurs. Niveau indie, on a tout ceci, ce mois-ci. D’abord, encore un nouvel album de The Men (New Moon), leur quatrième en quatre ans. Et ils continuent encore et encore une certaine évolution vers une musique plus « classique », tout en restant intense et excellente, peut-être juste un peu moins focalisée. Mais les fans de la première heure pourraient ne pas trop apprécier un virage qu’on pourrait stupidement qualifier de plus commercial. J’avais un peu oublié Devendra Banhart et j’avais sans doute tort : relativement éloigné du freestyle hippie d’il y a quelques années, Mala est un chouette album réfléchi, mélodique, personnel et tout de même un peu débridé. On connaissait Daughter et sa sad-cold-folk-quelque chose comme ça depuis 2010, et le premier album If You Leave (forcément chez 4AD) ne déçoit pas, ou du moins ne change pas d’orientation. Pas très varié, mais pour ce que c’est, c’est très bon.
En montant les amplis et la pédale fuzz, on retrouve Purling Hiss (Water on Mars), qui empoche provisoirement le titre de dévots de Dinosaur Jr. de l’année ; Suuns, dont Images du Futur serait un excellent album s’il n’avait déjà pas été enregistré par Clinic ; Wavves qui s’éloigne de plus en plus du surf rock pour aller faire coucou du côté de Seattle ou encore Golden Grrrls, trio indie-rock énergique, mélodique et catchy de Glasgow (Golden Grrrls). Enfin, après Palma Violets, c’est maintenant Peace qui fait la couverture de NME. Leur album, In Love, n’est pas mauvais du tout, mais je ne suis pas certain qu’il s’agit d’un plagiat, d’un pastiche ou simplement d’un hommage du rock anglais entre, disons, The Stone Roses et Definitely Maybe.
Le mois d’avril sera très chargé en sorties, on en reparle sur le Tumblr et ici dans un mois. En attendant, voici le traditionnel playlist Spotify du mois de mars!