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Manic Street Preachers – Everything Must Go (1996)

Les Manic Street Preachers auront vraiment eu une carrière bizarre, pleine de rebondissements et de coups durs qui auraient anéanti la plupart des groupes actuels. Tout a commencé avec un album énorme (18 morceaux, 75 minutes et la promesse – non tenue – de splitter s’il ne se vendait pas à 20 millions d’exemplaires, ce qui ne fut évidemment pas le cas). Deux albums plus tard sortait l’extraordinaire The Holy Bible, un des albums les plus puissants de l’histoire, et aussi un des plus bruts. Il restera connu à jamais comme le chef d’oeuvre du groupe, mais contre toute attente, le succès commercial viendra juste après, avec Everything Must Go.

Avant toute chose, il faut souligner l’atmosphère particulière qui précéda la sortie du disque : en effet, le designer/lyriciste du groupe, Richey James Edwards (responsable en grande partie de l’ambiance morbide/intense de The Holy Bible) disparut le 1er février 1995, à la veille d’une tournée promotionnelle. Il n’a toujours pas été retrouvé à ce jour. Après quelques mois de réflexion, le groupe décidé de poursuivre en tant que trio, en conservant quelques morceaux co-écrits par Edwards, pour leur nouvel album.

Et c’est sur des bruits de marée (évoquant un possible suicide d’Edwards, profondément dépressif) que l’album commence, et on sent dès le début que le groupe a voulu marquer la différence : les ambiances sombres sont ici remplacées par des morceaux amples, des instrumentations variées et un son puissant, aux antipodes du huis-clos de THB. Tout cela est évidemment parfaitement démontré dans le moceaux suivant, peut-être le plus grand single de rock anglais des années 90 : A Design For Life. Hymne puissant basé sur leurs origines prolétaires, le morceau propulsa le groupe au faîte du rock indie anglais, et fit de l’album un classique.

Les autres morceaux n’abaissent pas le niveau, au contraire : Kevin Carter, construit autour des vers non linéaires d’Edwards prend des tours et détours inattendus (comme un solo de trompette), Everything Must Go et Australia montre un groupe confiant malgré tout, et qui veut maintenant se faire entendre du plus grand nombre.

Ceci dit, Everything Must Go, même si beaucoup plus aisé à écouter que son prédécesseur, comporte quelques passages moins faciles, comme la magnifique ballade Small Black Flowers That Grow In The Sky aux paroles très noires, ou le magnifique dernier morceau, No Surface All Feeling, qui exemplifie au maximum le style de l’album, tout en puissance et en guitares multipliées. Qui d’ailleurs sont parfois trop mises en avant, la production trop « produite » étant sans doute le défaut de l’album.

Everything Must Go n’arrive pas au niveau de The Holy Bible, mais de toute façon, ce n’était pas le but. L’album montre un nouveau départ, une renaissance pour le groupe, même si l’avenir peu glorieux (les trois albums suivants se révéleront assez pâles, malgré quelques bons passages) ne le confirma pas. Á l’époque, les Manic Street Preachers venaient de sortir un des meilleurs albums de 1996, semblaient enfin tenir leurs promesses de domination globale, mais resteront à jamais connus dans l’histoire du rock pour avoir crée deux excellents albums, pour des raisons totalement différentes.

Manic Street Preachers – The Holy Bible (10th Anniversary Edition)

Dernier article de cette année, mais non des moindres : The Holy Bible, des Manic Street Preachers est unanimement reconnu comme un des meilleurs album de la décénnie, et un des plus, disons, spéciaux . L’album ressort, dix ans après, en édition spéciale : deux CD et un DVD.

Tout d’abord, l’album en lui-même. On connaît le background particulier : c’est en effet leur dernier album avant que le second guitariste et parolier, Richey Edwards, disparaisse (on est toujours sans nouvelle de lui à ce jour, ce qui laisse évidemment présager le pire). Richey marque fortement THB de son empreinte. Les morceaux viennent tous de ses textes, auxquels se gravent ensuite la musique, arrangée et trafiquée pour qu’elle s’adapte au mètre particulier de Richey, ainsi qu’à ses thèmes très personnels (prostitution, holocauste, anorexie, suicide, littérature, politique, …). Ce qui a produit des chansons très particulières, difficilement comparables à ce qui a déjà été fait, que ce ne soit qu’au niveau des titres (Of Walking Abortion, Archives of Pain, Ifwhiteamericatoldthetruthforonedayit’sworldwouldfallapart, 4st. 7lb.). Que les Manics aient continué leur carrière à trois dans le stadium rock (Everything Must Go), le n’importe quoi puéril (Know Your Enemy) et, cette année, la « pop élégiaque »- lisez ennuyeuse – avec Lifeblood, rend cet album encore plus incontournable, sans compter que dix ans après, il n’a pas pris une ride, bien au contraire.

Outre la version remasterisée, le coffret comprend aussi le mix américain (de Tom Lord-Alge), qui met plus en avant les instruments, gommant un peu l’aspect lo-fi de l’original. Même si ce n’est en aucun cas une trahison, cette version est assez anecdotique. Il est intéressant de dire que l’album n’est jamais sorti aux USA à ce jour, ce mix n’a donc jamais servi en dix ans, jusque maintenant. Les deux disques se terminent par des démos et morceaux live, de bonne qualité mais un peu répétitifs (parfois deux versions des mêmes morceaux). Enfin, le DVD comprend des prestations live TV et concert, avec ce même sentiment de répétition. On retrouve enfin des petits films et une interview rétrospective. Tout ça est très bien, mais on ne trouve rien de nouveau. Il est difficile à croire qu’il n’y aie pas quelques inédits à se mettre sous la dent, plutôt de des versions live, très bonnes, mais répétitives. Le seul morceau rare est Judge Yr’self (sur le DVD) mais il se trouvait déjà sur la compilation de faces B Lipstick Traces.

Ceci dit, la version remasterisée vaut le coup, et The Holy Bible reste un des albums percutants et incontournables des 90s.

Manic Street Preachers – Lifeblood

On aura toujours quelque chose à dire sur les Manic Street Preachers. On connaît leur histoire très troublée, leurs différentes périodes (hard rock-industriel-stadium rock-n’importe quoi), et on ne pourra jamais leur reprocher de se remettre en question. Leur dernier album studio, Know Your Enemy était leur moins bon, et ils ont décidé de le faire suivre par ceci, décrit par le parolier-bassiste Nicky Wire comme de la pop élégiaque.

En pratique, on trouve des morceaux très eighties, avec des basses Motown, des claviers omniprésents qui font parfois penser à U2 ou Simple Minds, on espère que ce n’était pas le but. Les points forts du groupe (guitare rageuse, critique socio-politique, voix puissante) sont presque toujours absents, et remplacés dans des morceaux plus introvertis, mais non dénués de bons moments. La mélodie de Glasnost (dont le titre prouve que non, on ne se refait pas), le superbe I Live To Fall Asleep, la basse de Always/Never, le bon single The Love Of Richard Nixon et quand même quelques grands moments de guitare de James Dean Bradfield. Mais bon, on croirait parfois entendre UB40 (l’intro du mauvais Emily), et les paroles de Nicky Wire ratent souvent leur cible (« collapsing like the Twin Towers… »). L’album se clôture sur un poignant hommage à Richey Edwards, membre du groupe disparu (vraiment disparu, on a complètement perdu sa trace) il y a plus de dix ans.

En somme, Lifeblood est un bon album, mais on observe un groupe qui vieillit assez mal, et ce n’est jamais une bonne chose. Espérons qu’ils vont bientôt considérer les différentes options s’ouvrant à eux.