Depuis le temps que j’écris sur ce site, j’ai déjà parlé de Korn à maintes reprises, vu leur rythme assez rapproché de sorties. Inutile donc de reparler de leur évolution, et de leur envie constante de se séparer du passé, en tentant d’ouvrir de nouveaux chemins inexplorés, avec plus ou moins de réussite. Les derniers temps ont été durs, avec le départ public du guitariste Head, un Unplugged raté, et, pour les sessions de cet album, les abandons successifs du batteur Terry Bozzio (remplaçant momentanément David Silveria) et des producteurs/compositeurs The Matrix.
On ne s’attendait pas vraiment à grand chose concernant cet album, qui n’a pas de titre (comme leur premier), et qui est quand même leur huitième. Disons le tout de go : il n’est pas aussi mauvais qu’on aurait pu le croire, mais il prouve que les diverses expérimentations du groupe, aussi courageuses soient-elles, ne sont pas franchement convaincantes. Comme pour See You On The Other Side, Korn reprend à son compte des rythmes instrumentaux proches de Trent Reznor, mais place encore plus la guitare en retrait, tout en ajoutant un clavier full time.
Clavier qui domine l’intro de l’album, qui semblerait avoir été écrite pour un film imaginaire de Rob Zombie, qui se passerait dans une fête foraine et où des zombies nains terroriseraient l’armée de l’antéchrist. Ou quelque chose comme ça. Standing Over est ensuite un bon exemple du « nouveau » Korn, tout en atmosphères lourdes, effets electro (plus discrets qu’auparavant), et un Jonathan Davis chantant bien plus qu’avant. Il chante assez juste, même si on regrette parfois ses bizarreries vocales, et aussi le fait qu’on comprend ce qu’il raconte, ce qui n’est pas toujours une bonne chose. Head en prend plein dans la tronche, accusé (sans doute avec raison) de gagner du fric facile sur le dos du groupe, grâce à un livre récent. On veut bien laisser passer, même si un ou deux morceaux à ce sujet auraient été suffisants. Aussi, appeler une chanson Bitch We Got A Problem, c’est trop. Même si la ligne de basse très groove est assez chouette. C’est sans doute le gros défaut de, euh, Untitled. Pas mal d’idées, certaines très bonnes, mais mal arrangées. Les refrains sont souvent grandiloquants, élevés pas un Davis multi-tracké. Korn ne vendra plus jamais autant d’albums qu’avant, ce n’est pas vraiment la peine d’essayer. De même, les passages pop sont presques indécents, même s’ils sont nettement moins nombreux que sur SYOTOS.
L’album est, comme prévu, très varié : on passera le médiocre single Evolution pour s’arrêter à Kiss, dont le mellotron fait évidemment penser à Strawberry Fields Forever, ce qui est quand même censé être hors de propos. Les tâtonnements d’Untouchables semblent enfin aboutir. De même, Ever Be se termine sur un final énorme, batterie étourdissante et claviers all over the place. Je serais même impressionné. Mais ce sont les deux morceaux suivants qui sortent du lot (Korn a toujours eu l’idée étrange de caser quelques uns de leurs meilleurs en fin de deuxième tiers, comme Predictable, Counting ou Wake Up Hate) : Innocent Bystander (guitar solo!) et l’excellent Killing, peut-être leur meilleur morceau depuis des années, et un des rares à ne pas pâtir de la production. I Will Protect You résume et termine bien l’album : clairement bien joué, il souffre d’une grosse production déplacée et d’un solo de batterie surdimensionné. Terry Bozzio n’avait clairement rien à y faire.
Untitled est plus cohérent que SYOTOS, et confirme que Korn, malgré les défauts de l’album, sont toujours capables de faire du très bon. Il reste à espérer que la prochaine orientation du groupe gardera l’ambition, mais diminuera les moyens. C’est avec pas grand chose que Korn a popularisé le nu metal, et sorti un des grands classiques des années 90. Ils ont encore un album comme celui-là dans les doigts, le tout est de le sortir.