And so it begins… La série, qui s’entame donc aujourd’hui, de chroniques des albums remasterisés des Beatles n’est pas censée (ré)écrire l’histoire des quatre de Liverpool, mais sera simplement un point de vue très subjectif. L’oeuvre des Beatles est profondément ancrée dans son époque, c’est pourquoi je ne peux que conseiller la lecture du fantastique Revolution In My Head, de Ian Macdonald, qui non seulement analyse chaque morceau du groupe, mais replace le tout dans son contexte.
En quelques mots, le contexte de Please Please Me est simple. L’industrie du disque est fort différente de maintenant, et voulait à l’époque capitaliser sur un jeune groupe qui créait des vagues, notamment grâce à leurs shows en résidence au Cavern Club de Liverpool. C’est donc tout naturellement que l’album correspond à leur setlist de l’époque, et qu’il a été largement enregistré live en studio. Le succès est immense : trente semaines numéro 1 des charts britanniques, et le point de départ d’une légende, qui est aujourd’hui remise à neuf grâce aux remasters mono et stereo.
Au risque de commetre un blasphème, je ne suis pas un grand amateur des premiers albums. Please Please Me semble être reconnu comme le meilleur de la période « rock ‘n roll » du groupe, et c’est vrai qu’il est intéressant à plusieurs égards. Mais il est très très loin d’attendre l’invraisemblable brillance que le Fab Four atteindra à plusieurs reprises quelques années plus tard. En fait, la principale qualité de l’album n’est même pas musicale, c’est ce qu’il représente : pour la première fois, un groupe de musiciens « pop » sort un album sur lequel ils chantent (tous, même), jouent de leurs propres instruments (avec notamment une section rythmique McCartney/Starr très solide) et composent une majorité de morceaux (huit sur quatorze). Ce qui n’était pas évident du tout à l’époque.
Parlons tout de même un peu de musique. Forcément, c’est brut et primitif, on est tout de même en 1963. Et même s’il ne faudra que quelques années pour que les Beatles (et certains de leurs pairs, n’oublions pas) révolutionnent la musique populaire, ici, c’est le début. On sent un groupe qui se cherche, notamment au niveau des voix : les cinq premiers morceaux voient quatre lead vocalistes différents se succéder. Quatre vocalistes qui d’ailleurs, chantent juste. De même, les contraintes de production et de marketing font que les compositions personnelles ne doivent pas s’éloigner trop des reprises. Il n’empêche que les toutes premières compositions estampillées Lennon/McCartney (pas encore de compos de Harrison) sont souvent meilleures que les reprises, et comprennent déjà quelques éclairs de génie, comme la ligne de piano de Misery, ou le rythme probablement indécent de Love Me Do (batterie jouée par Andy White, la version Ringo étant encore plus puissante).
I Saw Her Standing There et Please Please Me sont sans doute les deux autres originaux qui sortent du lot, mais c’est la reprise finale qui restera le morceau de choix de l’album. Enregistré en toute fin de session, Twist and Shout est électrique, et aussi puissant qu’un morceau pop pouvait être à l’époque. La voix de John Lennon, qui était préservée jusque là, se rapproche de la rupture, et montre à quel point ces quatre-là possédaient des talents complémentaires hors pair. On n’avait encore rien vu.