Un album par an, c’est la moyenne actuelle de Weezer. Et encore, c’est sans compter les compiles de démos du leader Rivers Cuomo (deux, avec une troisième à venir), les ressorties deluxe d’anciens albums (le bleu est déjà sorti, Pinkerton arrive début novembre) et même une collection d’inédits (Death To False Metal, le même jour). Tout cela sans doute pour faire oublier un fait : Weezer n’est plus que l’ombre de lui-même, et ce depuis déjà bien longtemps. Oh, à chaque fois, on fait semblant d’y croire. Hash Pipe n’était « pas si mal », Island In The Sun « quand même catchy ». Beverly Hills, c’était juste un incident de parcours, et le rouge avait un ou deux trucs chouettes. Mais non. On se leurre, trompé et retrompé par l’espoir, vain, que le groupe retrouve un jour son niveau d’antan. On peut même rester réaliste : on se contenterait aisément d’album corrects, sans génie (comme le vert et Maladroit), mais Weezer a été bien trop loin, atteignant un embarrassant paroxysme avec Raditude, un album tellement mauvais que l’apparition de Lil Wayne en était un highlight. En bon masochiste, Cuomo n’a pas manqué de nous fournir un autre bâton : alors qu’il racontait en interview que le titre de l’album est inspiré par le sympathique personnage de Lost joué par Jorge Garcia, le guitariste Brian Bell a maladroitement avoué qu’il s’agissait en fait d’une référence au sponsor (!) de l’album, une marque de vêtements de skate. Tout était en place pour une démolition en règle de Hurley. Tout? Non, j’oubliais : Cuomo, qui a composé en solo les premiers albums, s’est cette fois adjoint les services de compositeurs extérieurs, on y reviendra. Bref, ça va chier, quoi.
Finalement, on est presque soulagé, un peu surpris : Hurley, grande nouvelle, roulement de tambours, est moins mauvais que Raditude! Comme quoi, signer avec Epitaph (gros lol quand même) aura peut-être servi à quelque chose, comme par exemple, ressortir les geeeetarz. Attention, pas des guitares à la prod lo-fi, non, on a mis plein de gloss dessus pour que le tout saute aux oreilles comme un album de Metallica mal masterisé (oui, je sais). Memories, premier morceau et single envoie du très lourd dans un refrain tout aussi lourd de sous-entendus pas sous du tout, en fait : « memories make me want to go back there, back there ». Nous aussi, Rivers, nous aussi. C’est donc bourrin, lourd (oui, encore, mais c’est pour bien enfoncer le clou), pas mélodique pour un sou, et comprend des paroles, euh… disons que Cuomo parle d’une époque « when Audioslave was still Rage ». Ce qui est déjà très laid, mais en plus, est-ce que quelqu’un se souvient encore d’Audioslave? Non? Tant mieux.
Memories est assez représentatif de l’album : survitaminé, pas malin du tout, mais quand même assez catchy. Parce que s’il ne fallait retenir qu’une seule chose de la carrière post-Pinkerton de Cuomo, c’est bien ça : 80% des trucs qu’il écrit, aussi douteux soient-ils, restent quand même sérieusement accrocheurs. Hey, j’ai même cru à un moment que (If You’re Wondering If I Want You To) I Want You To était décent, c’est dire. Trainwrecks suit le même schéma : progression d’accords de fête foraine, paroles d’ado en détresse parce qu’il ne se retrouve pas dans le nouveau Linkin Park (« we don’t update our blogs, we are traaaaaaaaaaaaiiiinwrecks ») avec en extrabonus un crédit de composition de Monsieur Desmond Childs, alias le mec qui a écrit plein de morceaux pour Bon Jovi, mais qui n’arrivait pas à conserver une permanente décente. En parlant de crédits de compositions, on retrouve ailleurs Dan Wilson de Semisonic (remember Semisonic? Closing Time? Pas grave.), Ryan Adams en mode non-metal, Tony Kanal de No Doubt (le forcément lourdaud Smart Girls) ou l’évidente et navrante Linda Perry. Tout cela ne vaut franchement pas grand chose, tout comme Where’s My Sex : 3 minutes 28 d’un Rivers Cuomo qui trouve absolument hilarant que « socks » et « sex » se ressemblent presque. Qu’est-ce qu’on se marre.
On sortira quand même du lot Unspoken, un des rares morceaux écrits en solo par Cuomo, dont l’intro acoustique touchante fait regretter la tournure bourrine qui n’aurait pas du être imposée au morceau, ainsi que Hang On, toujours aussi bêtement vulgaire, mais vraiment, vraiment entraînant. Mais bizarrement, c’est le dernier morceau de l’album qui en est le plus intéressant. Co-écrit par le chanteur country Mac Davis, Time Flies reprend la formule classique des morceaux de Weezer, mais en version folk/country/lofi rappelant Led Zeppelin mis à jour par Jack White. Malheureusement, Time Flies n’est qu’un rappel cruel de ce dont Cuomo est capable, et on ne sait toujours pas pourquoi il semble – consciemment! – gâcher son talent. Malgré tout, on reviendra donc dans deux semaines (trois albums en un mois, ce mec est vraiment cinglé), pour la version deluxe de ce qui est sans doute son chef d’oeuvre, Pinkerton, et l’album de chutes de studio provenant de toute la carrière du groupe : l’espoir de trouver quelques perles est donc là, espérons qu’il ne sera pas, une nouvelle fois, déçu. En ce qui concerne Hurley, c’est donc juste un album de Weezer de plus : pas le pire, certes, mais bien loin de ce qu’on pouvait espérer. En vain.
Spotify : Weezer – Hurley (version spéciale avec reprise de Coldplay, rien ne nous est épargné)