Ah, le futur du rock n’ roll… Sleigh Bells a fait fort avec son premier album, Treats, un étrange mix entre hardcore et mélodies pop, le tout enveloppé dans une production extrême, qui donnait ses lettres de noblesse à la saturation style Loudness Wars. Malgré une certaine répétition, l’effet de surprise de l’album fonctionnait en sa faveur, et même si on était partagé sur les qualités intrinsèques du groupe, au moins, c’était différent. Ce qui est exactement le problème du second album, Reign of Terror.
Le guitariste, producteur et « cerveau » du duo, Derek Miller, a insisté sur la difficulté de création de l’album, notamment en évoquant des drames personnels, comme la perte de son père, ce qui lui fit dire que le titre de l’album devait être pris littéralement. Et il est vrai que thématiquement, l’album n’est pas très drôle. Seulement, tout ce que Miller et son associée, la chanteuse Alexis Krauss, veulent dire ou exprimer est enfoui dans la production étouffante de Reign of Terror, ou chaque millimètre de l’espace stéréophonique est capturé par une envie, un besoin de faire du bruit. Ce qui est, je le concède, un moyen d’expression, mais sans doute pas le plus efficace, surtout quand la même technique a déjà été utilisée deux ans auparavant.
Vous l’aurez compris, Reign of Terror, c’est Treats en plus fort, plus bruyant, plus extrême et plus saturé. Pour évacuer la pression, le premier morceau de l’album joue sur l’autodérision, avec Alexis Krauss jouant du « are you ready motherfuckers » comme si elle était Axl Rose arrivant sur scène deux heures en retard après avoir bouffé trois seaux du KFC. Bien qu’amusant quelques secondes, on finit par se demander si le morceau (Shred Guitars) est vraiment ironique. Les meilleurs morceaux de l’album (Born to Lose, End of the Line, Comeback Kid) allient la production pan dans ta gueule et la grosse guitare de Miller au chant de plus en plus RnB de Krauss, qui veut probablement devenir la Beyoncé de Pitchfork.
Parfois, cela fonctionne, mais la formule est tellement limitée qu’on se lasse très vite, et la seconde partie de l’album se passe péniblement, sans relief, en se demandant combien de fois il est possible de placer des claquements artificiels de mains et de doigts dans un album. Reign of Terror est probablement un « meilleur » album que Treats, mais comme (What’s The Story) Morning Glory l’était par rapport à Definitely Maybe. Les morceaux sont plus aboutis, le groupe joue mieux (enfin, tout est relatif), mais on s’ennuie nettement plus. Ce relatif échec stylistique peut être considéré comme une sorte de désaveu des techniques de (sur)production actuelles, qui peuvent faire beaucoup mais qui ne remplaceront jamais ce qui fait un bon album : des bonnes chansons.