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Green Day – American Idiot

Vétérans de la scène punk californienne, Green Day revient quatre ans après Warning, dont on pensait qu’il avait poussé le groupe au paroxysme de leur variété musicale étonnante pour un groupe punk. Warning avait enchanté les critiques et divisé les fans, que dire alors d’American Idiot.

Conçu comme un rock opera dans la veine de Tommy ou The Wall, l’album est étonnant et vraiment extraordinaire, mais est tellement varié et original qu’il va sans aucun doute en désarçonner plus d’un. L’histoire est centrée autour de deux personnages, Jesus of Suburbia alias Saint Jimmy et Whatsername et décrit précisément la médiocrité suburbaine de l’Amérique d’aujourd’hui, qui a causé sa déchéance politique et morale.

Pour faire passer un tel message, le groupe a choisi un long morceau de musique d’une heure (quasi sans interruption), divisé en 21 extraits (pensez face B d’Abbey Road) très variés. On y retrouve le punk sans concession de leurs débuts (Letterbomb, American Idiot, Holiday), des morceaux plus acoustiques (Boulevard of Broken Dreams), et une instrumentation très diverse, qui s’éloigne de leur style carré (3 musiciens) : le slide splendide de Give Me Novocaine, des chœurs très surf, et quelques mécaniques de comédie musicale (rassurez-vous quand même, rien de bien grave). Le tout atteint son paroxysme sur Jesus of Suburbia et Homecoming, deux collages de 9 minutes particulièrement impressionnants. Mais tous les morceaux valent la peine.

Le résultat, contre toute attente, est époustouflant. L’histoire tient la route, et la musique est la meilleure que Green Day n’aie jamais composé. L’album s’écoute si possible d’une traite, mais prendre certains morceaux individuellement est possible aussi (même si les paroles risquent d’être incomprises). Et tout ça agrémenté d’une critique politique d’essence très punk.

The Music – Welcome To The North

Whoa. C’est le premier mot qui vient à l’esprit lors de l’écoute de cet album. Et il revient très souvent. The Music, jeune groupe anglais (forcément) avait déjà fait parler d’eux pour plusieurs raisons, leur arrogance typique, leur nom, leurs performances live et quand même un premier album percutant et étonnant, sorte de Stone Roses post-Chemical Brothers (mais entièrement joué sans électro). On attendait évidemment un flop de second album, si nombreux ces derniers mois. Eh bien absolument pas.

C’est aussi simple que ça, cet album est phénoménal. Les références précédents sont toujours çà, mais les morceaux ont acquis une dimension nouvelle et énorme. Le destin de The Music va immanquablement passer par des stade plein à craquer, des écrans géants et des gros citrons. Le premier single Freedom Fighters est le riff que Jimmy Page n’a pas eu le temps d’écrire, Bleed From Within ridiculise ces pauvres richards new-yorkais qui veulent faire « danser », Cessation donne la nausée tellement que le rythme est élevé, la ballade Fight The Feeling est carrément innovante et l’instrumental caché qui clôture l’album est le rêve de tout musicien, commençant comme Mogwai et incorporant 50 ans de rock en moins de 6 minutes.

Les refrains forcent les fenêtres à s’ouvrir, le chanteur Robert Harvey synthétise Perry Farrell et Bono tout en apportant son propre style, les riffs d’Adam Nutter sont les plus tranchants depuis les débuts de Tom Morello et la section rythmique inspirera des centaines de petits producteurs house médiocre. Détonnant, original, impressionnant et virtuellement parfait. Admirable.

Devendra Banhart – Nino Rojo

On a dit beaucoup de bien de Devendra Banhart, jeune chanteur folk de 23 ans, qui a vécu dans la communauté hippie de San Francisco, avant de passer de squat en squat à New York. Bref, un vrai bohémien, pas un gosse de riche à la Strokes. Ses premiers enregistrements font carrément penser à la pureté sauvage de Robert Johnson, une voix, une guitare et surtout une atmosphère étourdissante, hors du temps. Un succès d’estime a suivi, et Banhart a pu enregistrer cet album avec du vrai matériel pro, même si c’était du matos des années 70, et seulement un 4 pistes.

En écoutant ces morceaux, on se sent immédiatement transporté dans une époque peut-être non vécue : une version utopique de l’apogée des folk singers (Dylan pré-Judas, Nick Drake). L’album semble bricolé, émouvant et complètement habitué : les arrangements sont simples (souvent une ou deux guitares et une ou deux voix) ou carrément étranges (un peu de trompette, un piano), les thèmes variables (des chansons d’amour, de nature, d’animaux…), les titres probablement pensés dans un état assez artificiel (Dogs They Make Up In The Dark, ou le titre du siècle, Tit Smoking In The Temple Of Artisan Mimicry) et les paroles évidemment tordues.

Forcément, on peut trouver tout cela bizarre sans vraie âme, juste pour faire du vent. Il faut sans aucun doute écouter l’album pour en avoir le cœur net, mais je pense (mais ça n’engage que moi) que Banhart est vrai.

Ben Harper and The Blind Boys of Alabama – There Will Be A Light

Septième album pour un artiste très particulier et personnel, Ben Harper. Celui-ci est différent, car aux habituels Innocent Criminals (l’excellent groupe de Ben) se substituent The Blind Boys Of Alabama, 4 musiciens et 3 vocalistes noirs, aveugles, et très croyants. Le résultat sur disque est assez similaire à ce qu’on pouvait en attendre, à savoir un album de morceaux originaux de Ben Harper mais un peu plus soul/gospel que d’habitude. Ben a délaissé sa slide guitar pour des rythmes plus doux, plus traditionnels, plus spirituels. Même trop.

On savait Ben très croyant, mais de là à que tout l’album porte le même thème, c’est peut-être un peu excessif. On aura donc au menu 11the Commandment, Church House Steps, Picture Of Jesus ou encore Take My Hand. Il faut quand même remarquer que ce dernier morceau, par exemple, est excellent, malgré l’inspiration légèrement douteuse.

On aime Ben Harper, mais un peu moins ces thèmes chrétiens absolument omniprésents. On peut donc dire que cet album est plus une passade dans la carrière de Ben, autrement plus intéressant avec les Criminals. Ceci dit, certains morceaux sont assez valables, et il est quand même impressionnant de voit un homme si passionné par sa foi, aussi douteuse puisse-t-elle être. De plus, Ben participera activement à la tournée Vote For Choice (avec REM, Springsteen, Pearl Jam unis pour que leur pays vire leur président-imposteur), fidèle à son histoire d’activisme.

Dizzee Rascal – Showtime

Voilà ce qui se passe quand le Royaume-Uni, ou Londres plus précisément, se met à révolutionner la scène rap, après avoir plus ou moins révolutionné/inventé chaque genre musical. D’un côte, le très cockney et un peu bavard Mike Skinner (The Streets) et de l’autre, le nettement plus street Dizzee Rascal. Dizzee sort son second album, après avoir crée une grosse sensation avec son début Boy In Da Corner.

Son deuxième album reprend la même formule, à savoir un flow invraisemblablement rapide et une programmation avant-gardiste, qui ferait passer Timbaland pour un honnête amateur, ou presque. En tout cas, c’est l’idée.

Showtime alterne différents types de morceaux, certains assez hard et carrés, d’autres plus calmes et introspectifs. Les paroles sont assez décevantes (on est loin des petites histoires à la Skinner) et rentrent dans les gros clichés rap (respect du milieu, the ‘hood, blablabla).

Heureusement, musicalement c’est autre chose, avec des beats et un programming assez intéressant, comme le complètement dingue Stand Up Tall, sans doute composé sur un vieux Game Boy. Seulement, le très chouette alterne avec le moins bon, et parfois on tombe dans le plagiat peu inspiré de Timbaland, justement (Everywhere) ou plus simplement dans l’ennuyeux (50% de l’album). Et avec Dream, Dizzee a composé son single de Noël, ou tout au moins son You’re All I Need To Get By.

Intéressant donc (bien plus que le rap commercial habituel) mais Dizzee aurait peut-être du attendre un peu plus longtemps, et montrer une vraie évolution et plus de variété. Il y a quand même encore de l’espoir…