Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Foo Fighters – Echoes, Silence, Patience And Grace

Alors qu’il partaient de pas grand chose (le projet solo du batteur de Nirvana) les Foo Fighters sont devenus en une décennie un des plus grands groupes rock du monde. Un tel succès ne va pas sans inconvénients, notamment leur principal reproche : c’est bien, ouais, mais sans plus quoi. Il est vrai que depuis l’excellent The Colour And The Shape, les albums suivants ont été bons, mais… sans plus. Toujours quelques excellents morceaux, mais sans pouvoir assurer sur la durée, et sans arriver non plus à la perfection de l’album précité. Gil Norton, le producteur de TC&TS revient à la barre, et le premier single The Pretender n’est pas mal du tout, en restant très Foo. On tend donc une oreille attentive à ESP&G (ces titres!), en espérant être surpris.

Franchement, je l’ai été. Autant In Your Honour me semblait assez lourd et peu subtil (des deux côtés), autant ici Dave Grohl a réussi à mêler son côté rockeur avec ses talents – indéniables – de créateur de mélodies. Le superbe Let It Die le prouve avec un brio rafraîchissant, tout la rythmique implacable de Erase/Replace. Rien de bien innovant ici, mais un groupe qui semble avoir compris qu’il allaient droit dans le mur, et se sont donc fixé comme louable objectif de faire ce qu’ils font le mieux. Comme Come Alive : 3 minutes 30 calmes avant une explosion sonore prodigieuse. Les ballades, qui sont cette fois réparties sur l’album, et plus coincées sur un second disque oublié, doivent toujours subir le fantôme d’Everlong, mais se débrouillent plutôt bien, comme on peut l’entendre sur Stranger Things Have Happened ou le dernier morceau, Home.

On reprochera peut-être un manque de folie : un titre comme Cheer Up Boys (Your Make Up Is Running) en aurait eu besoin, et une désagréable uniformité. Mais Echoes, Silence, Patience And Grace reste un bon album, non seulement largement au dessus de la médiocrité actuelle, mais aussi sans doute le meilleur FF depuis un petit temps.

On ne devrait pas attendre plus des Foo Fighters, juste des bons albums de rock, délivrés avec puissance et finesse. C’est ce qu’ils savent faire, rien d’autre, et ce n’est sans doute pas plus mal.

Future Of the Left – Curses

La séparation de Mclusky a été, n’ayons pas peur des mots, ressentie comme une vraie catastrophe. J’ai déja suffisamment dit le bien que je pensais d’eux, ici, ici ou encore , il était juste temps pour eux de passer à autre chose, surtout qu’ils se tapaient quand même méchamment sur la tronche, à la fin. Le bassiste légèrement dérangé Jon Chapple a formé Shooting At Unarmed Men avant de s’exiler en Australie, alors que les deux autres tiers, le chanteur/guitariste Andy « Falco » Falkous et le batteur Jack Egglestone ont été rejoint par l’ex Jarcrew Kelson Mathias pour former Future Of The Left.

Ceux qui s’attendaient (étrangement d’ailleurs) à quelque chose de radicalement différent de Mclusky seront sans doute déçus. FOTL porte clairement la marque de fabrique de Falco, à savoir les paroles acerbes et titres étranges, mais aussi la batterie sous amphés d’Egglestone. Mais ils n’ont pas pour autant photocopié leur ancien matériel : FOTL est différent de Mclusky, notamment par une production moins dense (pas d’Albini cette fois) et l’utilisation ingénieuse d’un synthé passé sous distortion.

Ceci dit, la puissance est souvent au rendez-vous, comme on peut le remarquer d’entrée, avec The Lord Hates A Coward ou Plague Of Ounces, même si on ne cherche pas le volume sonore à tout prix, comme démontré dans l’assez upbeat My Gymnastic Past. Les claviers, quant à eux, donnent parfois un aspect plus poppy, meme si des paroles comme « Colin is a very pretty pussy » ne passeront pas vraiment à la radio. Mclusky envoie la sauce quand c’est nécessaire : Small Bones Small Bodies (on vous parlait des titres) tient sur un riff monolithique, alors que le clavier de Team:Seed rappelle les meilleurs scores de série Z italiens. Un morceau au piano clôture l’album, avant qu’on se sente évidemment obligé de le réécouter.

Curses est bon, très bon, et réussit dans tous les domaines : il rappelle Mclusky sans copier, mais tient sur des deux jambes, sans que les références soient nécessaires. Une réussite majeure, qui rappelle l’importance de Falco dans la paysage rock indie. Et, au passage, un des albums de 2007.

Eddie Vedder – Into the Wild Original Soundtrack

On ne peut pas à proprement parler d’album solo mais c’est la première fois qu’Eddie Vedder enregistre un album seul, et donc, forcément, il attire l’attention. Néamoins, avant et pendant l’écoute, il faut tenir compte que les morceaux sont tous faits pour accompagner le film, et plus précisément pour représenter la voix intérieure du héros. Héros qui décida de quitter le monde civilisé tel qu’on le connaît pour vivre de nouvelles expériences, là où le hasard peut l’emmener.

Sean Penn, le réalisateur, connaît Vedder depuis longtemps, et a donc rapidement pensé à lui pour écrire quelques morceaux. Le résultat est cet album, 28 minutes souvent intéressantes, mais frustrantes : presque toutes les chansons sont nécessairement trop courtes, et n’ont donc pas le temps de se développer complètement. On pense à No Ceiling, première expérience de Vedder avec une mandoline et qui s’arrête après avoir à peine commencé, ou encore Far Behind.

L’ambiance est résolument folk et la voix de Vedder, plus calme et posée, surprendra ceux qui connaissent mal Pearl Jam. Rise, jouée à l’ukulele n’étonnera pas les fans, mais les ravira certainement. Même chose pour l’introspectif Long Nights ou le magnifique Society, qui démontrent que le choix de Sean Penn était judicieux. Hard Sun, reprise d’Indio avec Corin Tucker (Sleater-Kinney), détonne par son ambiance un peu plus grandiloquante, et n’est d’ailleurs pas très convaincant, il faudra voir le film pour décider. Deux instrumentaux complètent l’album qui se conclut par l’intime Guaranteed.

Vous l’aurez compris, il est difficile de parler d’un album qui est intimement lié avec le film qu’il accompagne. Néamoins, deux choses sont certaines : d’abord, certains morceaux ici comptent parmi les meilleures ballades écrites et chantées par Vedder, ensuite, un album solo serait très apprécié. Ainsi qu’un nouvel album de Pearl Jam. Et une troisième tournée européenne en trois ans. Et la paix dans le monde.

Jonah Matranga – And

Jonah Matranga est l’exemple parfait d’un artiste dont le nom, peu connu du grand public, provoque le respect et la révérence de ceux qui le connaissent. Pionnier de l’emocore début des années 90 avec Far, il évolua petit à petit dans un registre solo plus acoustique, sous l’alias onelinedrawing, et maintenant sous son nom, se rapprochant plus d’Elliott Smith que de son compère Chino Moreno.

And, son premier album solo en tant que Jonah Matranga, est assez varié mais reste assez introverti, et éloigné des proccupations nettement plus bruyantes de ses anciens groupes Far ou Gratitude. So Long, qui entame l’album, peut en effet faire passer à Elliott Smith. Mélodie simple, accompagnement discret et efficace, paroles très poétiques et personnelles. Et tout comme le très regretté Elliott, il possède ce petit quelque chose capable de transcender un simple morceau, en faire une pièce émotionnelle et poignante, comme on le verra un peu plus loin. Heureusement, il ne sombre pas dans la noirceur et le désespoir : musicalement et thématiquement, certains morceaux portent une bonne dose d’optimisme, comme le très touchant Get It Right, ou le carrément upbeat I Want You to Be My Witness. Ceci dit, Matranga peut faire dans le morose, tout en restant profondément touchant : Every Mistake comprend un bonne dose de mélancolie, portée par quelques cordes et un orgue Hammond, I Can’t Read Yr Mind est délicieusement suranné, tandis que You Always Said You Hated San Francisco le voit promener sa voix sur la code raide. Puis, un peu plus loin, Matranga nous sort deux tubes indie potientiels, Waving Or Drowning et Not About A Girl Or Place, comme ça, au milieu de l’album, sans prévenir. Quel talent, mais quel talent étrange. Sans compter qu’il est aussi très doué pour les narrations, comme démontré dans le dernier morceau, Lost And Found.

And est éclatant. Oui, il peut sembler assez incohérent et part parfois dans tous les sens, mais il représente ce qu’est Jonah Matranga en 2007, un grand artiste, qui vient de sortir un grand album, fourmillant d’idées et surtout d’excellentes chansons. On ne peut qu’espérer qu’il continue sur cette voie pour qu’il nous apprte encore d’autres albums de cet acabit, et qui sait, connaître un certain succès commercial, réparant ainsi une grossière injustice.

Black Francis – Bluefinger

Charles Michael Kittridge Thompson IV, plus connu ces dernières années sous le nom de Frank Black, sort un nouvel album. C’est déjà le quinzième depuis le dernier Pixies, et vu leur qualité très inégale, on devrait s’en foutre pas mal, surtout que tout ce qu’on attend, c’est un nouveau Pixies histoire de se lamenter encore un peu plus. Mais un détail change tout : pour la première fois en quinze ans, Charles reprend son pseudo Pixies : Black Francis. Alors, on se met à rêver d’en retour à la gloire bruyante de ses jeunes années, à tort ou à raison? Un peu des deux, forcément.

Bluefinger tient plus de Pixies que la quasi totalité de ses albums solo, la basse qui débute l’album fait penser tout de suite à Kim Deal, même si le morceau se serait plus aisément retrouvé sur Trompe Le Monde. Et même si la voix de Frank, Black, Charles, n’est plus trop ce qu’elle était, on continue, avec plus d’amusement que d’excitation, vers l’excellentissime Threshold Apprehension, déjà présent sur le récent best of (mais en version raccourcie). Digne de Pixies, le morceau nous fait croire au miracle. Il crie, il recommence à crier, comme si rien ne s’était passé. Surtout qu’on a même des backing vocals féminines, et une basse puissante et vibrante. Malheureusement, on se rend compte que ce n’était pas le but de l’artiste, de secouer les vieux fantômes. Bluefinger, par ailleurs un album apparemment concept sur le Pete Doherty batave Herman Brood, n’est pas le nouveau Pixies, ni même un retour particulièrement brillant de la part de Black. La basse est trop présente, et, pour tout dire, il manque un Joey Santiago. Mais il est tout de même plus appréciable et écoutable que la majorité de sa production solo.