Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Morrissey – Ringleader Of The Tormentors

Le come back de Morrissey en 2004 était aussi impressionnant qu’étonnant. Succès populaire et critique, on se serait cru de retour à une époque qu’on pensait révolue, où les posters de Steven Patrick Morrissey et Johnny Marr ornaient les chambres des adolescent(e)s.

Deux petites années après, Morrissey revient avec un album écrit et enregistré à Rome, dans un état d’esprit radicalement différent : en effet, ce reclus légendaire a trouvé l’amour, et ne se prive pas de nous en faire part : « I entered nothing, and nothing entered me / Till you came with the key ». Plus explicite que ça, c’est un album de Lil’ Kim.

Et ce n’est pas la seule allusion sexuelle qu’on retrouve sur ce disque, mais Morrissey n’a évidemment pas oublié d’inclure des remarques cyniques sur la politique US actuelle (« If the USA doesn’t bomb you / I will see you »).

Tony Visconti, le légendaire producteur de David Bowie, a truffé Ringleader of The Tormentors (ce titre…) d’effets sonores rappelant la capitale italienne, mais aussi de cordes et de différentes instrumentations très classe, moins rock que You Are The Quarry, mais tout aussi attachant. Autre référence italienne, Ennio Morricone en personne a participé à l’écriture d’un morceau.

Évidemment, tout cela sonne parfois un peu too much, mais on ne refera jamais Morrissey, et on ne le voudrait pas de toute façon. Reste un album sans vraie faille, qui comblera la légion de fans de Morrissey sans vraiment parvenir à toucher les autres.

Be Your Own Pet – Be Your Own Pet


L’univers indie contemporain est assez calme, voire aseptisé. On n’a plus vraiment eu, depuis quelques temps, de groupe dont l’attitude et l’envie d’exister transcendaient leur art. Arctic Monkeys, en effet, mais leur musique reste somme toute assez classique. Finalement, il faut s’en référer aux tabloïds pour trouver trace de danger, avec ce brave Pete Doherty. Qui serait une bien meilleure incarnation du rock n roll s’il décidait vraiment à faire de la musique.

Ce qui nous amène aux très intrigants be your own PET (selon leur orthographe), quatuor très jeune de Memphis, emmenée par une arme de destruction massive absolument inouïe, et une des plus extraordinaires frontwomen de l’histoire du rock (non, je ne rigole pas), Jemima Pearl, 18 ans. Oh, elle n’a pas une gamme vocale terriblement étendue, elle ne semble pas fumer de crack, mais putain, quelle énergie.


Après quelques EP bien reçus, le premier album de BYOP (Jemima et trois non moins énergiques teenagers) est court, une trentaine de minutes, mais ne s’arrête quasi jamais. En esprit, c’est le truc le plus punk entendu depuis très longtemps. Les morceaux se suivent à une vitesse effrénée, sur base de riffs empruntés autant aux Ramones qu’à Black Sabbath. Les paroles suivent le reste, soit complètement nonsense (We Will Vacation, You Can Be My Parasol) soit agressives (« I’m an independent motherfucker, and I’m here to steal away your virginity ») et sont chantées/hurlées avec la conviction qu’avait Courtney Love il y a si longtemps…


En fait, cet album est tellement pavé de bonnes intentions qu’on laisse passer ses défauts, à savoir un certain manque de variation et une voix qui peut quand même vite fatiguer. Mais d’un autre côté, les morceaux dépassent rarement les deux minutes, avec le single Let’s Get Sandy atteignant les 58 secondes frénétiques.


Mais on s’en fiche, un album avec imperfections est encore plus attachant, et à défaut d’être parfait de bout en bout (quoi que dans le genre, il l’est), be your own PET est carrément incroyable et surtout inattendu.


Kick in the ass of the year

The Vines – Vision Valley

The Vines : ou le groupe en The qui n’a pas marché (ou c’était The Datsuns ?). On se souvient de leur premier album, qui est sorti plus ou moins en même temps que la déferlante Strokes/Stripes. Il présentait au monde ce curieux personnage qu’est Craig Nicholls, surdoué mais très instable, souffrant du syndrome d’Asperger.

Le premier album était correct, et le second carrément mauvais, et leur live show était tellement pourri qu’on les avait déjà enterrés.

Mais c’était sans compter sur Vision Valley. Disons le de suite : ce n’est pas l’album de l’année, mais il a le mérite de jouer parfaitement sur les forces/faiblesses du groupe. Nicholls a un certain talent pour les ballades psyché, mais Winning Days en avait trop ? On en met, mais moins. Kurt Cobain est toujours son héros : on pompe des gros riffs grunge à droite et à gauche, mais on fait en sorte que les morceaux fassent deux minutes de moyenne (mis à part les 6 longues minutes qui clôturent le disque), comme ça personne n’a le temps de réfléchir. Formule qui trouve son apogée sur le premier single Gross Out : agressif, bruyant, accrocheur, 1 minute 18.

Nicholls ne sera jamais l’égal de ses idoles, et The Vines n’aurait peut-être jamais du sortir d’Australie. Il n’empêche, c’est un album correct de rock, c’est tout.

Yeah Yeah Yeahs – Show Your Bones

Alors que leurs collègues New Yorkais The Strokes ont sorti leur troisième album en janvier, les Yeah Yeah Yeahs ont bien pris leur temps, vu que Show Your Bones a pris trois ans pour sortir. Et contrairement aux Strokes (entre autres), le groupe a connu une véritable évolution, ce qui fait que cet album ne ressemble que très peu à leur début, Fever To Tell.

Le morceau d’ouverture, Gold Lion, donne le ton, débutant avec une guitare acoustique et des paroles répétées et s’achevant dans un chaos contenu au-dessus duquel trône les cris de Karen O, figure de proue du nu-rock et personnalité très attachante. Les Yeah Yeah Yeahs ne sont que trois, mais remplissent totalement l’espace stéréophonique, grâce à l’excellente batterie de Brian Chase, et les acrobaties guitaristiques d’un Nick Zinner qui pourrait être le nouveau John Frusciante. Ceci dit, certains morceaux sont agrémentés par des claviers ou par une seconde guitare.

La première moitié de l’album est très solide, mais les morceaux obéissent à leur propre logique, sans chercher le refrain qui tue, ou l’énergie juvénile à la Date With The Night. Honeybear va flirter avec le disco, et le superbe Cheated Hearts montre que les YYY peuvent égaler, au minimum, le magnifique Maps.

La seconde moitié du disque continue dans cette expérimentation étonnante, comme Dudley, très Sonic Youth, ou l’énergique Mysteries. Ceci dit, la qualité est relativement inégale, mais il faut dire que la barre est placée très haut à certains moments.


Show Your Bones
est original, organique, personnel, mais rend l’écoute parfois bizarrement inconfortable, quand on est habitué à des seconds albums plus consensuels.