Archives de catégorie : Chroniques

Single : Beady Eye – Bring the Light

Il l’a fait, finalement. Un an et demi après que son frère Noel se soit cassé d’Oasis, Liam et le reste du groupe (les guitaristes Andy Bell et Gem Archer, le batteur Chris Sharrock et le claviériste Jay Darlington, auxquels on ajoute le bassiste de Gorillaz Jeff Wootton) sort le premier single de Beady Eye, Bring the Light. Le morceau est produit par Steve Lillywhite, et précède un album qui devrait sortir l’an prochain.

Et ça ressemble à quoi? Pas aux Beatles, c’est déjà ça, mais plutôt à un étrange mix entre les Kinks et Status Quo. Plein de claviers, un choeur, et des paroles absolument abyssales. Au moins un point commun avec Oasis. Mais gros bof quand même, on attend la suite.

Le morceau est écoutable ici plus bas, et en téléchargement gratuit sur le site, suffit de cliquer. Il y avait aussi un 7″ en édition limitée (4000) avec la face B Sons of the Stage, mais tout est parti, sans doute pour se retrouver sur eBay dans quelques semaines.

Neil Young – Le Noise

Aussi cliché que cela puisse paraître, Neil Young, soixante-quatre ans, fait ce qu’il veut, et ce depuis un paquet d’années. Il suffit de jeter un oeil à ses dernières sorties. Un album-concept sur la vie rurale Américaine, accompagné d’une tournée aux tarifs prohibitifs durant laquelle Neil n’a rien joué d’autre que cet album? Un album tout aussi concept sur sa voiture électrique? Une suite à un album jamais sorti? Last but not least, un monumental projet d’archives s’étalant sur plusieurs dizaines de disques, dont seuls quelques uns ont vu le jour jusqu’ici? Neil Young a fait tout ça, et bien plus encore.

La dernière sortie du plus Américain des Canadiens est un album solo, au sens strict du terme : Neil Young est le seul musicien de l’album. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pas du tout d’un album acoustique : la majorité des morceaux est effectivement très électrique. Alors, c’est quoi le truc? Le truc, c’est le mec qui donne son nom à l’album, Daniel Lanois. Surtout connu comme producteur de U2 avant que U2 ne sombre, son importance ici est telle qu’il aurait du avoir son nom à côté de celui de Young (mais c’est le cas, en fait). Lanois a pris la voix et la guitare de Young et a tout passé sous quantité de filtres, d’effets, de délais, de distortion, histoire qu’un processus censé être organique devienne bizarrement artificiel. Le résultat, intéressant, est pourtant mitigé.

Walk With Me et Sign of Love montre Young dans son côté le plus grunge, celui qui aura tant influencé ses fils spirituels de Seattle. Les guitares sont abrasives et denses. Lanois plonge le tout dans un bain de formol, transformant l’immédiateté des accords en expérimentation vaguement électro, comme s’ils (Lanois et Young) avaient voulu expressément détruire la simplicité des chansons, leur ajoutant des effets saugrenus et rallongeant certains passages à l’extrême, parfois à l’aide de drones, comme à la fin de Sign of Love.

La technique employée par Lanois montre vite ses limites, vu que, finalement, il fait toujours la même chose. Prendre un accord, appuyer sur trois boutons de son pro-tools (notamment le bouton « The Edge »), et répéter le tout pendant six minutes. On attendait donc les deux morceaux acoustiques, pour voir ce que ça donnerait. Peaceful Valley Boulevard est en fait traité de la même manière, et n’en finit pas, avec ses histoires d’ours polaires qui voguent sur des morceaux de glace détachés de la banquise, mais Love and War montre un Young plus pur, plus direct, en proie avec une autocritique assez tranchante de ses propres paroles (« When I sing about love and war / I don’t really know what i’m singing / I’ve been in love and I’ve seen a lot of wars »). Mais cela reste Neil Young acoustique, et il faudrait sans doute être mort pour ne pas être affecté.

Angry World commence comme Kid A, mais Everything In Its Right Place se voit remplacé par un morceau politique sur la crise économique, parce que, voilà, quoi. Heureusement, Hitchhiker rappelle brutalement l’intensité dont peut faire preuve Young, qui revisite ici ses jeunes années et les drogues qui se succédèrent au sein de son organisme. Rumblin’ clôture un album court (huit morceaux) et sonne exactement comme son titre.

Alors, qu’en dire? Oui, les trucs employés par Lanois sont assez répétitifs, et même si l’idée de départ pouvait sembler intéressante, on reste dubitatif quant à sa pertinence, surtout quand on se rend compte que les morceaux sont les plus immédiats écrits par Young depuis un petit bout de temps. Néanmoins, certains passages sont fascinants, quand on oppose la voix rustique du vieux Young, et sa guitare simple mais ô combien expressive à certains trucs de studio, sinon d’avant-garde au moins relativement modernes.

Le Noise est donc loin d’être un échec, mais pourrait être considéré comme un point de départ. Le week-end dernier, lors du concert annuel de charité Bridge School Benefit, organisé par Neil Young, Pearl Jam a repris Walk With Me, avec Young à la guitare. Et si on se mettait à imaginer une nouvelle collaboration (Young et Pearl Jam ayant enregistré deux disques ensemble, en 1995), voire une tournée? Les morceaux de Le Noise se doivent de sortir du studio : ils ont besoin d’air.

Spotify : Neil Young – Le Noise

Soundgarden – Telephantasm

L’information a peu circulé, mais elle est pourtant authentique. Quand Chris Cornell a tweeté, le 1er janvier 2010, que « The Knights of the Sound Table ride again », la réunion de Soundgarden n’avait pas dépassé le stade embryonnaire. La déclaration était très prématurée, le groupe s’était juste réuni pour discuter sortie d’un album de raretés, voire d’un coffret. Cornell, dont la carrière était devenue la risée de tous, aura pourtant atteint son but : tout le monde a pris la déclaration comme officielle (Cornell s’est défendu en assurant qu’il parlait juste du fan club de Soundgarden), et petit à petit, le groupe s’est laissé convaincre par l’intérêt d’une reformation.

Soundgarden n’est jamais que, grosso modo, le 137e groupe des nineties à se reformer. Mais presque un an après l’autoscoop de Cornell, la situation de Soundgarden est bien différente de, disons, Stone Temple Pilots ou Faith No More. Trois concerts et rien de concret de prévu, ni sur scène, ni sur disque. La faute au batteur Matt Cameron, qui a rejoint Pearl Jam en 1999 et a prévenu dès le départ qu’il jouerait avec Soundgarden entre les tournées et sessions de Pearl Jam, ce qui laissait donc une douzaine de jours par an. A moins que Pearl Jam entame une longue pause dans leur carrière (ce qui n’est jamais arrivé en vingt ans), il est donc probable que Soundgarden ne se relance pas vraiment. Telephantasm, leur première compilation représentative, est censée nous dire si on doit le regretter. Contrairement à A-Sides (1997), disque hâtivement compilé suite à leur séparation, Telephantasm tend à être un aperçu complet de la carrière d’un des quatre titans de Seattle. Exactement comme A-Sides, Telephantasm n’y arrive que par moments, laissant au final un sentiment de gâchis et de travail mal fait.

Pourtant, ça commence bien, avec carrément un morceau d’histoire : All Your Lies est extrait de ce qui est une de deux compilations fondatrices du grunge (il fallait bien que je sorte « le » mot), Deep Six, sortie en 1986. Le premier morceau de bravoure est Beyond the Wheel : Kim Thayil réinvente Black Sabbath, alors que Chris Cornell sort une performance vocale absolument époustouflante. Beyond the Wheel, comme la majorité des deux premiers albums du groupe (Ultramega OK et Louder Than Love) est résolument anti-commercial, lourd, puissant et terriblement impressionnant. C’est simple : personne n’a jamais chanté comme ça. Malheureusement, Telephantasm n’inclut que quelques morceaux de cette époque, dont le parodique Big Dumb Sex et une version live assez pourrie de Get on the Snake. Ce sont là les deux défauts de la compile, on en parlera.

Badmotorfinger sort en 1991, et là, évidemment, on rigole moins. 1991, c’est en même temps le début du grunge, et sa mort. En quelques mois, outre Badmotorfinger, sort Ten (Pearl Jam) et Nevermind (Nirvana), le grunge passe à la tv, Vedder se suspend aux échafaudages, Cobain devient le symbole d’une génération, Staley attend son heure et Weiland affute sa VHS. Pour Soundgarden, c’était le début de la seconde étape, celle de l’accessibilité. Les deux premiers albums étaient bien trop tordus pour pouvoir se vendre, et Badmotorfinger, probablement leur chef d’oeuvre, allait commencer à changer ça. Room A Thousand Years Wide montre le ton, un son moins brutal, plus mélogique, plus « écrit ». La voix de Cornell devient plus enragée, mais le groupe ne quitte pas la bizarrerie pour autant, avec un coda de trompette et saxo, qui fait que, comme souvent, le morceau se traîne en longueur.

Rusty Cage sera le premier hit du groupe, et a même connu les honneurs d’une reprise par Johnny Cash. Thayil n’en avait évidemment pas besoin, lui qui maîtrisait, à ce moment, la science du riff et du son parfait, aussi exprimé dans le sec Outshined et le flamboyant Slaves and Bulldozers. C’est lourd, mais totalement écoutable. C’est aussi fantastique. Malheureusement, Jesus Christ Pose est présent en version live, à son détriment. Pour différentes raisons, Soundgarden n’a jamais sonné aussi bien live qu’en studio, à l’exception possible de Matt Cameron. L’époque Badmotorfinger se termine avec le quasi hardcore Birth Ritual, présent sur la légendaire BO de Singles, et l' »inédit » passable Black Rain, qui clôture le second disque.

On peut donc passer à l’explosion commerciale. MTV, à l’époque, était le media de base pour vendre du disque, il fallait donc faire de beaux clips. Voici donc Black Hole Sun, qu’on ne présente plus. En plein dans la période obsessionnelle Beatles de Cornell, BHS est un morceau passable mais qui décroche la lune à ses auteurs, et leur plus gros hit, leur « belle » chanson. Les autres extraits de Superunknown sont moins soft, mais aussi moins aventureux que ce qui précède, tout en restant tout à fait appréciables, surtout My Wave et Spoonman. On peut quand même se demander pourquoi Let Me Drown a été omis de la compile, mais il faut toujours faire des choix. Comme celui d’avoir pris l’inférieure version vidéo de Fell On Black Days.

Et puis, la merde a atteint le ventilateur. On pouvait déjà le pressentir : le talent de Soundgarden, ce qui les rendait unique (en gros, un guitariste qui faisait passer Tony Iommi pour un jazzman et un chanteur qui pouvait surpavarotter Pavarotti), se diluait petit à petit. Et alors que leurs contemporains connaissaient des fortunes diverses, Soundgarden s’est mis dans le soft rock chiant, avec un chanteur plus proche de Céline Dion que de Robert Plant. Down on the Upside est un chant du cygne indigne de la légende du groupe, et Telephantasm aggrave encore le cas, en choisissant des versions live boîteuses, dont un Pretty Noose carrément horrible. La séparation du groupe était aussi logique qu’inévitable.

Telephantasm donne une impression mitigée, limite désagréable. Oh, les morceaux sont bons (surtout le premier disque), mais les deux gros défauts de la compile (surreprésentation de la seconde période, présence de versions live foireuses) pourraient faire croire que Soundgarden était le groupe surestimé du Big Four de Seattle. Pendant ce temps, Alice in Chains nous a fait le coup du phénix, Pearl Jam vieillit avec grâce et Nevermind n’a pas pris une ride.

Spotify : Telephantasm