Archives de catégorie : Chroniques

Bob Dylan – Blood On The Tracks (1974)

BloodTracksCoverCe qui est intéressant, avec ce système de tirage au sort d’albums, c’est que je peux m’intéresser à des disques que je n’aurais pas eu l’idée d’écouter. C’est le cas ici, je ne suis pas un grand appréciateur de la musique de Dylan, que je respecte, surtout pour la conscience sociale de ses débuts. Blood On The Tracks, sorti en janvier 74, est son quinzième album, et fut considéré à l’époque comme un retour en forme, et est toujours une référence maintenant, comme un de ses derniers grands albums.

Blood On The Tracks est un album de blues/folk, dominé évidemment par la guitare acoustique et la voix nasale de Dylan, aidé par une instrumentatation discrète mais efficace. Les morceaux sont tous liés thématiquement, et tournent autour de l’amour, et de ce qui en découle, ou du moins les aspects négatifs. Dylan se montre en très grande forme lyrique, comme en attestent Shelter From The Storm, où l’épique Lily, Rosemary And The Jack Of Hearts et sa narration complexe ; alors que le doux You’re A Big Girl Now est plus tranquille et simple.

 
Dylan est en roue libre, jouant avec facilité sur ses talents de narrateur et de parolier : il ne cherche pas à se considérer comme un grand chanteur, de toute façon. Blood On The Tracks est un album parfait en tant que tel, mais qui ne touchera pas ceux pour qui Dylan n’a qu’un intérêt somme toute relatif, parce qu’on ne peut pas dire que tout cela est très varié. Maintenant, qui arrive à sortir un album pareil pour son quinzième?

Shelter From The Storm

 

Daft Punk – Alive 2007

Je ne suis pas fan de Daft Punk, même si j’ai pas mal apprécié le premier album, tout en détestant Human After All. De même, je me demandais l’intérêt de sortir un album live pour de la musique qui n’est quand même pas techniquement « jouée live ». Comme j’avais tort.

Alive 2007 est une véritable bombe, même pour quelqu’un qui préférerait être pendu par les pieds au sommet de l’Atomium à me retrouver dans une boîte technohouse. Les deux artistes démolissent leurs propres morceaux, les réarrangent et les boostent à coups de basses et d’effets sonores, et ce dès le début, avec une intro monstrueuse : des samples ping-pong de Robot Rock (ROBOT!) et Human After All (HUMAN!) avant que le vrai début de Robot Rock emmène Bercy dans une transe d’une heure et demie. Tous les hits y passent, des Around The World et Da Funk des débuts à un mashup ultime One More Time/Aerodynamic, en passant par Rollin’ And Scratchin’ + Alive, comme si c’était 1997.

On pourra toujours reprocher quelques longueurs, mais c’est de la house, et la basse énorme et les beats dévastateurs (Prime Time Of Your Life) compensent largements. Le rappel, étrangement placé en cd bonus d’édition limitée (mais il est vrai, relativement dispensable), reprend One More Time en y ajoutant Together et Music Sounds Better With You, des projets parallèles des deux robots.

Un des rares albums live essentiels, et plus terre à terre, une véritable tuerie.

Sigur Rós – Hvarf/Heim

C’est très difficile de parler d’un album de Sigur Rós. D’abord, à moins de parler soit islandais soit leur langage imaginaire (ce qui n’est pas mon cas, surtout pour le second), on ne comprend rien de ce qu’ils racontent, donc, ça fait déjà quelques lignes d’analyse poétique en moins. Ensuite, vu qu’ils sont islandais et que leur musique n’est pas à proprement parler fort marrante, on doit éviter les clichés genre glaciers, fjörds, geysers et Björk. Presque aussi ardu que de parler de Pete Doherty. Enfin, la raison principale : leur musique est tellement magnifiquement intemporelle qu’elle défie l’expression, comment pouvoir en parler, la décrire décemment?

Un truc : parler des faits. Hvarf/Heim n’est pas exactement leur cinquième album, mais une double compilation. D’un côté, cinq morceaux inédits ou rares, et de l’autre, six versions acoustiques de morceaux déjà parus. Loin d’être une collection de rejets, Hvarf possède deux morceaux immenses. Í Gaer, tout d’abord, qui appelle l’esprit de Mogwai pour en faire six minutes aussi bruyantes que mélancoliques ; Hljómalind ensuite, sans doute leur morceau le plus simpliste mais qui accroche par sa mélodie et une basse que n’aurait pas renié Radiohead. Les autres extraits sont peut-être moins percutants (même si l’épique Von est tout aussi excellent), mais en ne sélectionnant que cinq morceaux, il n’y avait que peu de risques de trouver quelque chose de mauvais.

200px-Heim-coverCeci dit, il est tout aussi facile de détester Sigur Rós, notamment en s’attaquant au chant de Jónsi Birgisson, ou au concept même tournant autour du groupe. De plus, un double album avec cinq raretés et six versions acoustiques, c’est un peu n’importe quoi, surtout pour un groupe qui peine à se renouveller. Hvarf est assez accessible, cependant, par rapport à d’autres morceaux du groupe : même si Hafsol dure presque dix minutes, on ne s’y ennuie pas une seule seconde, et le crescendo final est impressionnant.

Heim est plus intime, mais aussi moins transcendant. Staralfur sort du lot, mais parce que la version originale était déjà phénoménale. Sinon, ça se traîne, et Birgisson est même carrément à côté de la plaque sur Von.

Drôle d’idée que cet album, dont la seule (et douteuse) raison d’être est l’accompagnement du DVD Heima. Il comprend des morceaux de brillance, mais sa relative inutilité joue contre lui, tout comme une seconde partie tout à fait remplaçable. On attend mieux.

Radiohead – Hail To The Thief (2003)

600px-Radiohead.hailtothetheif.albumartAvant de sortir son sixième album, Radiohead avait déjà une carrière bien remplie. Un premier album bien reçu avec un mégahit (Creep), un second qui définit le post-grunge, un troisième qui sera reconnu comme un des plus importants de l’histoire du rock, et enfin, une paire d’opus expérimentaux et très impressionnants. Il ne semble plus vraiment y avoir de barrières à franchir, et c’est dans se contexte que Radiohead a pu enregistrer leur album le plus "facile" à ce jour.


Comme à chaque fois depuis Kid A, on se demande (assez stupidement d’ailleurs) si le groupe va revenir au bon gros rock, et 2 + 2 = 5 semble répondre aux attentes, surtout dans sa seconde moitié mouvementée. Ce n’est forcément qu’un mirage : même si les élements électroniques sont moins présents, il le sont toujours (le final de Sit Down stand Up, par exemple), et la guitare n’est jamais qu’un instrument parmi d’autres. Hail To The Thief est un album long (une heure, quatorze morceaux), dense et varié : on aurait pu retrouver Sail To The Moon sur OK Computer, alors que Go To Sleep est basé sur une guitare acoustique, ce qui est très rare, chez Radiohead.

Si l’on veut chercher une différence majeure entre HTTT et les deux albums précédents, ce serait peut-être une recherche mélodique plus poussée. Une majorité des morceaux ici sont basés sur une mélodie, quelque chose d’accrocheur et d’attachant, qui les rend plus… humains, peut-être. Where I End And You Begin en est un bon exemple, et comprend aussi une utilisation intéressante des Ondes Martenot par le bidouilleur en chef Jonny Greenwood. Ce qui n’empêche pas les expériences bizarres, comme We Suck Young Blood, emmené par un piano et rythmé par des claquements de mains, ou The Gloaming, entièrement manipulé en post-production.

Le premier single n’arrive qu’en neuvième place sur l’album, et c’est peut-être là sa faiblesse ultime. Est-il trop long, trop dense? Rien n’est à jeter, certes, mais il aurait peut-être mieux valu reléguer deux-trois morceaux en faces B (là où se trouvent déjà quelques perles). De même, après les derniers albums, il est étonnant, voire un peu gênant, d’entendre des morceaux relativement simples et accrocheurs, comme, justement, There There. Rien de mal à ça, et Radiohead continuera d’ailleurs la tendance dans le prochain album, In Rainbows, après que Thom Yorke ait exorcisé ses démons numériques sur The Eraser. I Will pousse d’ailleurs la simplicité jusqu’à son quasi-paroxysme, nous montrant une nouvelle facette du groupe, tout cela après six albums. Mais dans une schizophrénie typique, Myxomatosis envoie une basse trafiquée directement là où ça fait mal et ferait presque… danser. A Wolf At The Door clôture l’album, avec un Thom Yorke toujours inquiétant et mystifiant.

Hail To The Thief n’a pas l’importance des quatre albums précédents, c’est indéniable. Ce qui n’empêche pas son excellence, et surtout, son importance personnelle pour Radiohead, qui semble avoir trouve son équilibre. Même s’il continueront certainement à surprendre à chaque nouvelle sortie, comme pour le récent In Rainbows, qui aura attendu quatre longues années avant de voir le jour.

 
 
2 + 2 = 5

 
 
Where I End And You Begin

The Raveonettes – Lust Lust Lust

Un détour vers le nord pour les deux prochains articles de Music Box. Avant Sigur Rós, c’est au tour du duo Danois The Raveonettes, qui vient de sortir son quatrième album. Dingue quand même, non? L’Islande a Sigur Rós (entre autres…), le Danemark The Raveonettes et la Belgique Hollywood Porn Stars. Soit, rien de bien nouveau chez Sune Rose Wagner et Sharin Foo, qui attendent sans doute avec impatience le retour de My Bloody Valentine.

Car, une fois de plus, les influences shoegaze sont enormes, et sont maintenant accompagnée d’une batterie complètement électronique. On se concentre donc sur les voix froides et harmonisées des deux vocalistes, de la basse puissante et d’un mur de son guitaristique qui nous replonge tout droit dans Lost In Translation (pour ma génération 😉 ).

Lust Lust Lust, sans trop faire dans le cliché, est très froid mais efficace, et emprunte également dans la pop des années 60 chère à Phil « je l’ai échappé belle » Spector. Il est aussi évidemment très limité techniquement, fort répétitif, mais arrive à faire passer une palette d’émotions en utilisant peu. Il faut aimer, mais si Psychocandy est votre album d’île déserte, alors… Un album intemporel, bruyant et brillant.