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Chroniques d’anciens albums

Iron Maiden – The Number of the Beast (1982)

Iron_Maiden_-_The_Number_Of_The_BeastQuand il faut discuter du plus gros groupe metal, la réponse générale semble évidente. Metallica est connu de tous, au moins de nom, et sans doute grâce à un des deux lents boulets du Black Album. Mais quand il faut parler du plus grand, du plus fort, du meilleur groupe du putain de heavy metal du monde, deux mots résonnent, avec autant de force que l’instrument de torture qui a leur donné un nom, et avec aussi peu de pitié que l’ex-Première ministre anglaise qui l’a également porté. IRON fucking MAIDEN.

Iron Maiden c’est d’abord Bruce Dickinson, phénoménal chanteur, frontman charismatique, homme charitable (en tant que pilote d’avion de ligne, il participe assez souvent à des missions humanitaires) et ennemi de Sharon Osbourne. Et quiconque est ennemi de Sharon Osbourne mérite qu’on lui paie un verre, ou du moins qu’on écoute un de ses albums.

Et cet album, c’est son premier avec le groupe, premier d’une longue série, et classique intemporel du heavy metal. Iron Maiden a débuté quelques années plus tôt, avec deux albums, chantés par Paul Di’Anno, aux accents plus punk (fin des 70s oblige), mais c’est avec The Number of The Beast que leur empreinte allait marquer l’histoire. Il est tellement influencé la suite du genre, qu’il est difficile de vraiment en parler, disons donc simplement que pas de NotB = pas de metal en 2007.

De plus, il est important de dire que tout au long de leur carrière (qui approche les trente ans), Maiden a beaucoup évolué, parfois dans des terrains marécageux et pas toujours très recommendables. Les synthés, les morceaux épiques de 15 minutes, et – pire – la période période Blaze Bayley gagneraient à être oubliés. Même si The Number of The Beast est loin d’être leur seul bon album, et que leurs dernières sorties sont toujours recommendables, il faut avouer qu’il s’agit de leur sommet de pur heavy metal.

Il suffit, pour en être convaincu, de plonger au beau milieu du disque, avec le doublé The Number of The Beast / Run To The Hills, deux des morceaux metal les plus impressionnants, deux classiques parfaits du genre. Un sommet de guitare rythmique, de riffage insensé et de batterie heavy, et surtout une prestation magistrale de Dickinson, un des meilleurs vocalistes metal de l’histoire. De plus, les autres morceaux restent d’un très bon niveau, si l’on exclut les paroles parfois assez cliché (mais c’est une des caractéristiques du groupe, à prendre ou à laisser). Hallowed Be Thy Name clôture, avec des parties de synthés jouées par des vraies guitares, ce qui ne restera hélas pas le cas longtemps.

Á classer parmi les classiques du genre, et à faire écouter à tout le monde qui pourrait avoir un intérêt mineur pour le metal : cet album a créé des dizaines de groupes, a changé la vie de milliers de personnes, et continuera à le faire.

Therapy? – Troublegum (1994)

folderPour des raison parfois difficiles à comprendre, certains groupes connaissent un succès important dans certains pays, et pas dans d’autres. C’est, ou du moins c’était, le cas de Therapy?, groupe nord-irlandais qui a connu, entre les années 94-98 un grand succès en Belgique, qui s’est confirmé par un beau paquet d’apparitions en festival, et en concert au quatre coins du pays (et pas seulement aux typiques Werchter/Pukkelpop/Bruxelles).

Le succès commercial commença avec cet album, leur second album complet. Par chance, il sortit en même temps que la fin de la vague grunge, ce qui poussa les média à les voir comme sauveurs du rock et trucs de genre, ce qui peut toujours être utile pour vendre des disques. Le single majeur de Troublegum, Screamager, sortit un an plus tôt (Shortsharpshock EP) et se retrouve carrément dans le top 10 anglais. L’album connut aussi un grand succès, notamment grâce aux autres singles, Nowhere, Turn, Die Laughing et Isolation.

Tout cela est très bien, mais que vaut l’album? Et bien, il est très bon. Alliant le mal-être de la période grunge à des riffs punk rock, le tout emmené par une section rythmique assez exceptionnelle, la musique de Troublegum pouvait atteindre un maximum de personnes aux oreilles pas trop bouchées. Les morceaux sont accrocheurs (oserais-je dire pop?) tout comme la voix d’Andy Cairns (le type le plus sympathique du rock). Mais la puissance, et parfois la violence ne sont pas négligées, tout au long de quatorze morceaux d’apparence assez simples (Cairns était à l’époque le seul guitariste) mais marquants. Knives, par exemple, compresse en moins de deux minutes la puissance de Black Sabbath qui se fait bastonner par Bad Brains, alors que les singles déjà cités sont un mélange parfait entre mainstream radio (enfin, pour 1994, 13 ans après les choses ont hélas changé) et rock n roll. D’autres tracks, comme Hellbelly ou Stop It You’re Killing Me apportent leur lot de riffing frénétique, et l’excellente reprise de Joy Division (Isolation) confirme les thèmes omniprésents : la solitude, le désespoir, le manque de confiance, voire la folie.

Vers la fin de l’album, Unrequited ajoute quelques accords de violon, qui seront longtemps présents dans la vie du groupe, grâce à Martin McCarrick, qui deviendra plus tard leur second guitariste. Car Therapy?, en 18 ans de carrière toujours en cours, n’aura jamais fait deux fois le même album. Troublegum n’est sans doute d’ailleurs même pas leur meilleur. Le succès commercial durera encore un album, Infernal Love, leur plus commercial (avec les singles Diane et Stories), avant que le très troublé Semi-Detached leur fasse vivre un No Code.

Rage Against The Machine – Rage Against The Machine (1992)

rageEn 1992, même si cela semble impossible à imaginer maintenant, on voyait des clips de rock à la TV. Même sur MTV. L’attention était centrée sur Seattle, où deux groupes en particulier se faisait entendre : Pearl Jam et Nirvana. Un peu plus au sud, un des mélanges musicaux les plus extrêmes et les plus importants de l’histoire commençait à faire du bruit. Beaucoup de bruit.

En 1992, même si cela semble impossible à imaginer maintenant, on ne voyait pas beaucoup de clips de rap à la TV. Même pas sur MTV. Le mouvement était encore underground, et signifiait encore autre chose que des pouffes aux gros seins, des bagnoles tunées et des sonneries de GSM. C’était la voix de la rue, the Voice of the Voiceless. Voix qui faisait peur a l’establishment WASP américain, malgré le génie et la popularité d’artistes comme Public Enemy ou Afrika Bambaataa, pour n’en citer que deux. Aussi peur, si pas plus, que le heavy metal des années 70.

Il ne manquait plus qu’allier les deux, y ajouter une grosse dose de littérature sociale, pour tenter de changer le monde. Et pour cela, quoi de mieux qu’un groupe composé de gamins d’origines et de cultures diverses. Rage Against The Machine est né, et en 1992 sortit un des albums les plus importants jamais enregistrés. Zach de la Rocha, Tom Morello, Tim Commerford et Brad Wilk allaient changer le rock n roll.

Car il changea la face de l’industrie musicale, créant un pont entre les différents styles musicaux (ce qu’avaient déjà tenté de faire, avec succès, les jeunes Red Hot Chili Peppers), alliant différentes cultures derrière un message politique, pire : communiste. Rage n’a jamais fait dans la demi-mesure. Quand ils faisaient de la critique sociale, c’était avec un message marxiste, quand ils voulaient supporter les minorités opprimées dans le monde, c’était en apportant des armes à la guérilla mexicaine, et quand ils voulaient se faire entendre, c’était avec de la putain de musique.

Putain de musique, alliant la violence pure du hardcore new-yorkais, le phrasé des meilleurs MC, le rythme de Funkadelic et du pur metal influencé par Jimmy Page et Fred Sonic Smith. Le premier album, dans sa totalité, est un exemple parfait de tout cela, et il serait aussi futile qu’inutile de le diviser en morceaux individuels, même si Killing In The Name Of est un vrai hymne, dont le thème sera toujours d’actualité pour de nombreuses années.

Mais le plus bluffant, c’est l’incroyable talent musical du groupe, avec une section rythmique dantesque et Tom Morello, éminemment reconnu comme un des guitaristes les plus originaux du monde. Rage a toujours mis un point d’honneur à préciser qu’aucun instrument autre que guitare, basse et batterie n’était présent sur leurs disques, ce qui se révèle stupéfiant quand on entend Morello imiter tour à tour un mur de violons et une platine de DJ.

Trois excellents albums plus tard (plus un album de reprises tout aussi percutant), Rage Against The Machine se sépara dans la douleur. Zach de la Rocha disparut du radar, alors que les trois musiciens formèrent Audioslave, donc la carrière (trois albums) ne fut pas vraiment une réussite. Et il y a quelques semaines, arrive l’improbable : Rage Against The Machine se reforme, tout d’abord pour un concert unique au festival de Coachella, et ajoute ensuite trois dates conjointes avec le Wu-Tang Clan. Allié avec la fin officielle d’Audioslave, on se met à rêver d’une reformation, d’un nouvel album qui serait tellement d’actualité (il suffit d’imaginer que Rage était déjà fini quand Bush accéda au pouvoir), et d’un triomphal retour.

Dans une époque où tout est mis en oeuvre pour nous empêcher de réfléchir, nous devons mettre toutes les chances de notre côté. Et Rage Against The Machine est plus qu’une chance, c’est un modèle de vie et de réflexion.

Sex Pistols – Never Mind The Bollocks Here’s The Sex Pistols (1977)

Never Mind The Bollocks Here’s The Sex Pistols n’est foncièrement pas terrible, et pour avoir soi-disant lancé le mouvement punk, il n’est même pas le premier dans le domaine. Il n’empêche, il est, et reste, un des albums les plus importants de tous le temps. Autant tordre le cou aux mauvaises langues (et aux mauvaises doubles métaphores) : que ce soit le groupe lui-même, Malcolm McLaren ou le pape qui a créé les Sex Pistols, on s’en fiche, ce qui compte c’est le produit fini, et son impact inouï.

D’abord, le nom du groupe et le titre de l’album touchent tous deux aux tabous bien actifs à l’époque, le sexe et la vulgarité. Ensuite, les deux premiers singles (et les meilleurs morceaux ici) : God Save The Queen (rime suivante : « the fascist regime ») et Anarchy In The UK (et son légendaire « no future »). Et puis, la musique, alliant riffs rock n roll à la voix traînante et aggressive de Johnny Rotten, et évidemment l’attitude, chambres d’hôtel en moins.

L’album commence fort : Holiday In the Sun fait d’emblée une référence aux camp de concentration de Belsen-Bergen, avant que Bodies ne parle d’avortement (encore pas facile maintenant, alors en 77…). La suite est du même acabit, se terminant avec EMI, cinglante attaque (ô combien d’actualité) sur un des futurs Big Four, vampires de la musique moderne. Évidemment, les deux singles marquent l’album, ainsi que d’autres excellents brûlots, comme Problems.

Alors, oui, tout cela est limité musicalement, les morceaux se ressemblent un peu/beaucoup, on a quand même un tiers de potentielles faces B, l’humour puéril de Rotten peut fatiguer (Pretty VaCUNT, ok, on a pigé), et la recherche constante de la confrontation n’est pas des plus subtiles (The Clash arrive, ceci dit). Mais on ne fait pas une révolution avec des nuances.

Never Mind The Bollocks a crée le premier trou générationnel au sein même du rock, et à permis de relancer une machine qui commençait, paradoxalement, à s’embourgeoiser. Les tendances musicales évolueront, certains appelleront même punk des clowns à la Offspring ou Blink-182. Mais rien ne changera l’importance d’un album qui n’a pas changé la musique, mais la société elle-même.

Queen – A Night at the Opera (1975)

queenEn 1975, Queen comptait déjà trois très bons albums, et n’avait plus qu’à sortir l’album classique, le chef d’oeuvre, celui qui allait les définir pour les décades à venir. A Night At The Opera, donc. Extrêmement varié, osé tout en restant assez accessible, ANATO reste, plus de trente ans après sa sortie, un objet curieux et très attirant.

Le début est assez violent, avec Death On Two Legs, attaque non déguisée contre le premier manager du groupe, accusé d’avoir volé le groupe (Queen a toujours été proche de ses sous, on y reviendra). Après cette tranche de hard rock menée par la voix indescriptible de Freddie Mercury, on ne saurait pas faire plus différent, avec Lazing On A Sunday Afternoon, typquement le genre de morceau que seul Mercury pouvait sortir sans être ridicule. Dans le genre ridicule, I’m In Love With My Car ose, parce qu’une chanson d’amour sur une bagnole, chantée par le batteur Roger Taylor (et sa voix encore plus haute que Freddie), faut le faire. Mais ça marche.

Pour faire encore plus varié, arrive ensuite une composition du bassiste John Deacon, le très doux You’re My Best Friend, pétri de bonnes intentions. Le cinquième morceau, écrit et chanté par le guitariste Brian May (qui passera le plus clair des années 90-00 à ridiculiser son groupe, mais bon), bat tous les records : ’39 raconte l’épopée d’astronautes, qui reviennent sur Terre en découvrant un continuum espace-temps différent. Ou quelque chose comme ça, May est docteur en astronomie, pas moi.

On peut déjà remarquer que les quatre membres contribuent séparément à l’écriture des morceaux, ce qui créera d’intenses dissensions et disputes en ce qui concerne les royalties. tout cela ne sera réglé qu’avec The Miracle (1989) où le groupe co-signe officiellement chaque composition. Retour à l’album, et retour au bon gros riff ac/dcien, avec Sweet Lady, puis un nouveau virage à 180°, Seaside Rendezvous et les envolées vocales incomparables de Freddie Mercury, qui joue avec sa voix un orchestre entier. The Prophet’s Song enfonce le clou, 8 minutes de pures bizarreries limite prog rock, et des multi-tracked vocals en veux-tu en voilà. Il manquait encore un morceau jazzy joué à l’ukulele, et c’est exactement ce qu’est Good Company. Ensuite, l’album se clôture tranquillement, avec un morceau très discret, appelé Bohemian Rhapsody.

Que dire sur Bohemian Rhapsody qui n’a pas encore été dit, et redit? Que c’est la preuve qu’un morceau peut être très complexe et pourtant connaître un gros succès commercial. Que le morceau est composé de six parties, toutes différentes et techniquement difficiles. Que le headbanging du solo de guitare est un des moments classiques du rock n roll. Que Queen tenait son morceau légendaire, son A Day in The Life, son Stairway To Heaven. En mieux. Juste une petite info, en passant : il a fallu trois semaines pour enregistrer les quelques secondes de la partie « Galileo ». Enfin, l’album se clôture, comme tous les concerts de Queen jusqu’à ce jour, par la réinterprétation du God Save The Queen.
Queen ne s’arrêta pas en si bon chemin, car ils continuèrent à sortir toute une série d’excellents albums, jusqu’à News Of The World. Ensuite, il faut pêcher deux ou trois morceaux par disque, mais Queen n’a jamais sorti d’album très mauvais, même le posthume Made in Heaven est assez correct. Évidemment, il faut apprécier le glissement du groupe du hard rock au rock à synthés plus commercial, mais même pour les puristes,la carrière de Queen est remplie d’excellents moments, qui les définissent comme un des plus grands de tous les temps, sans aucun doute.