Slayer – Christ Illusion

La carrière de Slayer, probablement le plus grand groupe de trash metal de tous les temps, compte déjà 23 années d’enregistrements, qui ont débuté avec l’album Show No Mercy, mais c’est surtout avec Reign In Blood, en 1986, que le groupe a écrit un long chapitre dans l’histoire du metal. Reign In Blood, 20 ans après, sonne toujours aussi extrême, que ce soit de par sa musique, violente et très rapide, que par ses paroles, hmmm, violentes. Au total, Slayer aura sorti neuf albums studio, qui comptent tous leurs morceaux de bravoure, sauf peut-être le dernier, God Hates Us All (2001) où le groupe marquait un certain temps d’arrêt.

C’est peut-être pour cela que le fidèle Dave Lombardo, sans aucun doute un des meilleurs batteurs metal de l’histoire, est revenu au bercail après plusieurs collaborations (dont le Fantômas de Mike Patton). Christ Illusion est tellement Slayer, limite stéréotypé : la pochette censurée aux USA (un Jésus en très mauvais état baignant dans une mer de sangs et de têtes connues décapitées), les paroles nécessairement anti-religieuses (Jihad, par exemple) ou sataniquettes (« I made my choice : 666 »), et évidemment la musique, qui n’est rien d’autre que ce que fait Slayer depuis des années.

Mais voilà : si ce n’est que ce que Slayer fait depuis des années, ce sont eux qui le font le mieux. Araya assène les slogans qui servent de paroles comme personne, le duo King/Hanneman envoie des riffs et des soli d’enfer (ha ha) alors que derrière les fûts, Dave Lombardo continue à écrire sa légende. Et même si Christ Illusion ne rejoindra pas Reign In Blood, ou South of Heaven, il s’installe confortablement au milieu de leur discographie. Forcément un des meilleurs albums métal de l’année, du aussi au fait que le genre ne se renouvelle pas trop ces derniers temps (ce qui me fait penser que le métal est sous représenté sur ce site, je vais y remédier).

Peeping Tom – Peeping Tom

Depuis la séparation de Faith No More, il y a déjà 8 ans, Mike Patton s’est éloigné de la musique pop, voire accessible. Mr Bungle, Fantômas, son album avec Kaada; son label Ipecac : on ne peut pas dire que Patton a cherché la facilité, ce qui lui a valu un respect inversément proportionnel au succès commercial.

Maintenant, Patton nous revient avec Peeping Tom, qui, de son propre aveu, est son projet pop, et comprend des morceaux qu’il aurait aimé entendre à la radio. Évidemment, Radio Patton n’est pas une radio ordinaire, comme cet album le démontre.

Le ton de Peeping Tom est assez électro, on pourrait même parler, si cela existant encore (quoique, vu que Portishead menace de revenir) de trip-hop. On n’est donc que peu surpris de retrouver Massive Attack, même si leur morceau, lardé de guitares distordues, ne sonne que très peu Bristol. Chaque morceau comporte donc un invité, mais cela n’empêche heureusement pas Patton de chanter. On ne l’avait d’ailleurs plus entendu si clairement depuis la fin de FNM. Ceci dit, cela reste expérimental, comme on le remarque dès le premier morceau, ou sa voix est brutalement interrompue par une batterie très Dave Lombardo.

Il est donc difficile de définir le son de Peeping Tom (left-field trip hip pop sonne trop ridicule), voire impossible lorsque l’on arrive au morceau avec Bebel Gilberto, qui commence en bossanova avant d’exploser en drum n bass après 45 secondes à peine. Plus loin, Norah Jones raconte une sombre histoire de vengeance conjugale, avant que We’re Not Alone clôture l’album en rappellant Faith No More (va-t-il quand même finir par le reformer?)


Peeping Tom est un album cohérent, non exempt de passages plus faibles, mais prouve que Patton sait encore faire autre chose que le bizarre. On attend donc impatiemment le volume 2, prévu pour 2007.


Mission of Burma – The Obliterati

La sortie de ONoffON, en 2004, marquait la réunion d’un autre groupe quasi-mythique, les ténors du post-punk US Mission of Burma. Apparemment, ils ont décidé de continuer comme un groupe « normal », et deux ans après arrive The Obliterati. Et alors que, par exemple, Pixies ne sortiront pas (en tout cas jusqu’à nouvel ordre) de nouvel album, par peur de décevoir, Mission of Burma livre sans doute leur meilleur album, rien que ça.

Tout au long de l’album, Conley, Miller et compagnie jouent comme s’ils avaient encore quelque chose à prouver, avec une batterie psychotique, une basse qui fait imploser le cerveau de millions de fans de Franz Ferdinand dans le monde, et évidemment l’attaque de la guitare de Roger Miller, qui sonne aussi urgente qu’elle ne l’a jamais été. Chaotique mais maîtrisé (par Bob Weston, de Shellac), le troisième album de MoB en 24 ans (mais le second en trois ans) regorge de riffs imparables (Spider’s Web), d’effets sonores bruyants (1001 Pleasant Dreams, et son fond Jesus And Mary Chain vs Sonic Youth), de morceaux plus calmes (13) ou encore d’un (fantastique) instrumental appelé The Mute Speaks Out. On notera aussi que la manipulation sonore de Weston est entièrement analogique, effectuée au moyen de simples cassettes audio.

Tout aussi remarquable est l’évolution du message transmis par le groupe, plus introverti que dans le passé tout en collant à l’actualité, et à une thématique aussi left-wing que leur musique.

Évidemment, tout cela ne sonne pas très moderne, et si MoB était un nouveau groupe, ils seraient peut-être passés inaperçus. Des musiciens quarantenaires qui valent encore quelque chose, ça ne court pas les rues, d’où la révérence qui les entoure, même si elle est matériellement méritée.

De toute façon, un groupe qui appelle un morceau Donna Sumeria et qui cite I Feel Love au milieu de celui-ci mérite un éternel respect

Pharrell – In My Mind

Moitié du duo The Neptunes, tiers de N.E.R.D. et peut-être la personnalité hip-hop la plus importante dans le monde (enfin, peut-être plus maintenant, mais soit), Pharrell « Skateboard P » Williams sort enfin son premier album solo, après d’innombrables productions et featurings. Pour faire très court, disons que Pharrell (et son compère Chad Hugo, il est important de le souligner) ont lancé la carrière de Kelis ou Justin Timberlake et relancé celles de Gwen Stefani ou encore Snoop Dogg. Une statistique : en 2003, 43% des morceaux joués par les radios US étaient produits par The Neptunes.

En parlant de Gwen Stefani, elle intervient dans le refrain du premier single et morceau d’ouverture de cd, Can I Have It Like That. Un de meilleurs morceaux ici, qui tend à prouver, comme le suivant (How Does It Feel) que Pharrell n’a rien perdu de son génie imaginatif : des beats à l’instrumentation, tout est recherché, original et frais, et Pharrell se révèle même être un rappeur décent.

Malheureusement, l’album dans son ensemble se révèle médiocre, tant musicalement qu’au niveau des paroles (généralement pitoyables et ridicules). Les premiers morceaux sont de loin les meilleurs, mais par la suite, on regrette amèrement l’absence d’Hugo, qui, finalement, était peut-être le vrai génie derrière le nom Neptunes. La seconde moitié de l’album est même carrément inbuvable. De plus, les quelques invités n’arrivent pas, malgré leurs noms ronflants (Kanye West, Gwen Stefani, Snoop Dogg, Jay-Z), à relever un ensemble très décevant. Á vrai dire, on aurait préféré que Pharrell offre les quelques trouvailles (comme l’entraînant beat de Keep It Playa) à d’autres interprètes.

Deux solutions : soit Pharrell est fini, soit il a besoin de Hugo pour être efficace. En se souvenant des deux albums de NERD, de la compile Clones, et des productions Neptunes, on espère que la seconde est la bonne. En attendant, In My Mind est une grosse déception.

Dirty Pretty Things – Waterloo To Anywhere

Quelques mois après l’album de Babyshambles, c’est maintenant au tour de l’autre moitié créatrice de feu The Libertines à tenter de retrouver une place dans le paysage indie contemporain. Là où Pete Doherty apportait sa poésie mélancolique et sa voix cassée, Carl Barât offrait aux Libertines un son plus modrock, mais avec un esprit moins, disons, dérangé. Aidé par les ex-Libertines Anthony Rossomando et Gary Powell ainsi que l’ex-bassiste de Cooper Temple Clause Didz Hammond, Barât montre sa vision de la musique, différente de celle de Doherty. C’est donc sans surprise qu’alors que Down In Albion était un fouillis mal produit (mais non dénué de qualités), Waterloo To Anywhere est plus logique, plus propre, et produit par Dave Sardy. Ni mieux, ni moins bien, cette optique offre d’office un contrepoids à Babyshambles. Reste à voir si, et finalement il n’y a jamais que ça qui compte, les chansons assurent. En fait, Waterloo est sans surprise. Une majorité de morceaux rapides (pensez I Get Along, sur Up The Bracket plutôt que What Katie Did sur The Libertines) et bien polis se succèdent avec réussite (Deadwood, Bang Bang You’re Dead, attaque peu dissimulée contre Doherty) à peine entrecoupés de ballades (qui n’arrivent jamais à la cheville d’Albion) ou d’une petite bizarrerie, comme l’hymne pirate Gentry Cove). Décent, mais qui ne laisse pas d’impression sur la durée. Comme Down In Albion, Waterloo To Anywhere n’arrive pas à rappeler la gloire d’antan. Malheureusement, contrairement à l’album de la clique de Doherty, on ne retrouve pas ici l’envie de jouer, l’urgence organique qui caractérisait The Libertines. Ni bon, ni mauvais, certainement pas essentiel, l’album, comme celui de Babyshambles, évoque une seule chose : le regret de la perte des Libertines.

This is my music box, this is my home. Since 2003.