Nine Inch Nails – With Teeth

Probablement l’album le plus polémique de l’année. Replaçons-nous dans le contexte. Trent Reznor, l’homme derrière Nine Inch Nails, est considéré comme un musicien culte, voire comme un dieu vivant. Ses deux premiers albums, Pretty Hate Machine et The Downward Spiral lui ont conféré cette réputation de travailleur dingue, maniaque, mais à tendance autodestructrice (alcool, drogues). The Fragile, sorti en 1999 alliait la puissance metal industriel qui ont fait sa réputation à des interludes instrumentaux calmes et très personnels. Reznor, sorti de problèmes personnels (ses addictions, sa relation maître-élève avec Brian Warner, alias Marylin Manson), devait choisir son nouveau chemin, et ce ne fut pas facile : le nouvel album, déjà partiellement enregistré, a été entièrement supprimé par Reznor, qui est reparti de zéro, donnant à Bleedthrough le nom de With Teeth. Cet album sort enfin, après une période d’attente insupportable pour ses nombreux fans, et comme évoqué plus tôt, le résultat est sujet à discussion.

Clairement, With Teeth apparaît comme le volume le plus accessible de l’oeuvre de NIN. L’album s’ouvre par une basse digne de Massive Attack, avant que le chant de Trent monte en intensité, sur un morceau alliant le trip-hop, le rock electro et le gospel. L’album commence très bien, et le ton est donné : moins de claviers, plus de « vrai » rock, une batterie cognante (Dave Grohl, bien sûr), une basse vrombissante et des guitares agressives, contrastant parfois avec la voix de Reznor, tantôt douce, tantôt très tourmentée, mais toujours habitée.

D’aucuns ont donc reproché à NIN un virage à 180 degrés, vers le monde du rock alternatif, voire de la pop. En fait, il faut plutôt parler de pas de côte plutôt qu’en arrière. C’est toujours du pur NIN (l’agressivité de Getting Smaller, l’arrangement de Only, la seconde partie de l’album, mêlant progressivement mélodie et – enfin – expériences sonores diverses et variées), mais plus accessible, moins sombre, et moins longuette (The Fragile tenait quand même sur 2 disques). Franchement, il faut être de mauvaise foi pour reprocher à Trent d’avoir fait de Nine Inch Nails ce qu’il est maintenant, With Teeth est l’évolution musicale parallèle à celle de l’homme, qui n’avait peut-être pas envie de toujours choisir la voie la plus périlleuse.

Ceci dit, les arrangements simples ne cachent pas toujours des morceaux moins forts (le single The Hand That Feeds, The Collector, Every Day Is Exactly The Same) : sans vraiment être mauvais (loin de là), on sent qu’il leur manque un petit quelque chose. Le modèle presque rock garage ne pardonne pas trop d’approximations, mais on ne peut certainement pas parler d’échec. Mais bon, pas mal de « fans » du groupe ont détesté l’album parce qu’il était trop commercial, argument à mon sens injuste et difficilement justifiable.

On verra bien sûr ce que l’avenir lui réserve, en attendant, pour la première fois de sa carrière, Trent Reznor, alias Nine Inch Nails, ne fait que du rock. Mais personne ne le fait comme lui.

Limp Bizkit – The Unquestionable Truth Part One

Fred Durst. Un temps l’homme le plus haï du monde musical, il est maintenant simplement ignoré, au pire ridiculisé. Mauvais albums, concerts risibles, relations sentimentales douteuses, et, dernièrement, une vidéo X amateur « volée » très peu flatteuse pour son ego, tout ça a contribué à faire de Fred un sujet de railleries. Jusqu’à ce qu’on entende quelques rumeurs sur son groupe, Limp Bizkit. D’abord, le retour du guitariste Wes Borland, un des acteurs principaux de l’invention du rap-metal (le premier Limp Bizkit, Three Dollar Bil Y’all n’était pas mauvais dans le genre), une atmosphère sombre et gothique (sessions d’enregistrement à Prague), et enfin le premier extrait de l’album, The Truth, le morceau le plus intense sorti par le groupe depuis bien longtemps. Bon, ok, il était inspiré plus que de raison par Rage Against The Machine, et Fred réussissait encore à tout gâcher, mais c’était quand même bon signe.

Finalement, ce n’est qu’un coup dans l’eau. Première partie d’un album (7 morceaux, 29 minutes) dont la suite paraîtra vers la fin de l’année (histoire d’encore plus plumer le consommateur, et après on va reprocher le téléchargement illégal…), The Unquestionable Truth Part One, (sic) est, sans grande surprise, bien mauvais. Oh, on retrouve deux-trois bons moments, qui font dire que musicalement, le groupe n’est pas mauvais, mais évidemment Fred Durst fiche tout en l’air, avec son phrasé mi-rap, mi-De La Rocha mais 100% fake, ses thèmes dépassés, ses paroles stupides, voire honteuses d’opportunisme déplacé, et de mauvaises rimes (« I see someone with rage / Killing Dimebag on stage »). Le meilleur est au début, avec les deux premiers morceaux, et ensuite, c’est la descente aux enfers, avec un morceau rap-parano horrible (The Key) et le phénoménalement insupportable The Surrender, qui conclut l’album. Album apparemment concept, tous les morceaux commençant par The (The Truth, The Channel, The Priest…), sans que ce soit justifié thématiquement.

On se demande quand même pourquoi Wes Borland, qui avait quitté le groupe avant qu’il ne devienne complètement pourri, soit revenu pour apporter si peu (son album solo, prévu pour la rentrée, montrera de quoi il est capable, pour le meilleur ou pour le pire). En attendant, Fred nous tend un tout nouveau bâton…

Eels – Blinking Lights and Other Revelations

Mark Oliver Everett, alias E, alias Eels, continue son exploration profonde de la vie, de la mort, et de lui-même. On se souvient de ses deux excellents premiers albums (Beautiful Freak et Electro-Shock Blues), la suite étant beaucoup plus hit-and-miss. Eels revient avec leur (son?) album le plus ambitieux : double album, 33 morceaux, 90 minutes. Les double albums ont rarement fait l’unanimité : The Beatles, Mellon Collie and the Infinite Sadness, The Fragile ; tous ces albums ont souffert, à des degrés divers, d’un excès d’égo et de blabla.

Ego, on en a (c’est un peu le but), blabla aussi, mais force est de constater que Blinking Lights and Other Revelations est bon, très bon même. Certains morceaux comptent parmi les tout meilleurs écrits par E, même si les thèmes varient peu. E, comme on le sait, n’est pas un gars très chanceux : sa mère (en pochette de l’album, avec une photo d’enfance) est morte du cancer, sa soeur s’est suicidée (voir Elizabeth on the Bathroom Floor, sur Electro-Shock Blues), et son cousin a eu le malheur de prendre un certain avion, le 11 septembre 2003. Résultat, on y trouve des morceaux tristes, mélancoliques mais vraiment magnifiques. Heureusement, E allège parfois le ton (Going Fetal), et en profite (il a la place) pour expérimenter (saxophone, la harpe de John Sebastian, un morceau co-écrit et co-interprété par Peter Buck). Finalement, les thèmes, et le songwriting en général semble plus mature : on trouve des chansons d’amour, de mort, d’espoir, de vie. Et même si quelques morceaux sont nécéssairement en deça, BL&OR (Blinking Lights étant un thème récurrent sur tout l’album)est très impressionnant, et est sans aucun doute le meilleur Eels depuis Electro-Shock Blues. On se demande quand même quand Eels sortira le chef d’oeuvre absolu sont il est tout à fait capable.

Yourcodenameis:milo – Ignoto

Yourcodenameis:Milo était cité comme hype potentiel par le NME l’année dernière, et contrairement à Bloc Party ou Kaiser Chiefs, il n’ont pas pu (voulu?) devenir aussi connus. Ce qui n’est pas très surprenant, vu la nature peu user-friendly de leur musique. Se rapprochant plus d’aventuriers sonores contemporains comme Biffy Clyro ou Oceansize que de vieux croûtons new-wave, le groupe a fait son chemin doucement, de manière classique : quelques EP, et maintenant un album, produit par Flood. On a donc une section rythmique très solide, et des guitares superposées, sans jamais tomber dans l’excès, une voix peu particulière mais peu fatigante (toujours une bonne chose, pendant une période d’absence de Placebo…) et des paroles bizarres mais bonnes.

Ceci dit, ça ne fait pas pour autant un album difficile d’accès : les élements postrock n’empêchent pas une forte composante mélodique, et des refrains efficaces sans être tapageurs. YCNI:M se classe plutôt aux côtés de Radiohead, Mars Volta, voire Joy Division : des groupes qui ont tenté, avec plus ou moins de succès, de réinventer un genre essouflé. YCNI:M le fait très bien, et ce premier album laisse augurer de très bonnes choses.

Garbage – Bleed For Me

Il faut bien l’avouer, Garbage n’a jamais vraiment excité le monde musical. Originellement conçu comme le porjet de trois producteurs, le premier album a permis de faire connaître leur atout majeur : l’écossaise Shirley Manson, aussitôt propulsée comme fantasme MTV sans trop de profondeur. L’album éponyme n’était pas mauvais, ceci dit, mais la suite un peu plus. Version 2.0 était trop semblable au premier, et Beautifulgarbage simplement moyen. Quelques années après, Garbage a toujours autant de succès public (les Flamands aiment, apparemment), et ils nous reviennent avec Bleed Like Me.

Et vous savez quoi? C’est même pas mauvais.

Le feeling artificiel est toujours là (on va dire que Garbage, au niveau utilisation technologique, est exactement à l’opposé des White Stripes), mais l’album est simplement beaucoup plus rock. Dès le premier morceau, emmené par le plus classe des batteurs à louer, Dave Grohl, en passant par l’efficace et entêtant single Why Do You Love Me, on aurait presque l’impression que les 3 producteurs ont une quelconque rage contre quelqu’un ou quelque chose. Manson a repris sa couleur de cheveux de ses débuts, et se met à nu comme jamais (Bleed Like Me parle de son expérience en tant que self-cutter, et est une superbe « ballade »).

Même si la seconde moitié de l’album est moins percutante, Bleed Like Me est un superbe retour en force, une collection de morceaux jubilatoires et très énergiques.

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