Guerilla Poubelle – Punk = Existentialisme

Le rock français a mauvaise réputation. Souvent enclin à mal imiter les courants commerciaux anglo-saxons, leurs représentants connus se couvrent de ridicule localement et n’arrive pas à passer les frontières. De plus, l’ombre immense de Noir Désir plane au-dessus de tout le monde, et s’émanciper ne doit pas être chose aisée.

Il n’empêche qu’il existe une scène underground très remuante, notamment une mouvance punk gravitant autour de Guerilla Asso et comprenant les fondateurs Guerilla Poubelle, ou encore Dolores Riposte ou Justin(e). GxP, pour faire court, vient carrément de sortir un des meilleurs albums punk de ces dernières années, un brûlot phénoménal alliant efficacité musicale et textes engagés.

Musicalement, cela reste basique, mais c’est forcément le concept, il n’empêche qu’on ressent jamais de déjà vu en écoutant l’album, porté par des riffs destructeurs et une section rythmique très solide. L’album débute par un manifeste, Punk Rock Is Not A Job (les textes sont tous en français), avant que des morceaux à caractère social ne suivent, comme Tapis roulant, ou les non équivoques Libéral et propre et Cogne sur un flic pas sur ta femme (« Tu parles à ta blonde comme à une merde / Tu parles à ton chien comme à un roi »). L’équipe Z s’attaque aux imbécillités d’appartenance à un groupe, soit-il sportif ou national, alors que Être une femme continue ce thème féministe étonnant mais franc et rafraîchissant.

Dans le genre, un album parfait.

Bob Dylan – Blood On The Tracks (1974)

BloodTracksCoverCe qui est intéressant, avec ce système de tirage au sort d’albums, c’est que je peux m’intéresser à des disques que je n’aurais pas eu l’idée d’écouter. C’est le cas ici, je ne suis pas un grand appréciateur de la musique de Dylan, que je respecte, surtout pour la conscience sociale de ses débuts. Blood On The Tracks, sorti en janvier 74, est son quinzième album, et fut considéré à l’époque comme un retour en forme, et est toujours une référence maintenant, comme un de ses derniers grands albums.

Blood On The Tracks est un album de blues/folk, dominé évidemment par la guitare acoustique et la voix nasale de Dylan, aidé par une instrumentatation discrète mais efficace. Les morceaux sont tous liés thématiquement, et tournent autour de l’amour, et de ce qui en découle, ou du moins les aspects négatifs. Dylan se montre en très grande forme lyrique, comme en attestent Shelter From The Storm, où l’épique Lily, Rosemary And The Jack Of Hearts et sa narration complexe ; alors que le doux You’re A Big Girl Now est plus tranquille et simple.

 
Dylan est en roue libre, jouant avec facilité sur ses talents de narrateur et de parolier : il ne cherche pas à se considérer comme un grand chanteur, de toute façon. Blood On The Tracks est un album parfait en tant que tel, mais qui ne touchera pas ceux pour qui Dylan n’a qu’un intérêt somme toute relatif, parce qu’on ne peut pas dire que tout cela est très varié. Maintenant, qui arrive à sortir un album pareil pour son quinzième?

Shelter From The Storm

 

Daft Punk – Alive 2007

Je ne suis pas fan de Daft Punk, même si j’ai pas mal apprécié le premier album, tout en détestant Human After All. De même, je me demandais l’intérêt de sortir un album live pour de la musique qui n’est quand même pas techniquement « jouée live ». Comme j’avais tort.

Alive 2007 est une véritable bombe, même pour quelqu’un qui préférerait être pendu par les pieds au sommet de l’Atomium à me retrouver dans une boîte technohouse. Les deux artistes démolissent leurs propres morceaux, les réarrangent et les boostent à coups de basses et d’effets sonores, et ce dès le début, avec une intro monstrueuse : des samples ping-pong de Robot Rock (ROBOT!) et Human After All (HUMAN!) avant que le vrai début de Robot Rock emmène Bercy dans une transe d’une heure et demie. Tous les hits y passent, des Around The World et Da Funk des débuts à un mashup ultime One More Time/Aerodynamic, en passant par Rollin’ And Scratchin’ + Alive, comme si c’était 1997.

On pourra toujours reprocher quelques longueurs, mais c’est de la house, et la basse énorme et les beats dévastateurs (Prime Time Of Your Life) compensent largements. Le rappel, étrangement placé en cd bonus d’édition limitée (mais il est vrai, relativement dispensable), reprend One More Time en y ajoutant Together et Music Sounds Better With You, des projets parallèles des deux robots.

Un des rares albums live essentiels, et plus terre à terre, une véritable tuerie.

Guns N’ Roses – Appetite For Destruction (1987)

GunsnRosesAppetiteforDestructionalbumcoverLe hasard aura été impressionnant : le premier album tiré au sort aura été le début de Guns N’ Roses, un album qui a lancé une frénésie de culottes mouillées et de vêtements infâmes. Mais, aussi étrangement que ça puisse paraître, c’est un assez bon disque.

En effet, Axl Rose, on ne va pas trop l’envier. Il était déjà sérieusement ridicule à l’époque, à crier sa reprise de McCartney en mini short moulant, et maintenant, il ressemble à un vieux maquereau proche de la faillite. Mais je défie qui que ce soit d’écouter Welcome To The Jungle de ne pas vouloir se lever, crier et lancer son poing en l’air, dans le faux plafond. Un des meilleurs premiers morceaux d’album de tous les temps, Welcome To The Jungle a tout, le début – une intro progressive et percutante -, le riff, le caractère introductif, et une fin, brutale et parfaite. Le chant craie sur tableau de Rose ne gêne même pas, c’est dire.

Il n’y avait pas que le rouquin : Slash et Izzy Stradlin furent le duo parfait, l’alliance d’un soliste exceptionnel (It’s So Easy) à un maître ès-riffs (My Michelle), il n’en fallait pas plus pour faire d’Appetite For Destruction un album à guitare majeur, même si celle-ci reste fort classique. La majorité de l’album est puissant, exubérant, et fait pour remplir des stades (ou interroger des Irakiens). Paradise City, qui commence assez mal avec des synthés qui étaient déjà ringards à l’époque finit en quasi speedmetal, et c’est comme ça que le groupe est le meilleur.

Maintenant, c’est bien tout ça, mais il reste une moitié d’album assez douteuse, on va dire. La talkbox d’Anything Goes, les bruits d’ébats de Rocket Queen : déjà à l’époque, personne n’osait dire à Axl qu’il déconnait. Et Sweet Child O’ Mine, c’est très chouette (et frustrant) quand on apprend la guitare, mais le morceau est presque aussi gênant qu’un mauvais Disney.

Il reste deux faits : Appetite for Destruction reste le meilleur album du groupe (enfin, jusqu’à Chinese Democracy, bien sûr) et fait toujours son petit effet, même s’il est encore un peu surévalué. Mais surtout, sans ce type d’album, comment aurait-on pu, du côté de Seattle, changer la face du monde? Pour avoir Poutine en Russie, il a fallu avoir Staline. Action/réaction (et mauvaise foi).

Allez, sérieusement, c’est marrant, mais bon, on a grandi depuis. Au suivant (Bob Dylan – Blood On The Tracks, on va déjà moins rigoler).

Welcome To The Jungle


PS : pour les commentaires insultants, allez y, mais avec une bonne
orthographe, ok? Sinon vous passez vraiment pour des cons. 

Sigur Rós – Hvarf/Heim

C’est très difficile de parler d’un album de Sigur Rós. D’abord, à moins de parler soit islandais soit leur langage imaginaire (ce qui n’est pas mon cas, surtout pour le second), on ne comprend rien de ce qu’ils racontent, donc, ça fait déjà quelques lignes d’analyse poétique en moins. Ensuite, vu qu’ils sont islandais et que leur musique n’est pas à proprement parler fort marrante, on doit éviter les clichés genre glaciers, fjörds, geysers et Björk. Presque aussi ardu que de parler de Pete Doherty. Enfin, la raison principale : leur musique est tellement magnifiquement intemporelle qu’elle défie l’expression, comment pouvoir en parler, la décrire décemment?

Un truc : parler des faits. Hvarf/Heim n’est pas exactement leur cinquième album, mais une double compilation. D’un côté, cinq morceaux inédits ou rares, et de l’autre, six versions acoustiques de morceaux déjà parus. Loin d’être une collection de rejets, Hvarf possède deux morceaux immenses. Í Gaer, tout d’abord, qui appelle l’esprit de Mogwai pour en faire six minutes aussi bruyantes que mélancoliques ; Hljómalind ensuite, sans doute leur morceau le plus simpliste mais qui accroche par sa mélodie et une basse que n’aurait pas renié Radiohead. Les autres extraits sont peut-être moins percutants (même si l’épique Von est tout aussi excellent), mais en ne sélectionnant que cinq morceaux, il n’y avait que peu de risques de trouver quelque chose de mauvais.

200px-Heim-coverCeci dit, il est tout aussi facile de détester Sigur Rós, notamment en s’attaquant au chant de Jónsi Birgisson, ou au concept même tournant autour du groupe. De plus, un double album avec cinq raretés et six versions acoustiques, c’est un peu n’importe quoi, surtout pour un groupe qui peine à se renouveller. Hvarf est assez accessible, cependant, par rapport à d’autres morceaux du groupe : même si Hafsol dure presque dix minutes, on ne s’y ennuie pas une seule seconde, et le crescendo final est impressionnant.

Heim est plus intime, mais aussi moins transcendant. Staralfur sort du lot, mais parce que la version originale était déjà phénoménale. Sinon, ça se traîne, et Birgisson est même carrément à côté de la plaque sur Von.

Drôle d’idée que cet album, dont la seule (et douteuse) raison d’être est l’accompagnement du DVD Heima. Il comprend des morceaux de brillance, mais sa relative inutilité joue contre lui, tout comme une seconde partie tout à fait remplaçable. On attend mieux.

This is my music box, this is my home. Since 2003.