Therapy? – Music Through A Cheap Transistor : The BBC Sessions

Malgré onze albums, quelques tubes alternatifs et des années de tournées incessantes, Therapy? n’aura jamais réussi à obtenir le succès ou le repect qu’ils méritent. Ces dernières années, ils se sont fait jeter deux fois de leur maison de disques, et ont de plus en plus de mal à financer leurs tournées, heureusement toujours réussies. C’est donc assez logiquement qu’ils tentent de diminuer leurs frais : cette compilation de sessions radio est tout d’abord sortie via téléchargement internet en février, avant d’atterir maintenant en version physique. Qu’on pense ce qu’on veut du groupe et de ses récents albums, cette compilation est irréprochable. Enfin si : pour des raisons de droits et de conflits entre labels, elle ne couvre que la période 91-98, omettant donc les huit dernières années du groupe.

Comme le titre l’indique, elle reprend l’intégralité des sessions BBC, ce qui signifie donc son irréprochable et petite pensée pour John Peel, un des premiers à supporter le groupe, dès leurs débuts, en Irlande du Nord. Dès le début, on est soufflé par la puissance des premiers morceaux : ils étaient nettement plus trash à leurs débuts, comme le prouve une version énorme d’Innocent X et de Meat Abstract, reliés par un break de batterie époustouflant de Fyfe Ewing. L’année suivante, ils ajouteront à la violence pure de leurs morceaux une composante mélodique qui ne va que s’amplifier avec le temps : Teethgrinder le prouve, même s’il semble sortir tout droit d’un Kill Em All enregistré par des bons musiciens. Étrangement, le groupe aura joué assez peu de hits lors des sessions : pas de Stories, de Nowhere ou de Diane, mais des versions affolantes de Knives, Screamager, Church Of Noise ou Trigger Inside et son riff straight from hell. De plus, nombre de raretés voire d’inédits se retrouvent sur la compile, comme l’instrumental final et chaotique High Noon.

Fantastique témoignage d’un groupe trop souvent méconnu, cette compilation laisse espérer une suite, et surtout un successeur studio à One Cure Fits All. Entre temps, Therapy? reste d’une puissance monstrueuse sur scène, leur terrain de jeu, leur église.

Ash – Twilight Of The Innocents

C’est avec ce genre de groupe que je remarque que le temps passe… Le premier album et classique Britrock 1977 est sorti voici déjà onze ans. Album parfait de popsongs punkisantes, il laissait augurer un avenir radieux pour le trio d’Irlande du Nord, qui est peu après devenu un quatuor, suite à l’ajout de la guitariste Charlotte Hatherley. Hélas, toutes ces promesses n’ont jamais été réalisées, en grande partie à cause de l’incapacité du groupe de sortir un album qui tient la route d’un bout à l’autre, un opus qui pourrait les définir. Résultat, Ash sera éternellement connu comme single band, mais quels singles ce furent : outre les Kung Fu, Goldfinger, Oh Year et Girl From Mars du premier album, on peut ajouter, en vrac, A Life Less Ordinary, Petrol, Jack Names The Planets, Numbskull, Shining Light, Burn Baby Burn ou encore Clones et Orpheus.

Mais les albums n’ont jamais vraiment convaicu, les mélodies (surtout les ballades) se ressemblaient, le rock n’était pas assez rock et surtout, il faut le reconnaître, Tim Wheeler n’a jamais su chanter. Ceci dit, ils n’ont jamais été mauvais non plus, alternant entre le rock guimauve de Free All Angels, la pop métallique de Meltdown et maintenant, l’alternatif (dans les sens 90s du terme) Twilight Of The Innocents. Réduit à un trio après le départ d’Hatherley vers une carrière solo jusqu’ici peu convaincante, cette troisième version d’Ash laisse plus de place aux instruments, qui peuvent ainsi respirer et se déployer tranquillement : sans crier au génie, cela prouve qu’individuellement, les trois membres de sont pas des manches.

Typiquement, on trouve quelques singles imparables : I Started A Fire, You Can’t Have It All très Pixies et donc excellent, et End Of The World, ballade sirupeuse très Burt Bacharach. Pour le reste, on trouve du bon et du moyen, on est parfois un peu gêné des paroles mais on est parfois surpris par une relative complexité nouvelles, notamment dans le morceau titre qui conclut l’album, space rock à la Muse avec orchestre.

Rien de bien mauvais, mais on ne se souviendra que de quelques morceaux, comme d’habitude. C’est sans doute pour cela qu’Ash a récemment annoncé qu’ils ne sortiraient plus d’albums, mais uniquement des morceaux par-ci par-là via internet. On peut dire ce qu’on veut, mais au moins, ils sont parfaitement conscients de leurs possibilités, dommage qu’elles soient limitées.

Dizzee Rascal – Maths And English

Le gouffre dans lequel le hip-hop est tombé semble sans fond. Oh, les artistes ne manquent pas, mais il n’ont aucune manière de se faire entendre s’ils ne rentrent pas dans les canons du genre, définis par quelques personnalités parfois talentueuses (Pharrell, Timbaland, Jay-Z) mais qui ont nettement plus le sens des affaires que de l’art (Sean « P « Puff Daddy » Diddy » Combs, qui devrait passer sur la chaise electrique pour crime contre la musique). Quand Dizzee Rascal a débuté, on était, du moins ceux qui ont trouvé un moyen d’entendre Boy In Da Corner, littéralement sur le cul. Beats d’avant-garde, dépourvu de tout attentat nécrophile (pardon, « sample »), et flow d’une rapidité inégalée, à un tel point qu’on a rarement idée de ce qu’il raconte.

Maths And English, le troisième album du Londonien, n’arrive pas à ce niveau de génie, mais tente de s’y rapprocher. Malheureusement, à chaque pas fait dans cette direction, Dizzee en fait un autre vers la face douteuse du hip-hop, celle du bling, du fric et du néant total. Car maintenant, on comprend ce qu’il dit, et on le regrette assez vite. Quand il donne ses conseils aux jeunes qui veulent débuter (Hard Back), il ne parle quasi que de fric. Et dans le charmant Suck My Dick, il clame clairement être le meilleur, avec une verve lyrique époustouflante (« I don’t care cos I’m the shit you can all just suck my dick »). Décevant, parce qu’on le savait capable de tellement mieux.

Il n’y a pas que du mauvais sur l’album, au contraire. Le début est excellent, avec le très sombre (et assez Wu-Tang) World Outside, l’hymne rave Sirens, qui rappelle ses coups de génie I Luv U et Fix up Look Sharp ou le violent Pussy ‘Ole. Mais ensuite, ça devient très dispensable, jusqu’aux trois derniers morceaux. D’abord, sa version du Temptation Greets You Like A Naughty Friend d’Arctic Monkeys (ici plus sobrement nommé Temptation), ensuite, un duo sympa avec Lily Allen, qui nargue Dizzee sur ses atouts en plaqué or, et un dernier morceau du niveau des premiers.

On prend le début, la fin et on jette le reste. Dommage, mais il est à craindre que le Dizzee Rascal qu’on connaissait soit perdu pour la cause. Le fric a encore gagné.

Garbage – Absolute Garbage

En guise de pub pour de la vodka, c’est en fait un best of de Garbage dont on a droit. Souvenez-vous, Garbage, c’est ce groupe de rock alternatif (oui, ça existait) qui a connu un certain succès au milieu des années 90, grâce à une série de hits et à la très charismatique chanteuse Shirley Manson. Le statut de Garbage semble assez incertain, c’est sans doute pour cela que cette compilation est sortie, pour nous rappeller les quelques moments de gloire de la formation.

Garbage, ce n’est pas vraiment un groupe. Outre Manson, les autres membres sont des rats de studios et producteurs aguerris, dont le célèbre Butch Vig (producteur de Nevermind, entre autres). On leur a toujours – injustement – reproché ce fait, alors que le lineup particulier a permis d’obtenir un son particulier, effectivement très peu organique mais diablement efficace. Comme la compilation à la bonne idée d’être présentée chronologiquement, on en tarde pas à s’en rendre compte.

Les extraits de Garbage sont les meilleurs : Vow, Milk, ou encore les tubesques Only Happy When It Rains, Queer et Stupid Girl (qui sample Train in Vain, de Clash), soit des nappes d’instruments trafiqués et la voix sexy légèrement perverse de Shirley Manson. Original, et comme je l’ai déjà dit, très efficace. Ce mélange de rock, metal, electro et trip-hop (vous vous souvenez du trip-hop?) est vraiment la propiété de Garbage, même si la formule n’aura duré que deux albums. Le second opus, Version 2.0 polit la production et fait de Garbage une véritable machine à hits alternatifs : Push It, I Think I’m Paranoid, You Look So Fine ou Special, étonnant mixup entre production moderne et pop 50s. C’est à partir d’ici qu’on se rend compte du manque de profondeur du groupe, confirmé par les prestations live peu impressionnantes du groupe. Mais les morceaux sont chouettes, et Garbage devient suffisamment connu pour écrire un morceau pour le James Bond de l’époque, The World Is Not Enough.

Après, rien ne va plus : beautifulgarbage est insignifiant (même si, étrangement, un des meilleurs morceaux de l’albums, Androgyny, est absent ici) et Bleed Like Me à peine meilleur. Le fait que les deux derniers albums ne sont pas du niveau de leurs précécesseurs (même si Bleed Like Me a ses bons moments) est reconnu ici : sur les dix-huit morceaux, seuls quatre en sont extraits, contre cinq pour le seul Garbage. On ajoutera un inédit et un remix pour clôturer la compilation, qui finit forcément moins bien qu’elle n’a commencé.

On ne la conseillera pas vraiment, au contraire des deux premiers albums. Surtout que sue la longueur, c’est très bourrin et difficile à avaler. Mais j’avoue, avant de l’écouter, j’avais oublié Garbage, et je n’aurais pas du, ils me rappellent quelques bons souvenirs. Ils ne laisseront pas de trace indélébile dans l’histoire du rock, ceci dit.

Korn – Untitled

Depuis le temps que j’écris sur ce site, j’ai déjà parlé de Korn à maintes reprises, vu leur rythme assez rapproché de sorties. Inutile donc de reparler de leur évolution, et de leur envie constante de se séparer du passé, en tentant d’ouvrir de nouveaux chemins inexplorés, avec plus ou moins de réussite. Les derniers temps ont été durs, avec le départ public du guitariste Head, un Unplugged raté, et, pour les sessions de cet album, les abandons successifs du batteur Terry Bozzio (remplaçant momentanément David Silveria) et des producteurs/compositeurs The Matrix.

On ne s’attendait pas vraiment à grand chose concernant cet album, qui n’a pas de titre (comme leur premier), et qui est quand même leur huitième. Disons le tout de go : il n’est pas aussi mauvais qu’on aurait pu le croire, mais il prouve que les diverses expérimentations du groupe, aussi courageuses soient-elles, ne sont pas franchement convaincantes. Comme pour See You On The Other Side, Korn reprend à son compte des rythmes instrumentaux proches de Trent Reznor, mais place encore plus la guitare en retrait, tout en ajoutant un clavier full time.

Clavier qui domine l’intro de l’album, qui semblerait avoir été écrite pour un film imaginaire de Rob Zombie, qui se passerait dans une fête foraine et où des zombies nains terroriseraient l’armée de l’antéchrist. Ou quelque chose comme ça. Standing Over est ensuite un bon exemple du « nouveau » Korn, tout en atmosphères lourdes, effets electro (plus discrets qu’auparavant), et un Jonathan Davis chantant bien plus qu’avant. Il chante assez juste, même si on regrette parfois ses bizarreries vocales, et aussi le fait qu’on comprend ce qu’il raconte, ce qui n’est pas toujours une bonne chose. Head en prend plein dans la tronche, accusé (sans doute avec raison) de gagner du fric facile sur le dos du groupe, grâce à un livre récent. On veut bien laisser passer, même si un ou deux morceaux à ce sujet auraient été suffisants. Aussi, appeler une chanson Bitch We Got A Problem, c’est trop. Même si la ligne de basse très groove est assez chouette. C’est sans doute le gros défaut de, euh, Untitled. Pas mal d’idées, certaines très bonnes, mais mal arrangées. Les refrains sont souvent grandiloquants, élevés pas un Davis multi-tracké. Korn ne vendra plus jamais autant d’albums qu’avant, ce n’est pas vraiment la peine d’essayer. De même, les passages pop sont presques indécents, même s’ils sont nettement moins nombreux que sur SYOTOS.

L’album est, comme prévu, très varié : on passera le médiocre single Evolution pour s’arrêter à Kiss, dont le mellotron fait évidemment penser à Strawberry Fields Forever, ce qui est quand même censé être hors de propos. Les tâtonnements d’Untouchables semblent enfin aboutir. De même, Ever Be se termine sur un final énorme, batterie étourdissante et claviers all over the place. Je serais même impressionné. Mais ce sont les deux morceaux suivants qui sortent du lot (Korn a toujours eu l’idée étrange de caser quelques uns de leurs meilleurs en fin de deuxième tiers, comme Predictable, Counting ou Wake Up Hate) : Innocent Bystander (guitar solo!) et l’excellent Killing, peut-être leur meilleur morceau depuis des années, et un des rares à ne pas pâtir de la production. I Will Protect You résume et termine bien l’album : clairement bien joué, il souffre d’une grosse production déplacée et d’un solo de batterie surdimensionné. Terry Bozzio n’avait clairement rien à y faire.

Untitled est plus cohérent que SYOTOS, et confirme que Korn, malgré les défauts de l’album, sont toujours capables de faire du très bon. Il reste à espérer que la prochaine orientation du groupe gardera l’ambition, mais diminuera les moyens. C’est avec pas grand chose que Korn a popularisé le nu metal, et sorti un des grands classiques des années 90. Ils ont encore un album comme celui-là dans les doigts, le tout est de le sortir.

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