Rage Against The Machine – Rage Against The Machine (1992)
En 1992, même si cela semble impossible à imaginer maintenant, on voyait des clips de rock à la TV. Même sur MTV. L’attention était centrée sur Seattle, où deux groupes en particulier se faisait entendre : Pearl Jam et Nirvana. Un peu plus au sud, un des mélanges musicaux les plus extrêmes et les plus importants de l’histoire commençait à faire du bruit. Beaucoup de bruit.
En 1992, même si cela semble impossible à imaginer maintenant, on ne voyait pas beaucoup de clips de rap à la TV. Même pas sur MTV. Le mouvement était encore underground, et signifiait encore autre chose que des pouffes aux gros seins, des bagnoles tunées et des sonneries de GSM. C’était la voix de la rue, the Voice of the Voiceless. Voix qui faisait peur a l’establishment WASP américain, malgré le génie et la popularité d’artistes comme Public Enemy ou Afrika Bambaataa, pour n’en citer que deux. Aussi peur, si pas plus, que le heavy metal des années 70.
Il ne manquait plus qu’allier les deux, y ajouter une grosse dose de littérature sociale, pour tenter de changer le monde. Et pour cela, quoi de mieux qu’un groupe composé de gamins d’origines et de cultures diverses. Rage Against The Machine est né, et en 1992 sortit un des albums les plus importants jamais enregistrés. Zach de la Rocha, Tom Morello, Tim Commerford et Brad Wilk allaient changer le rock n roll.
Car il changea la face de l’industrie musicale, créant un pont entre les différents styles musicaux (ce qu’avaient déjà tenté de faire, avec succès, les jeunes Red Hot Chili Peppers), alliant différentes cultures derrière un message politique, pire : communiste. Rage n’a jamais fait dans la demi-mesure. Quand ils faisaient de la critique sociale, c’était avec un message marxiste, quand ils voulaient supporter les minorités opprimées dans le monde, c’était en apportant des armes à la guérilla mexicaine, et quand ils voulaient se faire entendre, c’était avec de la putain de musique.
Putain de musique, alliant la violence pure du hardcore new-yorkais, le phrasé des meilleurs MC, le rythme de Funkadelic et du pur metal influencé par Jimmy Page et Fred Sonic Smith. Le premier album, dans sa totalité, est un exemple parfait de tout cela, et il serait aussi futile qu’inutile de le diviser en morceaux individuels, même si Killing In The Name Of est un vrai hymne, dont le thème sera toujours d’actualité pour de nombreuses années.
Mais le plus bluffant, c’est l’incroyable talent musical du groupe, avec une section rythmique dantesque et Tom Morello, éminemment reconnu comme un des guitaristes les plus originaux du monde. Rage a toujours mis un point d’honneur à préciser qu’aucun instrument autre que guitare, basse et batterie n’était présent sur leurs disques, ce qui se révèle stupéfiant quand on entend Morello imiter tour à tour un mur de violons et une platine de DJ.
Trois excellents albums plus tard (plus un album de reprises tout aussi percutant), Rage Against The Machine se sépara dans la douleur. Zach de la Rocha disparut du radar, alors que les trois musiciens formèrent Audioslave, donc la carrière (trois albums) ne fut pas vraiment une réussite. Et il y a quelques semaines, arrive l’improbable : Rage Against The Machine se reforme, tout d’abord pour un concert unique au festival de Coachella, et ajoute ensuite trois dates conjointes avec le Wu-Tang Clan. Allié avec la fin officielle d’Audioslave, on se met à rêver d’une reformation, d’un nouvel album qui serait tellement d’actualité (il suffit d’imaginer que Rage était déjà fini quand Bush accéda au pouvoir), et d’un triomphal retour.
Dans une époque où tout est mis en oeuvre pour nous empêcher de réfléchir, nous devons mettre toutes les chances de notre côté. Et Rage Against The Machine est plus qu’une chance, c’est un modèle de vie et de réflexion.
Sex Pistols – Never Mind The Bollocks Here’s The Sex Pistols (1977)
Never Mind The Bollocks Here’s The Sex Pistols n’est foncièrement pas terrible, et pour avoir soi-disant lancé le mouvement punk, il n’est même pas le premier dans le domaine. Il n’empêche, il est, et reste, un des albums les plus importants de tous le temps. Autant tordre le cou aux mauvaises langues (et aux mauvaises doubles métaphores) : que ce soit le groupe lui-même, Malcolm McLaren ou le pape qui a créé les Sex Pistols, on s’en fiche, ce qui compte c’est le produit fini, et son impact inouï.
D’abord, le nom du groupe et le titre de l’album touchent tous deux aux tabous bien actifs à l’époque, le sexe et la vulgarité. Ensuite, les deux premiers singles (et les meilleurs morceaux ici) : God Save The Queen (rime suivante : « the fascist regime ») et Anarchy In The UK (et son légendaire « no future »). Et puis, la musique, alliant riffs rock n roll à la voix traînante et aggressive de Johnny Rotten, et évidemment l’attitude, chambres d’hôtel en moins.
L’album commence fort : Holiday In the Sun fait d’emblée une référence aux camp de concentration de Belsen-Bergen, avant que Bodies ne parle d’avortement (encore pas facile maintenant, alors en 77…). La suite est du même acabit, se terminant avec EMI, cinglante attaque (ô combien d’actualité) sur un des futurs Big Four, vampires de la musique moderne. Évidemment, les deux singles marquent l’album, ainsi que d’autres excellents brûlots, comme Problems.
Alors, oui, tout cela est limité musicalement, les morceaux se ressemblent un peu/beaucoup, on a quand même un tiers de potentielles faces B, l’humour puéril de Rotten peut fatiguer (Pretty VaCUNT, ok, on a pigé), et la recherche constante de la confrontation n’est pas des plus subtiles (The Clash arrive, ceci dit). Mais on ne fait pas une révolution avec des nuances.
Never Mind The Bollocks a crée le premier trou générationnel au sein même du rock, et à permis de relancer une machine qui commençait, paradoxalement, à s’embourgeoiser. Les tendances musicales évolueront, certains appelleront même punk des clowns à la Offspring ou Blink-182. Mais rien ne changera l’importance d’un album qui n’a pas changé la musique, mais la société elle-même.
Idlewild – Make Another World
Kelly Jones – Only The Names Have Been Changed