Robert Allen Zimmerman chante depuis plus de quarante-cinq ans. Dans ce laps de temps, il est devenu l’un des artistes le plus importants de la musique contemporaine (oui, c’est vague), et un des plus repris. Qui pense à Dylan en écoutant All Along the Watchtower, voire (horreur) Knockin’ On Heaven’s Door? Ces deux morceaux, et quarante-neuf autres, sont repris sur cette énorme compilation, au titre adéquat. Attention toutefois : l’album est disponible en plusieurs versions, dont une risible édition dix-huit morceaux. Tant qu’à faire, autant prendre la totale.
Arrangée chronologiquement, la compilation laisse évidemment la part belle au début de carrière du Dylan : le premier disque couvre la période entre 1962 et 67, le second 67-85 et le dernier 85-2006, le but étant de reprendre le plus possible de morceaux importants. De toute façon, le but d’un tel album, et dans une moindre mesure de cet article, n’est pas de résumer Dylan, mais plutôt de faire une sorte d’introduction générale.
Le début est évidemment folk : Dylan, une guitare acoustique et un harmonica. L’album The Freewheelin’ Bob Dylan est très bien representé, avec trois morceaux dont l’immense Masters Of War, sans doute la protest song la plus violente jamais écrite. Il faut l’entendre se clôturer avec ces mots terribles "And I’ll stand on your grave / Till I’m sure that you’re dead" pour tenter de comprendre ce qui animait son auteur, qui, sur A Hard Rain’s A-Gonna Fall décrit de manière pittoresque un paysage post-apocalyptique.
Puis, le ton devient plus électrique, et on se souvient de ce très célèbre épisode où, lors d’un concert à Manchester en 1966, un fan cria "Judas" à Dylan, coupable d’avoir échangé son acoustique contre une Strat. Il joua ensuite une version monstrueuse de Like A Rolling Stone, et le rock n roll trouvait une raison d’être supplémentaire. Dylan, constamment à la recherche d’innovation, rajouta sans cesse de nouveaux thèmes et instruments, tout en restant généralement un poète de grand niveau, quand on ne le surprend pas coupable de sexisme primaire.
Ensuite, alors qu’on peut trouver moins d’importance à son oeuvre, et même s’il passe logiquement par quelques moments moins fertiles, Dylan réussit à sortir quelques albums de qualité, continuant seul son chemin vers la légende. Est-ce que cette dernière est en en fait supérieure à l’oeuvre? Peut-être, mais l’Histoire a décidé, et Dylan restera bien plus qu’un musicien.
Masters Of War