Ce n’est pas vraiment dans mes habitudes de parler de « musique urbaine », pour diverses raisons dont, clairement, un certain manque d’intérêt. Mais Kanye West, c’est un personnage. Je n’ai quasi jamais entendu son oeuvre (le manque d’intérêt mentionné plus le fait que je n’écoute jamais la radio, et encore moins les chaînes musicales qui, d’ailleurs, ne diffusent plus vraiment de musique), mais il me fait marrer, quand il insulte George Bush en live, et qu’il monte sur scène aux MTV Awards réclamant un prix qu’il n’a pas gagné. Bref, le type même de tête à claque qu’on adore démonter. Et quand j’apprends que le roi du bling bling sort un album minimaliste, inspiré par une rupture sentimentale et la mort accidentelle de sa mère (dont Kanye se dit responsable, c’est sa vie clinquaillante qui l’aurait poussée à faire une opération de chirurgie esthétique qui lui fut fatale), et sur lequel Kanye ne rappe pas mais chante à travers un auto-tune, je ne pouvais décemment pas passer à côté.
L’auto-tune, tiens, parlons-en. Vous vous rappelez peut-être de Roger Troutman, qui avait popularisé l’usage du vocoder, « instrument » déformant de manière marrante les voix. Troutman avait été repris dans le tube mondial de Tupac Shakur, California Love. L’auto-tune part sur les mêmes bases, mais est en fait (d’où son nom) un programme permettant aux chanteurs de chanter juste, moyennant quelques modifications légères de la voix. Le chasseur d’ours de Metallica, James Hetfield, en a usé et abusé pour Death Magnetic : sans cela, Lars Ulrich arait sans doute du chanter. Mais l’auto-tune a surtout été détourné par quelques rappeurs/RnBistes US, dont le plus fameux est T-Pain. Trafiquer les réglages de l’auto-tune permet d’obtenir un effet semblable au vocoder, et donc un élement de novelty dans certains morceaux. Eh bien, West fait ça durant tout l’album. Tout l’album. Déjà, le type chante mal, et pourquoi pas, ce n’est pas trop son job. Mais là, non seulement ça n’arrange rien, mais c’est en plus totalement ridicule. Il aurait chanté gonflé à l’hélium, ça n’aurait pas été pire. Et comme en plus, il écrit très mal, alignant les rimes faciles comme un Tim Wheeler prépubère, on ne demande qu’à le voir retourner au rap, ou à prendre plus de guests.
Et à part ça? 808s and Heartbreak est très minimaliste niveau production, avec beaucoup de morceaux midtempo. Kanye semble sincère, quand il se rend compte que ses amis ont des gosses, alors qu’il n’a que des grosses bagnoles (Welcome to Heartbreak). Mais il retombe dans l’excès lors de plusieurs morceaux imbécilement sexistes (Robocop, ou Love Lockdown : »I can’t keep myself and still keep you too », pas changé tant que ça, hmm, Kanye?) et une longueur lassante : une heure de logorrhée auto-tunée, non, quoi. Le pire est pour la fin, un freestyle live à Singapour qui devait être une pause pipi parfaite. Heureusement on peut en ressortir quelques beats ravageurs (Paranoid), et une production froide et efficace, hélas dominée par un grand sentiment d’ennui.
Certains critiques US, toujours premiers sur la balle, ont parlé de cet album comme le Kid A de Kanye : un album difficile, mais reconnu comme terriblement novateur. Certaines personnes n’ont pas aimé Kid A, c’est vrai, mais je ne sais pas comment il pourrait être possible de ne pas trouver 808s chiantissime. Alors, s’il s’agit vraiment d’un album catarthique (et pas seulement un gros caprice de gosse pourri), Kanye aurait sans doute du le garder privé. Hélas, la « voix de sa génération » pense que le monde est sa vie privée, ou inversément. Pendant ce temps, le monde soupire, et pense à autre chose.