Archives de catégorie : Chroniques

Devendra Banhart – Nino Rojo

On a dit beaucoup de bien de Devendra Banhart, jeune chanteur folk de 23 ans, qui a vécu dans la communauté hippie de San Francisco, avant de passer de squat en squat à New York. Bref, un vrai bohémien, pas un gosse de riche à la Strokes. Ses premiers enregistrements font carrément penser à la pureté sauvage de Robert Johnson, une voix, une guitare et surtout une atmosphère étourdissante, hors du temps. Un succès d’estime a suivi, et Banhart a pu enregistrer cet album avec du vrai matériel pro, même si c’était du matos des années 70, et seulement un 4 pistes.

En écoutant ces morceaux, on se sent immédiatement transporté dans une époque peut-être non vécue : une version utopique de l’apogée des folk singers (Dylan pré-Judas, Nick Drake). L’album semble bricolé, émouvant et complètement habitué : les arrangements sont simples (souvent une ou deux guitares et une ou deux voix) ou carrément étranges (un peu de trompette, un piano), les thèmes variables (des chansons d’amour, de nature, d’animaux…), les titres probablement pensés dans un état assez artificiel (Dogs They Make Up In The Dark, ou le titre du siècle, Tit Smoking In The Temple Of Artisan Mimicry) et les paroles évidemment tordues.

Forcément, on peut trouver tout cela bizarre sans vraie âme, juste pour faire du vent. Il faut sans aucun doute écouter l’album pour en avoir le cœur net, mais je pense (mais ça n’engage que moi) que Banhart est vrai.

Ben Harper and The Blind Boys of Alabama – There Will Be A Light

Septième album pour un artiste très particulier et personnel, Ben Harper. Celui-ci est différent, car aux habituels Innocent Criminals (l’excellent groupe de Ben) se substituent The Blind Boys Of Alabama, 4 musiciens et 3 vocalistes noirs, aveugles, et très croyants. Le résultat sur disque est assez similaire à ce qu’on pouvait en attendre, à savoir un album de morceaux originaux de Ben Harper mais un peu plus soul/gospel que d’habitude. Ben a délaissé sa slide guitar pour des rythmes plus doux, plus traditionnels, plus spirituels. Même trop.

On savait Ben très croyant, mais de là à que tout l’album porte le même thème, c’est peut-être un peu excessif. On aura donc au menu 11the Commandment, Church House Steps, Picture Of Jesus ou encore Take My Hand. Il faut quand même remarquer que ce dernier morceau, par exemple, est excellent, malgré l’inspiration légèrement douteuse.

On aime Ben Harper, mais un peu moins ces thèmes chrétiens absolument omniprésents. On peut donc dire que cet album est plus une passade dans la carrière de Ben, autrement plus intéressant avec les Criminals. Ceci dit, certains morceaux sont assez valables, et il est quand même impressionnant de voit un homme si passionné par sa foi, aussi douteuse puisse-t-elle être. De plus, Ben participera activement à la tournée Vote For Choice (avec REM, Springsteen, Pearl Jam unis pour que leur pays vire leur président-imposteur), fidèle à son histoire d’activisme.

Dizzee Rascal – Showtime

Voilà ce qui se passe quand le Royaume-Uni, ou Londres plus précisément, se met à révolutionner la scène rap, après avoir plus ou moins révolutionné/inventé chaque genre musical. D’un côte, le très cockney et un peu bavard Mike Skinner (The Streets) et de l’autre, le nettement plus street Dizzee Rascal. Dizzee sort son second album, après avoir crée une grosse sensation avec son début Boy In Da Corner.

Son deuxième album reprend la même formule, à savoir un flow invraisemblablement rapide et une programmation avant-gardiste, qui ferait passer Timbaland pour un honnête amateur, ou presque. En tout cas, c’est l’idée.

Showtime alterne différents types de morceaux, certains assez hard et carrés, d’autres plus calmes et introspectifs. Les paroles sont assez décevantes (on est loin des petites histoires à la Skinner) et rentrent dans les gros clichés rap (respect du milieu, the ‘hood, blablabla).

Heureusement, musicalement c’est autre chose, avec des beats et un programming assez intéressant, comme le complètement dingue Stand Up Tall, sans doute composé sur un vieux Game Boy. Seulement, le très chouette alterne avec le moins bon, et parfois on tombe dans le plagiat peu inspiré de Timbaland, justement (Everywhere) ou plus simplement dans l’ennuyeux (50% de l’album). Et avec Dream, Dizzee a composé son single de Noël, ou tout au moins son You’re All I Need To Get By.

Intéressant donc (bien plus que le rap commercial habituel) mais Dizzee aurait peut-être du attendre un peu plus longtemps, et montrer une vraie évolution et plus de variété. Il y a quand même encore de l’espoir…

Radio 4 – Stealing of a Nation

Avec ce nouvel album de Radio 4, on peut commencer à s’interroger sur la fin de ce mouvement post-punk-funk, lancé par James Murphy et son team de producteurs DFA qui, ces dernières années, nous ont fournis LCD Soundsystem, !!! ou le second album de Radio 4, peut-être justement la meilleure galette de ce mouvement (Gotham). Tout a une fin, et Radio 4 la sentait venir, c’est sans doute pour cela qu’ils ont engagé un autre producteur, à savoir Max Hayes, aux références parfois douteuses (Doves, Ocean Colour Scene). Et ce n’était peut-être pas une bonne idée.

Stealing of a Nation est ce que Gotham n’était pas, et dans le mauvais sens. Un disque sans âme, calculé, froid et ultra-computerisé. Tout se trouve dans les premières secondes de l’album, un bête rythme de boîte tournaisienne douteuse, suivie des claviers de New Order, pour donner une touche indie, quand même.

Ceci dit, après cette déception passée, on se rend compte que SOAN n’est pas un mauvais album, et comprend même quelques morceaux, ou passages, assez chouettes. Mais rien ne touche, n’approche de près la brillance de Gotham. Même groupe, son peu différent, mais intentions complètement opposées. La basse est ennuyeuse (un comble pour Radio 4), la guitare peu inspirée, et la percussion sort tout droit de This Is Radio Clash. Sur tout l’album. On le sent, ce n’est plus comme avant. Et quand le groupe se met à sonner comme The Strokes, Depeche Mode ou INXS (INXS !), il est vraiment temps de regretter le passé, et de repasser Gotham. Ou New Order. Ou Gang of Four.

Björk – Medulla

Un nouveau Björk est toujours en événement, tant la chanteuse islandaise réussit à déchaîner les passions. Certains l’adorent, d’autres la détestent, mais elle ne laisse jamais indifférent. On lui a souvent reproché ses excés, ou un certain manque de variété dans son oeuvre. Eh bien, pour son dernier album, elle a décidé de n’inclure (presque) aucun instrument, préférant sa voix et celle d’invités (Mike Patton) ou de choeurs inuits. Les basses et beats sont produits par des beatboxes humaines, dont l’ex-Roots Rahzel. Comme concept, c’est indéniablement original, mais que veut le résultat?

Mitigé. Au début, on est absolument subjugué par la voix de Björk qui a rarement été aussi belle et émouvante, et l’orchestration très particulière, minimaliste mais efficace. Pleasure Is All Mine est accompagné de bruits et de soupirs très coquins, Show Me Forgiveness donne la chair de poule, et Where Is The Line est un morceau électro sans électronique. Et Björk est absolument irrésistible et ferait fondre l’Antarctique quand elle se met à chanter dans sa langue natale. Malheureusement, l’album finit par s’embourber dans un concept très strict, à tel point que les quelques accords de piano d’Ancestors font figure de délivrance.

Ceci dit, l’album vaut définitivement le détour, pour son originalité propre et pour celle de l’artiste, qui reste exceptionnelle.

PS : essayez de trouver, quelque part sur Internet, la version inédite d’Oceania, duo entre Björk et Kelis.